08 février 2009

Et il n'y en a pas tant...



Le ciel, ce vaste intime, avait été clément.
Les hommes et la terre en dessous avaient eu droit à un ciel sucré, nappé de touches de chantilly célestes, mais il n’avait pas plu. Bonhomme, il s’était contenté de rouler des épaules, de se faire juste menaçant comme un chat gonfle sa queue et marche de travers. Il nous avait prévenu: " Méfiez vous..." ou alors plus sûrement, il avait voulu attiré notre bienveillante attention : "Dites, regardez moi comme je sais être beau, si je le veux, vous m'avez vu?" Puis lassé de ses effets de rayons, il s’était débarbouillé et c'est en Matisse qu'il avait abordé la fin d'après-midi.
Nous avions décidé d’aller passer la fin de l'après-midi à Monnieux. Un tas de vieilles maisons accroché à une colline. Un tas vieux de pierres vieilles devenu célèbre à cause de gens de goût qui avaient trouvé l’endroit attachant. Ils ne s’étaient pas trompés. Les gens de goût et argentés se trompent rarement à ce propos. Voyez l'Île de Ré ou la Vallée de la Clarée ou quelques autres...
Pourtant, il y a cinquante ans, ce n’était qu’un village de moyenne montagne dont on disait les habitants un peu fous à cause du mistral qui les frappait de plein fouet, à cause du sec et de l’aride, à cause de l’isolement dans lequel ils vivaient. Ils s’étaient agglutinés là comme les manchots se serrent pour se protéger du blizzard, pour éviter de mourir en hiver… Comment ça exagéré ? On voit bien que vous n’y avez pas mis les moufles en Janvier… C’était devenu un village. Puis un village couru, dans toute l’Europe, voire au-delà, puis un endroit so cute, so typically french, cafi d’américains bronzés en goguette et d’anglais en balade babas devant les maisons branlantes. " Des wrouè genss livent ici ?
Le hiver aussi ? One wrosé please…"
Nous étions en juin et dans les ruelles flottait encore l’odeur de feu de bois reconnaissable entre milles, annonciatrice de fraîches soirées et donc d’endossages de châles et de frottages de mains devant les flammes.
Nous étions en juin et le gros de la troupe était encore à Douvres, à l’aéroport ou dans le Maryland. Ils n’avaient envoyé que quelques éclaireurs pour tester le confort des chaises, marcher dans les rues les têtes en l’air sous des casquettes improbables, se tordre les chevilles sur les pierres des calades, s’asseoir aux terrasses, y parler fort et s’encanailler avec le frais du vin.
Nous étions allés saluer Raham, le peintre iranien qui avait trouvé la vie plus douce ici qu’à Téhéran… Plus libre aussi, sans doute. Malgré l’accueil qui lui avait été fait. Lui qui devait maintenant être un des plus anciens du village était encore, pour ceux d'ici, l’iranien, l'étrange étranger, bref, l'arabe... Alors qu'il avait saisi dans ses tableaux l’endroit comme personne, lui qui avait vu ce qu’aucun autre d’ici ne verrait jamais de toute sa vie, se sentait encore d’ailleurs, tout bêtement parce qu’on lui faisait sentir. Pouvait-on leur en vouloir d’être si teigneux à Monnieux ? D'avoir de si beaux paysages mais pas de si belles âmes? Le climat n’était pas d'une folle tendresse avec eux. Les vies de ceux qui les avaient précédés avaient été rudes, ils l’étaient devenus aussi, par la force des choses. Depuis des siècles, tout ce qui permet de survivre avait été denrée rare, alors oui, on grignotait sur l'indispensable : L’eau, le bois, les olives. Ils étaient à l’image de l’endroit : peu généreux, peu partageurs et donc peu accueillants. Mais Raham Nasfar, seigneur au regard persan savait, lui, comme tous les plus pauvres d'entre les plus pauvres, venant d'un ailleurs encore plus âpre, qu'on est riche que de ce qu'on partage. Il n'était pas difficile d’être son ami, il vous le disait avec son accent inimitable dès les premiers mots :" Bienvenue, mon ami... " même si c’était la première fois que tu entrais chez lui. L’hiver, il peignait et se taisait, l’été il parlait et vendait ses toiles. Dix mois de silence, deux de paroles. Un assez bon partage du temps, en somme.
Puis, nous étions allés offrir nos fesses à une terrasse, face au couchant, les yeux plongés dans la flambée rose du soir dévalant en volutes du Ventoux à deux coups d'ailes de là, suivant du regard les vols agités des martinets affamés, un, deux verres de rosé frais aux bords des lèvres, pour sourire du moment à vivre en tentant d’oublier les accents étrangers, les ronflements des quatre quatre immatriculés GB et deux ou trois autres petites choses...
Tout s’était accordé au diapason. Il ne manquait plus qu’une musique. Pour un peu, j’aurais bien entendu venir de la cuisine, portées par les odeurs des pizzas reines sortant des fours à bois d'arbre, traversant la rue et l'air du soir rosissant, s’arrêtant juste aux portes de nos oreilles, comme nos yeux, grandes ouvertes, prêtes à tout entendre, les notes de l’Armando’s Rumba de Chick Coréa par le Trio Rosenberg… Juste pour faire taire le voisinage?
Le bon mieux n'est pas toujours l'ennemi du beau bien...

Reste que, comme le chante Eicher: C'était une belle journée et il n'y en a pas tant...






2 commentaires:

Véronique a dit…

profitons, profitons Chriscot
j'ai appris hier que Monsieur Cardin achetait tout ce qui traine dans le " pays " ! les locaux ne sont pas contents, contents ...
mais quand on paye cash !
Bref...
chai pas pourquoi je dis çà !
ah si ! tout fout le camp

Anonyme a dit…

Oui, c'est à Lacoste qu'il commet ses méfaits... Il veut en faire un haut lieu culturel et argenté...Alors que ce village est une merveille...
Mais oui, au fait pourquoi parler de Lacoste?
Chriscot.

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