27 février 2009

Jour de chien.























 



"La névrose est un pis-aller mais ce pis-aller est le seul qui permet d'écrire" .
Roland Barthes. Le Plaisir du texte, 1973.


Si l'homme, qui venait de monter dans la voiture de tête avait su ce qu'allait être la suite de sa journée, il aurait, sans doute, choisi de mourir sur place.
Enfin, moi, à sa place, c'est ce que j'aurais fait.
Il y était entré depuis trois ou quatre stations sur la ligne treize. Je ne l'avais pas remarqué quand il était entré. J'aurais dû. Il n'avait rien de remarquable. Ah si, il n'était pas très grand. Pour son âge, il n'était pas très grand. Il avait cherché très vite à s'asseoir, il n'aimait pas rester debout au milieu des autres. Son regard leur arrivait au milieu de la poitrine et ça le désolait. Il faisait attention toujours à ces trucs là. Sur un trottoir, par exemple, il marchait toujours du côté le plus proche des immeubles, les trottoirs sont en pente vers les caniveaux... Dans un bar, il ne restait jamais debout à un comptoir. Boire un café les bras levés, merci... Et pourtant, dans sa vie, il lui était arrivé d'être avec des femmes plus hautes que lui et ça, il avait aimé. Il n'en avait pas été affecté. Il en avait été fier, même. Sans doute davantage parce qu'elles étaient plus jolies que grandes. S'il avait songé plusieurs fois à se laisser pousser les jambes, il s'était toujours refusé à porter des talonnettes. Il voulait bien être plus grand, mais il ne fallait pas qu'on voit l'artifice. Ca marchait pour les cheveux... Il avait la cinquantaine moyenne, environ. Enfin, il se trouvait sur le versant largement descendant de la pente. Il commençait à bien perdre ses cheveux sur le dessus, ça se voyait à la casquette qu'il gardait vissée sur le crâne. Il avait dû arrêter de fumer depuis quelques temps déjà. Il avait bien fait pour ses poumons mais pas pour son estomac, enfin pas pour son ventre qui s'était mis à enfler à tel point que ça le gènait vraiment. Ca, on le devinait à la veste bien trop grande pour lui dans laquelle il se cachait. Il s'était assis sur les strapontins près des portes, légèrement penché sur lui-même en ne regardant que ses chaussures. Il ne cherchait jamais à se montrer, se mettre en avant. Si on l'avait connu davantage, on aurait su qu'il commençait à avoir envie de pisser toutes les deux heures, qu'il ne s'en sortait plus sans une paire de lunettes, qu'il avait mal partout dès le réveil et que dès qu'il picolait un peu trop, le soir, il lui fallait tout un lendemain pour se débarrasser du mal aux cheveux. S'il était vérifié que la vieillesse est un naufrage, disons qu' il commençait dangereusement à en longer les côtes et en apercevoir les premiers mauvais récifs...
Tout au long de ses années, maintenant écoulées, il avait pris de belles baffes, il avait plus appris à perdre qu'à gagner, mais autant que tous les autres. Ni plus ni moins. Il vaut mieux l'apprendre assez vite, perdre est quand même une de nos occupations favorites. Le temps, les amours, les illusions, l'énergie etc etc...
Il avait aussi eu droit, Grâce à Dieu, ou à ses pairs, à de merveilleux bonheurs... Comme tout le monde, il s'en était sorti plus ou moins gaillard, plus ou moins brillant, plus ou moins debout mais pour l'instant, alleluïa,encore vivant.
Ce qui pouvait le sauver un peu, physiquement, c'était son regard. A force d'entendre qu'il était pas mal, il avait fini par se dire qu'il y avait peut être un peu de vrai, qu'on ne lui envoyait pas ça seulement par gentillesse ou, pire, par gentillesse... Il se souvenait aussi avec tendresse qu'on lui avait dit une fois, voilà longtemps qu'il avait la peau douce... Ah, il lui arrivait, malgré son air de cocker dépressif de bien aimer rigoler et de savoir se foutre de lui-même... En vrai, ça lui sauvait souvent la vie.
Il aurait dû sentir la très belle brune qui était venue s'installer à ses côtés. Il avait dû sentir cette bombe sulfureuse, mais il n'avait pas levé les yeux vers elle. Elle était tout en noir, du sol au plafond. Bottes noires en peau à talons assez hauts, jambes noires, manteau, gants, large sac en bandoulière noirs, lunettes et foulard sur ses cheveux, noirs. Une corneillle élégante et racée. Elle, elle jetait fréquemment des regards autour d'elle comme pour vérifier qu'elle n'avait pas été suivie. C'est à ce moment que je l'ai vue nettement sortir un portable de son fourre tout puis d'un geste vif de sa main droite, elle l'a glissé dans la poche béante de la veste de son voisin. Et, dès que la rame a ralenti, elle s'est levée pour disparaitre à l'ouverture des portes , avalée par les escaliers. Lui, le type, le petit vieux presque chauve et bedonnant, n'avait rien vu, rien senti. Il avait juste mieux respiré quand la femme avait levée le camp. Deux stations plus tard, alors qu'il clouait son regard au sol sur une vieille galette de chewing-gum sale, un téléphone a sonné pas loin de lui. Une sonnerie comme celles des anciens postes en bakélite gris, ceux à numéros qu'on faisait tourner avec l'index. Il s'est déplié d'un bond comme un diable qu'on sort du sommeil. Il a regardé partout autour de lui en priant que le truc qui sonnait ne soit pas dans sa poche. Dieu, à son habitude, est resté sourd à sa prière... Il l'a sorti de sa veste comme on se saisit avec dégout d'un pansement qui a déjà servi.
Il l'a porté à son oreille gauche, celle qui entendait encore pas trop mal. Il a écouté, longuement, en se décomposant au fur et à mesure avec intensité. Il a même sorti un petit stylo en alu venant droit du japon qu'il trimballait toujours avec lui au cas où... Il a noté quelques trucs sur un bout de papier qu'il avait dans la poche. Il a regardé le trajet de la ligne pour savoir où il en était. Puis, il s'est levé. Il pesait deux fois plus lourd qu'en entrant. Quand la rame est entrée en gare et s'est arrêtée, les portes se sont ouvertes.
Alors, comme à regret, une vraie frayeur dans le regard il s'est arraché de la voiture. Sur le quai, son regard affolé a croisé le mien. Je l'ai fixé.
« Putain de chiotte ! » C’est d’emblée ce que s’est dit ce très grossier personnage. Il a poursuivi : « Bordel, mais qu’est ce que c’est que ce truc de merde qui sonne dans ma veste ? Et ce mec, en face qui me dévisage depuis que je suis monté, il me veut quoi, ce vieux con bedonnant ? Ils ne vont pas me foutre la paix, aujourd’hui, tous ces connards ? »
Voilà ce que s’était précisément dit le type dans la rame, quand il avait senti un appareil vibrer dans la poche, lui qui, justement, n’avait jamais voulu entendre parler de ces engins, en dehors de son boulot. Il vérifiait que cette putain de journée continuait sur le même chemin que celui pris au réveil. En effet, dès l’aube, l’affaire s'était mal engagée. Il s’était réveillé en retard, très en retard à cause qu’il s’était couché dans la nuit, à pas d’heure. Deux, trois collègues, il ne se souvenait plus étaient passés boire un verre. Enfin, un verre, façon de parler... Disons qu'ils avaient bien levé le coude et donc ce matin, ils avaient, tous très mal aux cheveux... Depuis que le réveil avait sonné, il avait dû cavaler pour rattraper le temps perdu et s’assurer définitivement que ça ne se fait pas. Malgré la plus grande des volontés. Il s’en était tout à fait convaincu quand il avait laissé tomber le bol plein à ras bord de lait et de céréales qu’il allait enfourner dans le micro-ondes. Ça avait fait une jolie flaque blanche teintée de brun sur le carrelage de la cuisine. Esthétique, mais malvenue. Il avait serpillé le tout vite fait et foncé dans la chambre de sa fille pour la réveiller à son tour, après avoir préparé un deuxième bol. Elle avait marqué le coup et passé beaucoup de temps à ronchonner en s’habillant de travers. Pour tout arranger, elle avait intensément refusé de se coiffer. Il ne lui en a pas voulu. Du reste, ne lui en voulait de rien. La culpabilité? Il savait, en plus, qu'il s'en était fallu d'un cheveu pour qu'il ne la voit que lors des vacances scolaires. Il avait réussi à arracher une semaine sur cinq alors que la juge et son boulot lui en promettaient beaucoup moins. Aussi, quand ils étaient ensemble, il lui passait tout ou presque, en sachant que ce n'était pas bien d'agir ainsi. Mais ce n'est pas parce qu'on sait certains trucs qu'on arrive à les appliquer, ce serait trop simple. Lors de cette fameuse bataille qu'ils avaient livré tous les deux, les deux grands couillons, pour sa garde, en sachant qu'ils seraient, fatalement, et l'un, et l'autre perdants, il avait aussi consenti à déménager pour habiter dans la même commune que son ex-femme même si ce domicile lui valait une bonne heure de métro chaque matin. "C'est pas une preuve d'amour ça?" avait-il lancé à la Jaf qui l'avait regardé d'un sale oeil. La juge n'avait pas relevé, elle n'aimait pas les flics et dès qu'elle pouvait en emmerder un, elle ne se génait pas. Fut-ce aux dépens d'une gamine dont les parents se séparent. C'était banal à pleurer. On peut être juge et con. Et ça, si ce n'était pas joli, joli, c'était humain.
Il avait profité d’un petit moment de répit pour appeler le 36 et prévenir qu’il serait en retard. Il avait copieusement envoyé se promener le gars qu’il avait eu au bout du fil et qui lui reprochait ce retard. Il savait combien le service était, depuis plusieurs semaines, sur les dents, avec le ou la dingue qui se baladait en ville, menaçant aux sorties des écoles, des facs et des lycées une seringue à la main. Trois adolescents avaient déjà été piqués en profitant des cohues de sortie et tout le monde commençait à sérieusement s’agiter autour de cette affaire… Les journalistes leur tournaient autour comme des lionnes au régime rôdent aux abords d’une clinique pour buffles malades et, pour tout dire, des coups de fil commençaient à tomber des ministères à intervalles réguliers comme autant de coups de pompes à air dans des boyaux dégonflés. Les vacances à venir étaient remises à plus tard et certains avaient déjà renoncé à leurs locations.
On avait commencé à lancer des recherches vers les enseignants en colère, les chercheurs en pétards, les infirmiers en rogne, les toubibs rouscagnants... Il faut dire qu'en ce moment, dans ce pays tu avais plus de chance de tomber sur un type voyant rouge que sur un pinson joyeux.
Alors, c’est cet homme à cran qui a saisi un portable sonnant de sa poche. En sortant de la rame, il a fixé une dernière fois le visage du petit chauve qui le regardait comme pour le photographier et l’enregistrer dans son dossier visages. On ne sait jamais, ça peut resservir s’était-il dit. Il a juste répondu : « Oui… » et puis, il a écouté ce que la voix lui racontait en se masquant. C’était à propos de l'histoire des seringues, bien sûr. Elle lui a donné les noms de deux lycées et d’une école primaire (les endroits où la quinzaine passée, des gamins avaient été touchés...) puis, lui a parlé avec presque douceur de sa fille, de son prénom, de l’école où elle allait, de l’endroit où elle se rendait le mercredi après-midi pour la danse, des prénoms de ses meilleures amies, de l'adresse de son ex-femme, le tout sans qu’aucune menace ne soit prononcée. Elle lui a demandé de ne pas balancer le portable, qu’il pourrait servir à nouveau. Puis elle lui a fermement ordonné de noter ce qui allait venir. Ce qu’il a fait en pestant sur le quai et sortant de sa poche, un bout de crayon noir. Puis il était allé s’asseoir sur les bancs de plastique rouge. On devrait dire s’affaler plutôt que s’asseoir. Il avait besoin de reprendre des forces, de se ressaisir, de se reconstituer. Il s’était posé sans s’en apercevoir à côté d’un SDF qui sans le regarder lui a juste dit en souriant : « Des emmerdes ? T’inquiète pas trop, ça peut toujours être pire… On a du mal à le penser, mais crois moi, mon pote et je sais de quoi je parle… »
Il ne lui avait pas envoyé: "Et si tu fermais ta gueule?" mais il l'avait pensé très fort.
Puis, il a relu le bout de papier froissé sur lequel il avait noté ce que lui avait dicté la voix… Il était à deux doigts de l’effondrement absolu. Avec effroi, il a pensé à sa fille et à cette menace insupportable qui, désormais, planait au-dessus de leurs têtes comme une buse sournoise et vigilante, prête à plonger…
Le savait-il, ce sinistre qu'il était, d'ores et déjà, condamné?
Puis, peu à peu, l’énergie lui est revenue. Elle s’est glissée en lui comme un chocolat chaud dans le corps d’un alpiniste congelé. (Je suis d'accord, il m'arrive parfois de tirer les métaphores par la queue de cheval…) Il a filé un billet de cinq euros au philosophe voisin qui l’a remercié d’un "Monseigneur est trop bon..." plutôt moqueur. Il s’est levé et s’est engouffré dans les couloirs résonnants. Quand il s’est approché de l’escalier final, celui qui montait vers la lumière, il a reçu une paire de baffes glaciales, un courant d’air cinglant, une gifle givrée. Il a souri . Ça lui a rappelé les deux années qu’il avait passé à se geler les fesses durant les hivers terribles de la provence et sa région. Il n’y était allé qu’en été, en vacances et quand il lui avait fallu prendre un peu d'air, il avait demandé une mutation pour ce coin. Nom de Dieu ce qu’il en avait bavé! Un régiment de petits gris! Le chaud et ses acolytes mettaient les voiles vers la fin Octobre, ils devaient aller passer l'hiver en Afrique du sud, et ils ne revenaient s’établir dans les parages que vers la fin de fin Mars. Cinq mois à vivre avec des pelures sur le dos comme des oignons frileux, des écharpes autour des cous serrés, des bonnets sur les têtes vissés. Cinq mois à marcher les dos courbés, les têtes baissées, contre un vent furieux d’une force à décoiffer les lombrics et qui ne s’arrêtait pratiquement jamais de souffler à part, peut être pour regonfler ses joues. Jusqu’aux arbres qui en poussaient penchés, jusqu'aux fruits des murs des maisons qui marquaient le coup. Quand on sortait, on finissait par choisir ses itinéraires, ses boutiques, ses bars en fonction des abris. Il arrivait même qu'on ne sorte pas. Dans les rues, des ours blancs n’auraient pas tenu quinze jours… Du reste, on n’en croisait jamais dans les villages. Tout ça pour dire que le froid, bien qu’il le connaisse l’avait surpris au pied de cet escalier. Il a relevé le col de sa veste et il a attaqué les marches. En haut, il a débouché dans le gris, le gris de Paris. Paris est une ville grise. Magnifique, mais grise. Avec cent mille nuances de gris : le luisant d’après les pluies, le mat des bâtiments, celui des trottoirs, celui des ciels plombés, celui des matins blêmes, celui des nuits éclatantes, celui des visages des passants pressés… Il aimait cette ambiance et malgré la fatigue, malgré les emmerdes, malgré l’à vivre, il prenait toujours dix secondes pour en inspirer une belle goulée. En sortant de la bouche à mauvaise haleine du métro, il devait traverser la Seine pour entrer dans les bureaux.
A chaque fois, il ralentissait le pas et prenait son temps. Ce pont c’était une frontière. Il regardait autour de lui, sur l’eau noire. Parfois, il s’arrêtait et s’appuyant sur le parapet, il regardait, vers l’ouest, vers la Bretagne sud et la grève de Port Manech. Un paradis protégé, un port minuscule comme un creux de deux mains, une plage comme une joue à embrasser, toute entière à l'abri des violences et des agressions. C'était là qu'il avait amarré son bateau en attendant de pouvoir faire de l’ouest… sans plus jamais s’arrêter. Les quelques mouettes qui riaient en planant au-dessus de sa tête en étaient les messagères de première ligne. C’est un homme ragaillardi qu’il a repris son chemin en accélérant le pas. C'est en bondissant qu'il a traversé la rue vers l’entrée du 36.
Il n’a ni vu, ni senti, ni entendu la camionnette de CLINE une entreprise de blanchissage, arriver. Elle l'a attrappé sur le haut de la hanche gauche et l'a envoyé dinguer sur le trottoir d'en face où on l’a ramassé, en vrac, le bassin aplati comme une galette au sarrazin… Aurait-il tout fait pour l’éviter ? Lui qui avait passé sa vie à essayer de débarrasser la ville de ses taches les plus voyantes, c’est cette camionnette là qui l’écrabouillait. On peut, au moins reconnaître, que la vie s’y entend sacrément en putains de pieds de nez.
Un peu avant de mourir, il a repensé au dingue à la seringue et il s'est dit dans un demi-sourire: "Autant chercher une aiguille dans une boite de soin..."
Quai de la Rapée, à la morgue, on a donné à sa fille, qui avait tenu à venir le voir, un petit sac plastique dans lequel on avait balancé le peu d’affaires qu’il avait sur lui. C’est elle qui a trouvé, glissé dans son portefeuille, un bout de papier informe, c’est donc elle qui a lu les, sans doute, derniers mots qu’il avait écrit, ce matin là sur un quai du métro. Elle n'a rien compris du tout à ce qu'elle a lu mais elle n'en a parlé à personne.
A l’instant de la mise en bière, à laquelle elle avait insisté, contre le monde entier, pour en être, elle s’est approchée du corps et elle a glissé le papier dans une des poches de la veste du costume neuf dont on avait déguisé son père…
Elle garderait ça entre elle et lui.
Pour longtemps.

23 février 2009

Mon p'tit loup...


Mon aplati, mon froissé, mon bébé, mon p'tit d'hom, mon robinet, mon poussin, ma Pom d'amour, mon p'tit brun, mon chaton, mon Harry Cover, mon Prince, mon bonhomme, mon p'tit bout, mon Beauzyeux, mon pistolet, ma colonne Burette, mon Boudom, mon Franck Fort, ma saucissette, mon pisseur, ma bistouquette, mon ténor, mon singe hurleur, ma totoche, mon escroc, mon Usinacaca, ma couillette, mon Ravaillac, mon Tintin, ma mistoufle, mon Toubeau, mon six trente quatre, mon esquimau, mon gars, mon gros, mon hippo, mon ampoule, mon ventru, mon assoiffé, mon vélo, ma roulette, mon Troudbal, mon glouton, mon Errol Flyn, ma trompette, ma pistouille, mon mecton, mon doux, mon Tigrou, mon héros, mon raleur, mon nasique, mon Mi, mon Milou, mon p'tit père, mon gamin, mon Grangars, mon costaud, mon superbe, mon Pitaine, mon Troy, mon Gran, mon Bo, mon Grambo, mon homme lette, ma fierté...

Tu parles de te marier demain...

Déjà? Tu es sûr?

Ca ne peut pas attendre un peu? Juste une petite trentaine d'années?

21 février 2009

Une montagne, sa voix...


Par ici, quand arrive le début de Février, quand les corps en ont ras les quetsches d'être courbés depuis des mois comme des hauts de cannes, en essayant de se protéger des assauts redoublés d'un mistral borné ET gelé, quand on n'en peut plus du froid qui nous raidit jusqu'à la pensée, quand on en a marre de se peler les fesses dès qu'on en met une dehors, quand on en a soupé d'avancer la tête baissée, les poings enfouis au fond des poches comme des Empereurs neurasthéniques, on guette, iroquois fous, le premier rayon un peu réchauffant qui ne serait pas chassé par ce vent de merde qui nous débarque du Nord avec ses sales odeurs de télésièges... Alors, on se lance à l'assaut de la première terrasse qui vaille. Certaines restent en place tout l'hiver, au cas où. Chacun a sa préférée. On y passe devant durant les mauvais jours d'hiver et parfois on s'y arrête en pensant avec envie au temps béni où il sera redevenu possible de s'y asseoir et d'y lézarder comme un vieux mur.
Hier, par ici, était LE jour. On l'avait senti dès le matin, dès l'ouverture des volets. Les cimes des cyprès restaient bêtement verticales et n'étaient animées d'aucun mouvement, dans les buissons, les piaillements des oiseaux agités n'étaient pas recouverts par le bruissement des branches sèches, qui, elles, n'étaient secouées par aucun souffle d'air. Une sorte de paix sur terre et dans les cieux. Alleluïa.
Le ciel, lui, était comme un carrelage fraichement posé. Bleu sans tâche et brillant. Il allait faire une belle journée. Enfin.
S'habiller, y filer, vite, en espérant qu'il reste une place de libre. La choisir, s'y asseoir. Etre le seul en terrasse. S'y geler une belle heure avant que le soleil ne s'y pointe et déverse sa chaleur sur les tables, les chaises, les avants bras, les visages tendus vers lui. Ah nom de dieu que c'était agréable! Un peu de chaleur, juste un peu de chaleur et de lumière... Ce n'est pas la lune.
Les yeux clos, une odeur de café me montant droit dans les narines, j'ai entendu son rire qui venait de derrière moi. Son rire et sa voix. C'est elle qui m'a dégringolé dessus en premier.
J'en suis tombé raide sur le champ. Je ne les avais pas vu arriver. Elles devaient, être, elles étaient deux, trois. LE rire, LA voix et sa copine. Cette voix, ce rire... Je me sentais brassé, retourné, mélangé, remué, secoué, chamboulé... Bref, j'étais comme une plume dans l'Arashi, un grain de sable au coeur d'une déférlante, une vérité dans un discours de Président, vous voyez le genre...
Cheval attentif, j'ai tendu les deux oreilles vers l'arrière pour l'entendre, l'entendre, elle et l'entendre encore.
Je ne me suis jamais retourné, je ne voulais garder d'elle que ce rire et cette voix. Je n'ai absolument rien entendu de ce que ces deux là se disaient, je n'ai écouté que la musique de sa voix et le bruit bouleversant de son rire. J'aurais, tous ces instants vendu mon meilleur ami pour un seul éclat d'elle.
Je suis resté assis à boire café sur grenadine jusqu'à ce qu'elles et le soleil s'en aillent.
Je les ai laissées partir et tourner à l'angle de la rue.
Je n'ai ni cherché à la voir, ni cherché à la suivre, ni rien. J'ai levé le camp de la terrasse maintenant replongée dans l'ombre.

Et je me suis réjoui: pour l'instant, la journée avait démarré sur les chapeaux de roue, j'avais pris le soleil et j'étais tombé dingue amoureux... Quel brasier! Quel précipice!
Que tout cela n'ait duré qu'un quart d'heure n'a aucune importance.

Vient, sans doute un temps, où la Sagesse est d'apprendre à se satisfaire de pas grand chose...


19 février 2009

La bêtise, pépère...


Quel malheureux imbécile je fais... Mais quel crétin stupide... Mais quelle tanche obtue... Quel benêt splendide... Quelle buse bornée...

Voilà des années que je me demande si , oui ou non, ma vie est réussie, sinon, comment faire pour la réussir, au moins un peu...
Voilà des années que, la nuit au lieu de dormir sur mes deux oreilles, d'un sommeil de repus tranquille, je me pose ce type de question qui empoisonne plus surement la chambre qu'une horde d'acariens pyromanes...
Voilà des années que je m'interroge, doute, réfléchis, pense, triture, analyse, pèse, soupèse, le pour, le contre, le réussi, le raté, l'inachevé, l'encore possible, le définitivement perdu, le peu envisageable...

Alors qu'il me suffisait pour être à peu près certain de la réponse, d'avoir à mon poignet une jolie(?), grosse montre à nom de vélomoteur...
Non mais quel con magnifique, je fais! C'était si simple...
Jacquot chéri, producteur de mélanine, caramélisé de génie, crétin à formule, courtisan-chef, organisateur de dîners mondains, meetic sur pattes, essayeur de salissage de Cala Longa, cervelle à slogan: Merci!
Merci de me rendre la vie plus facile, d'éclairer ma Lanterne, de m'apporter des Réponses, de me guider vers LA Lumière, de me montrer LA Voie du Chemin de la Direction du Sens...


Le voir, ce soir même, dire de sa propre saillie que c'était, je cite: "Une immense connerie..."
Ce que c'est qu'un égo déglingué... Jusque dans la contrition il en appelle à l'Immensité...

13 février 2009

Sainte Anne...


Le Jégociator, secrétaire d'état aux vols en classe affaire et aux ailes flottantes, négociateur hors père, outre mer, et à la rue, revient rendre compte en métropole à chaque fois qu'il sort d'une réunion en Guadeloupe ou à la Martinique...

Et alors, il n'y aurait personne, sur place, ou même ici, d'un peu solidaire, d'un peu prévenant, d'un peu généreux pour lui apprendre à se servir d'un... téléphone?

http://indiscretions.over-blog.fr/

11 février 2009

Taigu...



Au loin, tes collines, sous un mistral bleuté
Là, de la lavande au bleu qui espère
À l’est, un faux soleil, une pâleur glacée
Ici, de tout longs cyprès, que le vent exaspère…

Là, les Alpilles et le vaste pays de Sault,
L’hiver, l'Ouvèze y rugit, rougne y fait ses grands sauts.
Le chaud, l'été y règne, souverain sans trône,
Ses sourires accrochés aux babouches du Rhône.

Au vieux mas isolé, une cloche sonne,
Au village ensseulé, c’est l’heure du midi,
Les ombres s’y allongent, le pas s’y abandonne,
Le gros du jour y file comme le chat s’enfuit.

Terre de pierres et de mistral mêlés,
Toits de tuiles rondes, poussières d’ocre rouge,
Platanes parasolant, lauriers blancs ou rosés,
Le gel mordant, l’hiver, quand plus rien ne bouge

Que les arbres fruitiers, et les vignes taillées.
Province Provence, à la voix déguisée,
Cinglante badine, couette de fièvre,
Insolente ou pingre, coquette orfèvre.

De l’Estaque en estocs, monde en vrac, âmes en toc,
Du Palais des Papes, aux salins des Saintes,
Des remparts d’Avignon, sous vapeurs d’absinthe,
Qu'on y galèje en o, ou bien dans celle d'oc...

Du sommet du Ventoux, aux droites de Buoux,
Des villages tranquilles, aux places des marchés,
Des frêles campaniles, jusqu'aux sorgues gelées,
De la Sainte Victoire aux bars du Barroux…

Que ce soit quand tu pArles ou nous montre la Crau,
Des ravins de Senanque, aux ravis du Prado,
Les phrases s’en roulent, s'habillent d'épique,
Enrubannées, brassées d'un vent catabatique.

Les mots déraisonnent au long des remparts,
Forteresses assagies, invectives amadouées,
On l’entend de partout, on ne le voit nulle part,
La langue s’y agrippe comme la vague au noyé.

Ah l’accent, le baroque, le beau personnage,
Qui balaye le temps, se gausse des sages,
Qui, comme chez Seguin, est toujours chèvre et loup...
L’accent, le Beau Prince… qui doit guérir… de vous.

08 février 2009

Et il n'y en a pas tant...



Le ciel, ce vaste intime, avait été clément.
Les hommes et la terre en dessous avaient eu droit à un ciel sucré, nappé de touches de chantilly célestes, mais il n’avait pas plu. Bonhomme, il s’était contenté de rouler des épaules, de se faire juste menaçant comme un chat gonfle sa queue et marche de travers. Il nous avait prévenu: " Méfiez vous..." ou alors plus sûrement, il avait voulu attiré notre bienveillante attention : "Dites, regardez moi comme je sais être beau, si je le veux, vous m'avez vu?" Puis lassé de ses effets de rayons, il s’était débarbouillé et c'est en Matisse qu'il avait abordé la fin d'après-midi.
Nous avions décidé d’aller passer la fin de l'après-midi à Monnieux. Un tas de vieilles maisons accroché à une colline. Un tas vieux de pierres vieilles devenu célèbre à cause de gens de goût qui avaient trouvé l’endroit attachant. Ils ne s’étaient pas trompés. Les gens de goût et argentés se trompent rarement à ce propos. Voyez l'Île de Ré ou la Vallée de la Clarée ou quelques autres...
Pourtant, il y a cinquante ans, ce n’était qu’un village de moyenne montagne dont on disait les habitants un peu fous à cause du mistral qui les frappait de plein fouet, à cause du sec et de l’aride, à cause de l’isolement dans lequel ils vivaient. Ils s’étaient agglutinés là comme les manchots se serrent pour se protéger du blizzard, pour éviter de mourir en hiver… Comment ça exagéré ? On voit bien que vous n’y avez pas mis les moufles en Janvier… C’était devenu un village. Puis un village couru, dans toute l’Europe, voire au-delà, puis un endroit so cute, so typically french, cafi d’américains bronzés en goguette et d’anglais en balade babas devant les maisons branlantes. " Des wrouè genss livent ici ?
Le hiver aussi ? One wrosé please…"
Nous étions en juin et dans les ruelles flottait encore l’odeur de feu de bois reconnaissable entre milles, annonciatrice de fraîches soirées et donc d’endossages de châles et de frottages de mains devant les flammes.
Nous étions en juin et le gros de la troupe était encore à Douvres, à l’aéroport ou dans le Maryland. Ils n’avaient envoyé que quelques éclaireurs pour tester le confort des chaises, marcher dans les rues les têtes en l’air sous des casquettes improbables, se tordre les chevilles sur les pierres des calades, s’asseoir aux terrasses, y parler fort et s’encanailler avec le frais du vin.
Nous étions allés saluer Raham, le peintre iranien qui avait trouvé la vie plus douce ici qu’à Téhéran… Plus libre aussi, sans doute. Malgré l’accueil qui lui avait été fait. Lui qui devait maintenant être un des plus anciens du village était encore, pour ceux d'ici, l’iranien, l'étrange étranger, bref, l'arabe... Alors qu'il avait saisi dans ses tableaux l’endroit comme personne, lui qui avait vu ce qu’aucun autre d’ici ne verrait jamais de toute sa vie, se sentait encore d’ailleurs, tout bêtement parce qu’on lui faisait sentir. Pouvait-on leur en vouloir d’être si teigneux à Monnieux ? D'avoir de si beaux paysages mais pas de si belles âmes? Le climat n’était pas d'une folle tendresse avec eux. Les vies de ceux qui les avaient précédés avaient été rudes, ils l’étaient devenus aussi, par la force des choses. Depuis des siècles, tout ce qui permet de survivre avait été denrée rare, alors oui, on grignotait sur l'indispensable : L’eau, le bois, les olives. Ils étaient à l’image de l’endroit : peu généreux, peu partageurs et donc peu accueillants. Mais Raham Nasfar, seigneur au regard persan savait, lui, comme tous les plus pauvres d'entre les plus pauvres, venant d'un ailleurs encore plus âpre, qu'on est riche que de ce qu'on partage. Il n'était pas difficile d’être son ami, il vous le disait avec son accent inimitable dès les premiers mots :" Bienvenue, mon ami... " même si c’était la première fois que tu entrais chez lui. L’hiver, il peignait et se taisait, l’été il parlait et vendait ses toiles. Dix mois de silence, deux de paroles. Un assez bon partage du temps, en somme.
Puis, nous étions allés offrir nos fesses à une terrasse, face au couchant, les yeux plongés dans la flambée rose du soir dévalant en volutes du Ventoux à deux coups d'ailes de là, suivant du regard les vols agités des martinets affamés, un, deux verres de rosé frais aux bords des lèvres, pour sourire du moment à vivre en tentant d’oublier les accents étrangers, les ronflements des quatre quatre immatriculés GB et deux ou trois autres petites choses...
Tout s’était accordé au diapason. Il ne manquait plus qu’une musique. Pour un peu, j’aurais bien entendu venir de la cuisine, portées par les odeurs des pizzas reines sortant des fours à bois d'arbre, traversant la rue et l'air du soir rosissant, s’arrêtant juste aux portes de nos oreilles, comme nos yeux, grandes ouvertes, prêtes à tout entendre, les notes de l’Armando’s Rumba de Chick Coréa par le Trio Rosenberg… Juste pour faire taire le voisinage?
Le bon mieux n'est pas toujours l'ennemi du beau bien...

Reste que, comme le chante Eicher: C'était une belle journée et il n'y en a pas tant...






05 février 2009

Avant d'en entendre

























un paquet, un peu plus tard dans la soirée... En effet, quel crédit accorder à quelqu'un dont les mots ne veulent rien dire puisqu'ils peuvent tout dire:
Ca et l'absolu contraire de ça!
Tout et le contraire de tout!
Et sans la moindre vergogne.

Alors, en voilà deux de bêtises, dont je ne suis pas plus fier que ça mais bon, on ne peut pas être au top top tout le temps, non plus:


" A la Sainte Agathe? Deux blouses...
A la Saint Gaston... ta pelouse..."

Comme le meilleur de notre pire ennemi n'arrivera jamais à la cheville du pire de notre meilleur ami, je compte, un peu, sur votre bienveillante indulgence...

Mes cordialités convaincantes...





Etre et à voir...










Il faisait encore noir dans la salle. Il ne restait plus grand monde dans les allées. Seules deux dames agées se levaient difficilement de leurs sièges rouges...
Elles échangeaient ensemble à propos de ce qu'elles venaient de voir:
"On devrait obliger le Sarkozy à le voir ce film..."
" Le Sarkozy et l'autre là l'Hortefeux... Oui, on devrait les obliger à le voir."
Bien que je n'aime pas trop qu'on oblige quoique ce soit à personne, je n'étais pas très loin d'être d'accord avec elles.
Cette heure et demie d'émotion, de sourires, de pleurs, donne une bonne mesure de la chance que nous avons de vivre dans un endroit qu'on ne se sent pas... obligé de quitter pour... vivre...
Comment oublier la joie, les rires et le bonheur de l'avant dernière séquence...
Et puis, de suite après, cette dernière image, terrible, ce sourire figé qui hante longtemps après la lumière revenue...

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