26 novembre 2013

Youpi.

Pour Les impromptus littéraires. Le thème de la semaine était la fête de Sainte Catherine...


Marthe avait attendu ce moment des picotements dans le fin fond du ventre tout au long de cette sainte journée. Elle allait revoir Paul ce soir.
Ils s’étaient rencontrés voilà quinze jours dans la file d’un cinéma. Ils n’allaient pas voir le même film et ils s’en sont parlés. Après dix minutes d’attente et d’échanges ils ont fini dans la même salle assis l’un à côté de l’autre. Et bien sûr, c’est lui qui s’est rallié au choix de Marthe. A leur grande surprise, enfin surtout à celle de Marthe, ils ont bu un verre à la sortie, Marthe un thé, puis ils  ont mangé ensemble dans un chinois pas loin. C’était finalement comme s’ils se connaissaient depuis des années et des années. Parfois même, ils se taisaient et le silence ne pesait pas. C’était juste un silence de plumes entre ces deux là qui, pourtant, se découvraient. Elle était seule depuis bientôt trois mois après sa dernière rupture avec Antoine. Antoine et sa peur panique de s’engager, alors qu’elle se sentait prête. Maintenant, elle était un peu refroidie mais au fond d’elle cette idée qu’il se pourrait quand même qu’il soit temps…
Lui, il avait dit qu’il était libre comme l’air et pourquoi ne pas le croire, surtout quand on le désire, ça facilite les choses.
C’est huit jours après qu’ils se sont retrouvés au creux du chaud d’une couette qui ne les avait pas couverts très longtemps.
Pas trop vite, ne vas pas trop vite, ne t’enflamme pas se disait-elle en lui disant oui, oui et re oui…
Au matin, il lui avait préparé un thé et lui avait apporté une tasse brûlante sur un plateau d’or et de cristal de Carrare, une paire d’angelots velus voletait autour de son aura nimbée de diamants... Il était, dans cet instant du réveil, beau comme un rêve de Prince… Ne t’emballe pas, ne t’emballe pas se disait-elle en lui  souriant: Viens.
Depuis, entre eux c’était comme dans tous les débuts depuis le début. Quand ils étaient ensemble, le temps accélérait quand ils s’attendaient le temps s’alanguissait.
Elle ne savait encore rien de lui mais elle s’en moquait pas mal, elle voulait juste tomber amoureuse et c’était en train d’arriver.
Cette journée avait été interminable. Les minutes duraient des heures et les heures des siècles. Ils devaient se retrouver après son travail. Ils iraient boire un verre dans le bar Sibo, près de la place et pour après, ils n’avaient encore rien décidé. Ils verraient, ils improviseraient et ce serait merveilleux…
Elle est sortie en même temps que Lou sa voisine de bureau. Lou lui a dit en souriant : Tu ne coiffes pas Sainte Catherine ? C’est ce soir !
C’est quand elle a mis le pied dehors que son portable a vibré. C’est lui s’est-elle dit. C’était lui. C’est lui, a-t-elle dit les yeux mouillés de bonheur.
Ce qu’elle a lu lui a moins plu :
J’ai réfléchit, tu est une si belle personn ke te mérite pas, désolé, je ne viendrai pas ce soir, ni les zautre. Ne m’apel pas. Biz.
Elle était terrassée.
Lou, légère a insisté: Dis, et Sainte Catherine, alors ?

Marthe s'est tournée vers elle, l’air mauvais, la colère glaciale et en détachant toutes les syllabes, elle lui a adressé : 
Lou chérie, j’ai vingt cinq balais, pas de mari, pas d’enfant,  je viens de me faire larguer par sms, par sms tu te rends compte,  et par un ringard analphabète... Comme une vieille serpillère usée alors, ma grande, tu sais où tu vas te le mettre ton chapeau de catherinette?


21 novembre 2013

Une lettre d'un litre.

Pour les impromptus littéraires de la semaine. Il fallait partir d'une photo:



Cher Papa, chère Mameuh,
Je suis bien arrivée après un voyage qui m’a semblé bien long tant j’étais serrée dans le camion du Robert. Comme vous me l’aviez dit, je suis restée bien cachée et je me suis tue tout le trajet. J’ai failli mourir écrasée plusieurs fois, mais à l’arrivée, ça va. Ici, vous l’aviez dit et vous aviez raison, l’herbe est bien plus verte.
Nous avons traversé la ville de Thury où le Robert s’est arrêté quelques heures pour boire des verres avec des copains et nous avons fait les derniers kilomètres vers Combray en zigzagant un peu mais c’était sans doute à cause des virages de la route. Et voilà, je suis, enfin en Suisse tant désirée. Certes, ce n’est que la normande mais c’est déjà ça. Un temps j'avais rêvé des prairies anglaises mais ça me semble viser un peu trop haut. Marguy était là qui m’attendait, pas si impatiente que ça, quand même. Vous la verriez, elle a bien changé. Elle ne ressemble en rien à la Marguy partie voilà deux ans. Elle a bien bien grossi. Et ses cornes même ont changé de forme. Cependant, elle a été plutôt gentille avec moi et m’a présenté à certaines du troupeau qui me souriaient dont, m’a-t-elle dit je dois me méfier. D’autres me regardaient un peu plus de travers et n’ont pas hésité à demander à haute voix ce que je venais faire ici. Elles meuglaient en gros que j’allais leur manger sous le nez et que cela  finirait inévitablement, par leur manquer… Tout ce mauvais foin pour quelques malheureux brins d’herbe… Elles se demandaient quel genre de lait j’allais donner n’étant pas née dans le pré d’à côté et pourquoi on me faisait venir si ce n’était pour préparer une invasion. Elles étaient allé jusqu’à dire invasion… Marguy se faisait discrète, on sent bien qu'elle n'est pas encore acceptée...
L’endroit n’a pas grand chose à voir avec l’Aubrac qui est plus plat mais bien moins vert. Je sens, malgré le peu de chaleur de l’accueil que je vais me plaire ici, même si vous me manquez déjà.
Ici, vous verriez l’épaisseur de l’herbe, vous seriez drôlement épatés. Et il y en a, il y en a, il y en a en abondance…

Voilà chers parents, je vous embrasse vachement en espérant vous voir arriver bientôt. Je sais que là-bas tout va de mal en pis… Je vous promets de m’appliquer à faire que vous soyez fiers de moi et que mon lait soit le plus beau possible…

14 novembre 2013

Madame...



Madame, en soutien chaleureux, ne citer que votre belle et digne réponse à la fange, à la bêtise et à l'abjection:

"Reprenons la parole. Reprenons-la à ceux qui nous saoulent, qui nous étourdissent, avec leurs bavardages, leurs radotages nombrilistes. 

Reprenons la parole, sinon nous serons prisonniers de ce haut rideau d’épines et nous serons derrière des acteurs à la langue coupée…"


René Char.


http://franceressaisistoi.wesign.it/fr

11 novembre 2013

Ti voglio tanto bene.

Pour Les impromptus littéraires de la semaine. Le thème était l'abandon, une maison vide, un mot laissé avant de partir.

Après avoir lu le mot écrit à la main d’une écriture dessinée et mis en évidence contre une boîte de céréales posée sur la table, il l’a froissé dans sa main puis l’a jeté dans la poubelle, sous l’évier. Il a failli se demander pourquoi, dans les cuisines, les poubelles étaient le plus souvent sous l’évier, mais la question l’a vite  quitté.
Et, même, s'il a trouvé le procédé disons léger, il lui a rendue grâce de ce mot là. Au moins, il avait épargné les cris, les larmes, les portes qui claquent, les armoires qui se vident, les sacs qui se remplissent, enfin, tout ce théâtre qui n'ajoutait jamais rien de bon à une situation déjà suffisamment compliquée, si douloureuse à vivre. Il s'est cependant dit qu'elle aurait pu se dispenser du passage en italien à la fin de son petit message: "Ti amo, ti voglio tanto bene..." Ca c'était peut-être en trop... Tout le monde, dans la maison, savait bien qu'elle était née pas très loin de Morlaix...
Puis, il est allé jusqu’au réfrigérateur, il en a sorti le pack de jus d’orange et s’en est versé un verre. Alors, il  s’est assis devant un bol de café fumant et en voyant les croissants il a avancé la main vers eux pour les toucher. Ils étaient chauds. Elle est quand même descendue chercher des croissants avant, s’est-il dit, donc tout n’est peut-être pas perdu... Oui, il arrive qu'en cas de chute, on se foute pas mal de la taille de la branche... Puis, il a pris son petit déjeuner dans le calme de la cuisine. Dehors, des rafales d’un vent de colère frappaient aux carreaux qui s'en démastiquaient,  les dernières feuilles encore accrochées aux sommets des arbres n’en finissaient plus de lâcher prise et tombaient en pluie sur le vert de l’herbe. Le ciel, si sombre ces derniers jours s’éclaircissait en bleuissant au fur et à mesure que les nuages se balayaient avec rage. Déjà, la pluie giflante du petit matin avait cessé. Finalement, il allait, sans doute, faire une belle journée. Il a bien entendu repensé aux années qu’ils venaient de vivre et surtout à ces six mois d’avant. Il y a repensé avec force en essayant de ne pas trop s’appesantir sur les instants délicats, les querelles stériles, les incompréhensions déroutantes, les conflits étouffés, les différences de point de vue, les craintes à propos de l’avenir, de l’argent qui, parfois fait défaut, les projets à engager, ceux qui sont laissés pour compte, les rêves largués en route, les concessions à faire, celles qui se refusent, la bienveillance qui s’estompe, la colère qui sourd, les ressentiments qui grandissent, les mots qui se raréfient, la tendresse qui durcit, les caressent qui s’absentent, les malentendus qui se crispent et cette fatigue qui accentue tout, finit par tordre l’idéal qu’on s’était inventé et auquel, malgré tout on s'accroche dur comme fer... 
Bref, la vie de couple dans toute sa splendeur tragique.
Ah! Comme il fallait être solide pour encaisser ça...  Ah! Comme il fallait vraiment le désirer encore plus que tout... Ah! Comme il fallait une résistance surhumaine pour ne pas sombrer et lâcher l’affaire dès lors qu’elle s’engageait si mal…
Il en était là de ses sombres réflexions quand il a entendu les marches de l’escalier craquer. Il s'est repris.
Ils sont descendus ensemble comme ils le faisaient les jours sans école. Après leur réveil, le petit venait dans le lit de sa sœur. Là, la plus grande lui lisait souvent un livre ou deux avant de se lever pour de bon. Ils sont arrivés l’un derrière l’autre dans la cuisine et m’ont vu seul assis à la table. Après un temps, ils ont demandé presque d’une même voix :
___ Et maman, elle est où, maman ?
J'ai rassemblé quelques forces qui me restaient et j'ai tenté:
___ Elle est partie pour quelques jours, maman... Heu, elle avait besoin d’air… Mais, je suis là. Nous sommes là, ensemble et on va se battre, on va faire ce qu’on peut pour lui redonner l’envie de nous…
Le petit a coupé:
___ Encore?
La grande a répondu:
___ Hé oui, encore! C'est bien notre veine d'être tombés sur une maman qui a sacrément la bougeotte...


Alors, je me suis levé et je suis allé vite fait dans la salle de bain m’essuyer le visage et surtout les yeux qui commençaient un peu trop à rougir…






08 novembre 2013

A mes petits Caramades...

Cette note, ce billet, cette notule, ce coup de voix veut s'adresser à mes petits camarades hommes qui viennent de convoler ou bien qui vont se mettre en couple ou qui y pensent furieusement et que je vois vivre, regarde, ausculte, considère, admire, réprouve, encense qui m'agacent, me ravissent et à qui j'ai envie de dire certaines choses: 
Dites, mes amours, faites un petit peu gaffe, quand même!
J'arrive à un âge où l'expérience me permet d'avoir un avis et aussi d'avoir l'envie de l'exprimer. 
Je sais bien que je me mêle de ce qui ne me regarde plus mais je m'en moque un peu. Je ne parle pas tant pour vous que pour elles ou vous deux que pour moi.
J'ai un avis, je le donne et puis c'est tout faites en ce que vous voulez, n'en faites rien si vous le souhaitez. Je m'en cogne. Vous pouvez ne pas être d'accord et on en reste là... Mais vous ne pourrez pas dire qu'on ne vous aura pas prévenu...

En préambule, je me permets de rappeler certaines vérités:
Pas plus que personne, les filles, les femmes n'aiment passer l'aspirateur. 
Pas plus que personne une femme, une fille n'aime ranger sa maison, remplir  une machine à laver,  étendre le linge humide, le détendre, le plier, le repasser, le ranger,  préparer les repas, mettre la table, la débarrasser etc etc. 
Pas plus que personne une femme, une fille n'aime regarder dans un réfrigérateur vide et penser à ce qu'il faut aller acheter pour les jours à venir. Pas plus que personne une femme n'aime après une journée de boulot se rendre compte que les vitres sont crapougnes et décide de se mettre à les frotter au lieu de bêtement s'allonger dans un canapé. 
Pas plus que quiconque une femme, une fille n'est douée pour la cuisine, le repassage ou le maniement des serpillières...
Hey, les gars, mes chéris savez vous qu'un lave vaisselle ça se vide? Qu'une table ça se débarrasse? Que du linge ça s'étend? Que du linge sec ça se détend? Qu'il se plie? Se range? Se repasse, parfois? Qu'un aspirateur ça se branche? Qu'une serpillière ça se mouille? Que du linge sale ça se met au sale? Qu'une table ça se dresse? Que des courses ça se fait? Q'une liste de courses ça s'élabore?
D'après ce que j'ai parfois l'occasion de voir, j'ai l'impression que vos mamans ont oublié de vous dire certaines choses...

Alors voilà les quelques conseils que je me permets:
Ne demande pas s'il y a quelque chose à faire: Il y a TOUJOURS quelque chose à faire: Regarde autour de toi et fais le.
Ne demande pas s'il y a des courses à acheter: Regarde dans le frigo, fais une liste et va pousser ton caddie.
Ne demande pas s'il faut passer l'aspirateur, il FAUT le passer: Apprends où il est rangé, sors le, branche le, passe le.
Ne demande pas si les draps sont à changer: File dans l'armoire et change les.
Ne demande pas ce qu'on mange à midi: Ouvre la porte du frigo, enfile un tablier et sors les poêles.
Apprends l'histoire des couleurs, du blanc et des températures, apprends où est la lessive et tourne les boutons de la machine... Tu verras c'est assez facile, finalement...

___ Dis donc le vieux qui fait son malin: Tu peux toujours ouvrir ta grande bouche mais si tu as raison, dis nous alors pourquoi voilà vingt ans que pas une seule n'a exprimé le voeu de partager ni tes jours, ni ta maison... Doivent pas être si formidable que ça tes conseils...

Heu... Les caramades: un. Le vieux qui rougne: zéro.



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