21 février 2009

Une montagne, sa voix...


Par ici, quand arrive le début de Février, quand les corps en ont ras les quetsches d'être courbés depuis des mois comme des hauts de cannes, en essayant de se protéger des assauts redoublés d'un mistral borné ET gelé, quand on n'en peut plus du froid qui nous raidit jusqu'à la pensée, quand on en a marre de se peler les fesses dès qu'on en met une dehors, quand on en a soupé d'avancer la tête baissée, les poings enfouis au fond des poches comme des Empereurs neurasthéniques, on guette, iroquois fous, le premier rayon un peu réchauffant qui ne serait pas chassé par ce vent de merde qui nous débarque du Nord avec ses sales odeurs de télésièges... Alors, on se lance à l'assaut de la première terrasse qui vaille. Certaines restent en place tout l'hiver, au cas où. Chacun a sa préférée. On y passe devant durant les mauvais jours d'hiver et parfois on s'y arrête en pensant avec envie au temps béni où il sera redevenu possible de s'y asseoir et d'y lézarder comme un vieux mur.
Hier, par ici, était LE jour. On l'avait senti dès le matin, dès l'ouverture des volets. Les cimes des cyprès restaient bêtement verticales et n'étaient animées d'aucun mouvement, dans les buissons, les piaillements des oiseaux agités n'étaient pas recouverts par le bruissement des branches sèches, qui, elles, n'étaient secouées par aucun souffle d'air. Une sorte de paix sur terre et dans les cieux. Alleluïa.
Le ciel, lui, était comme un carrelage fraichement posé. Bleu sans tâche et brillant. Il allait faire une belle journée. Enfin.
S'habiller, y filer, vite, en espérant qu'il reste une place de libre. La choisir, s'y asseoir. Etre le seul en terrasse. S'y geler une belle heure avant que le soleil ne s'y pointe et déverse sa chaleur sur les tables, les chaises, les avants bras, les visages tendus vers lui. Ah nom de dieu que c'était agréable! Un peu de chaleur, juste un peu de chaleur et de lumière... Ce n'est pas la lune.
Les yeux clos, une odeur de café me montant droit dans les narines, j'ai entendu son rire qui venait de derrière moi. Son rire et sa voix. C'est elle qui m'a dégringolé dessus en premier.
J'en suis tombé raide sur le champ. Je ne les avais pas vu arriver. Elles devaient, être, elles étaient deux, trois. LE rire, LA voix et sa copine. Cette voix, ce rire... Je me sentais brassé, retourné, mélangé, remué, secoué, chamboulé... Bref, j'étais comme une plume dans l'Arashi, un grain de sable au coeur d'une déférlante, une vérité dans un discours de Président, vous voyez le genre...
Cheval attentif, j'ai tendu les deux oreilles vers l'arrière pour l'entendre, l'entendre, elle et l'entendre encore.
Je ne me suis jamais retourné, je ne voulais garder d'elle que ce rire et cette voix. Je n'ai absolument rien entendu de ce que ces deux là se disaient, je n'ai écouté que la musique de sa voix et le bruit bouleversant de son rire. J'aurais, tous ces instants vendu mon meilleur ami pour un seul éclat d'elle.
Je suis resté assis à boire café sur grenadine jusqu'à ce qu'elles et le soleil s'en aillent.
Je les ai laissées partir et tourner à l'angle de la rue.
Je n'ai ni cherché à la voir, ni cherché à la suivre, ni rien. J'ai levé le camp de la terrasse maintenant replongée dans l'ombre.

Et je me suis réjoui: pour l'instant, la journée avait démarré sur les chapeaux de roue, j'avais pris le soleil et j'étais tombé dingue amoureux... Quel brasier! Quel précipice!
Que tout cela n'ait duré qu'un quart d'heure n'a aucune importance.

Vient, sans doute un temps, où la Sagesse est d'apprendre à se satisfaire de pas grand chose...


2 commentaires:

coquelicot a dit…

c'est juste beau et bon Chriscot comment vous disez ces premiers soleils ... annonce d'un renouveau, d'un printemps espéré ... oui sans doute ;-))

Bien à vous

chri a dit…

Coq... Merci! Il faut dire qu'on a le temps d'y penser...Il a duré cet hiver là...

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