31 janvier 2009

Haut sommet...







De retour de huit jours à la montagne, passés à accompagner, secouer, parfois consoler, et protéger, souvent d'eux mêmes, cent quarante, (CENT QUARANTE!) jeunes vies loin de chez elles. Ah, les larmes de M. en froid avec l'idée de glisser sur une paire de planches incontrôlables! Oh, le sourire de G., à la montagne pour la première fois de sa vie. Et celui de L., à la fin du séjour, ses deux étoiles dans les yeux à cause des trois autres au revers de son blouson, une constellation à lui tout seul...
Il a fait un joli temps, merci. La neige était d'un blanc fromager, les pistes étaient comme nos âmes, damées platement, les pentes comme nos forces, légèrement déclinantes au fur et à mesure des jours...

Soulagement supérieur, les vies à charge sont toutes revenues intactes ou presque, encore merci...
A peine rentré, les valises comme moi, défaites, j'entends parler par hasard bien que je n'y crois guère, de cette presque merveille dont je n'avais aucune idée de l'existence...
Aussi, vite fait, bien fait, je me rue et débourse...
Dessus la galette, entre autres, il y a ça dont je copie un bout. Si, à la lecture, vous ne laissez pas quelques larmes vous glisser le long des joues c'est que vous n'avez pas la voix de Leprest les disant...
Et je suis bien d'accord, c'est absolument très dommage parce que sa voix...


"Le Passous Cotentin,
Je t'écris de Janvier
La marée bonne poire
A fini la vaisselle
Laissant nos habits nus
Sur le bord de l'évier
Et quelques grains de sel.

Le ciel est reparti
En balançant l'éponge
Manger des ports anglais,
Aucune heure aucune eau
Aucun pépin ici
Reste le temps qui ronge
Le front du casino.

Just'un bec transperçant
Le crâne d'un tourteau
Crochu comme une main
Sous un nid d'algues brunes
Reste l'eau, just'un jour
Et l'air de son couteau
Sculptant le cul des dunes.

J'allume un peu de bois
Sous des étoiles naines
Je m'accroche debout
Où dormir me fatigue
Sans maître, sans collier
Tout un chien se promène
Sur le dos de la digue..."

Si vous le trouvez, il y en a encore une dizaine à entendre et douze autres pépites...
Ca s'appelle: "Parol' de manchot" et c'est signé de LEPREST et LEMONNIER.
C'est distribué par Le chant du monde...

Ce "tout un chien se promène", si ça n'est pas du génie...
Une autre manière de tutoyer les sommets...




20 janvier 2009

Après Agnès...










et ses plages que vous auriez normalement dû voir et, qui sait, aimer, je vous donne un autre tuyau qui vaut l'enfilage de moufles, de bonnet la sortie dans le froid et le déplacement: Frozen River...
Un film dans la lignée de "Chop shop", de "La vie moderne"...
Oui, oui, encore un film d'une femme mais rien d'anormal, elles sont au cinéma comme dans la vie... Plus fortes, plus sensibles, plus denses, plus profondes, meilleures, quoi...
Frozen River est juste une histoire de femmes qui essayent de s'en sortir dans l'amérique d'aujourd'hui, celle des difficultés, des mobil home à chauffer, de l'avenir incertain et du travail précaire. Quand on y songe, Barack, mon garçon, tu vas en avoir du boulot pour que les vies de toutes les Ray et Lila d'amérique et du monde soient moins dures...
Les paysages m'ont rappelé un séjour au Canada puisque le film se passe en hiver, début du printemps à la frontière avec les Etats Unis.
Si vous n'aimez pas Frozen River c'est que votre coeur a des chances de l'être, frozen...
Ne me remerciez pas, remerciez Courtney Hunt , Mélissa Léo, ceux qui l'ont couronné au festival du film de Sundance et tous ceux qui font que sortir un soir dans l'hiver glacé se transforme en plaisir d'avoir mis le nez dehors pour voir ça...
A la sortie dans un recoin d'immeuble, un violoniste en mitaines trouées, au merci roumain, égratignait dans l'air glaciaire des ruelles vides, une pièce classique pour des passants pressés qui remontaient le col de leurs manteaux au lieu de mettre leurs mains dans leurs poches...

La vie était difficile aussi de ce côté ci de l'Atlantique...


17 janvier 2009

Les deux pénibles.


C'est dès leur entrée dans le Pub Peel, celui avec des écrans géants sur tous les murs, qui était au coeur de Montréal mais qui aurait pu être partout ailleurs dans le monde, que j'ai su que les deux, là, qui se pointaient, en tapant des pieds pour se débarrasser de la neige, allaient profondément m'agacer. Ca n'a pas loupé.

Dehors, les flocons tombaient comme des appels au calme à l'ONU ou des bombes sur la Palestine et des roquettes sur Israël. Il neigeait dru. Je m'étais assis à une table près d'une fenêtre pour profiter du spectacle des rues s'empoudrant. J'avais échoué là parce que j'étais fatigué, j'avais faim, je voulais me poser. Je venais de faire, à pied, le tour complet du Mont Royal en partant du Plateau, en montant par la route et redescendant par le chemin Imolstead, puis la rue Peel, c'est dire si j'en avais abattu des miles.
Du reste, je vous recommande la balade. Vous y verrez apparaitre, vers la fin, depuis ce chemin de forêt, où des écureuils viennent vous sentir le doigt, où des jeunes gens courageux y pratiquent le ski de fond, de derrière le rideau d'arbre, tel un gigantesque vaisseau fantôme, les tours vertigineuses d'une masse comparable à celle d'un New York savoyard...
Un vrai grand choc.
Je n'avais pas choisi ce pub là en particulier, je n'en connaissais aucun autre.
Qu'il y ait eu de la lumière à l'intérieur m'avait suffi.

Très peu après mon entrée, dès que je me suis épelé des épaisseurs accumulées, pour tenter de lutter contre le froid, puis assis, exténué, rougi, transpirant par ces efforts supplémentaires un verre d'eau claffi de glaçons s'était pointé sur la table...
Une plaisanterie? Non, une coutume.
Et, c'est là qu'ils sont entrés et qu'ils n'ont évidemment pas trouvé d'autre endroit où s'asseoir qu'à la table d'à côté...
Un jeune couple, grand, les deux, beau, les deux, mais surtout elle... Une trentaine resplendissante, pas un gramme de maquillage, fine comme un mannequin anglais, le visage un peu pâle, diaphane, une nostalgie dans le sourire, des yeux, deux, très vifs, rieurs et tristes à la fois, un regard profond. Et des mains, deux, d'une extrême finesse avec de longs doigts très expressifs. Lui, un grand brun légèrement frisé avec de grands yeux bleus hollywood, une bouche à mâcher du chewing gum, une voix à faire de l'ombre a Barry White... Ils étaient habillés, classe, les deux, visiblement du chic haut de gamme mais sans clinquant, du chaud, du confortable, du léger tendance soie cashemere, vous voyez? Du créateur japonais, boutique à Manhattan, certainement. Loin du Quetchua de banlieue...
Pas une once de fatigue ne se lisait sur leurs visages, pas même une petite rougeur causée par le vif du froid, ils étaient souriants, gais, semblant heureux d'être là, d'y être ensemble... Assis, ils se sont séparés de leurs petites écharpes fashion, de leurs petits bonnets marrants, qui leur allaient si bien, ils ont sorti de leurs poches les derniers modèles de téléphone à touches sensibles et japonaises, ils ont consulté leurs mails en sirotant chacun leur morceau de banquise...

Ce qu'ils m'ont agacé ces deux là! Leur genre "Yes we can Ada...", leur côté jeunes niouyorkais chouchous des fées, en vadrouille dans le "so exotic montewéal, so kioute, so old..." Old, tu parles, le plus jurassique des plus vieux immeubles date du 18 ème...
Quand ils ont attaqué leurs steacks noyés dans une sorte de sauce rouge vif et leurs paquebots de frites, l'agacement est monté d'un cran...
Une seule chose nous a épargné l'affrontement: Ils étaient américains ET amoureux, ainsi, Ô Joie d'calice, je n'allais rien comprendre des niaiseries mielleuses qu'ils ne manqueraient pas de s'échanger en pouffant...

Parce que je me battais avec une mini salade Caésar pour anorexique nain?

Parcequ'ils étaient deux ensemble et que j'étais un tout seul?

Les deux, sans doute!
Pénibles...

07 janvier 2009

Au P'ti Miste......


Ah... Grâce à Hubert Nyssen, commencer l'année avec Cioran:
"Un optimiste est un pessimiste qui n'a pas toutes les informations.
"

Comme toute cette neige est magnifique, dit l'optimiste qui ne sait pas que quelque temps après sa chute, elle crée un bazar monstre sur les routes où les voitures devenues folles n'en font plus qu'à leurs enjoliveurs...
Comme ce blanc est merveilleux, dit l'optimiste qui ne sait pas combien cette foutue poudre peut être glissante comme mille bananes vengeresses...
Comme les flocons enveloppent le monde d'un doux cocon protecteur, dit l'optimiste qui ne sait pas que ces flocons fondront et deviendront d'abord de la gadoue puis de la flotte sale...

Bref, après être revenu vivant du canada empoudré et congelé où la neige est à son aise mais, là-bas, on n'ose trop rien lui dire tant on se sent chez elle, on la retrouve par ici, en Provence, dans le Sud de la France et on voudrait que l'on soit un tant soit peu... optimistes?
Vous plaisantez, j'espère?
Un seul slogan possible: La neige... à la montagne!
Remarque, au vu des nouvelles du monde, il serait peut être bon qu'il en tombe trois ou quatre mètres sur certains endroits...

Et, comme il ne neige pas dans les salles de cinéma, qu'elles sont chauffées on peut en profiter pour aller faire un tour à la plage et s'y régaler le coeur, l'âme et les yeux avec celles d'Agnès, un diadème d'espièglerie, d'invention, de trouvailles, de tendresses, d'émotions, de drôleries, de profondeur d'une toute jeune réalisatrice de 80 balais qui a le génie de nous parler des autres en se retournant sur ce qui a marqué sa vie...
L'année cinéma commence bien.
Un peu optimiste ça comme point de vue, non?
Parce que nous ne sommes qu'au tout début janvier et que l'année qui s'en vient se chargera, comme d'habitude, de nous apporter ses brouettes de déceptions...

01 janvier 2009

Maintenant...


Image de Rémi Cottard

Maintenant, je sais ce que veut dire: maganer, les gosses, cruiser, piger, magasiner, pogner, paqueter et quelques autres.

Maintenant, je sais ce qu'il faut aller chercher quand il s'agit d'un boyau, d'un char ou d'une pinte...


Maintenant, je sais que les maisons ou appartements n'ont pas de volets... ni extérieurs, ni intérieurs, que la règle du type qui a tracé les voies et les rues devait être vachement grande et bien bien droite: j'ai arpenté TOUTE l'avenue Sherbrooke...

Maintenant, je sais que leurs supérettes sont nos hyper marchés, qu'on y trouve la poste dans la pharmacie, qu'on peut louer un DVD à onze heures du soir, si ça nous chante de l'écouter à cette heure là...
Oui, au Québec on écoute les DVD...

Maintenant, les mots de: Plateau, Frontenac, Viau, Papineau, Langelier, Beaudry, Peel m'évoquent quelque chose... Comme les lignes orange, verte ou bleu...

Maintenant, je sais que les poils de nez peuvent craquer sous une inspiration, qu'on peut marcher sur l'eau des lacs,
que l'air entrant dans les poumons peut être douloureux, qu'une écharpe, une simple écharpe est vitale, qu'un bonnet, un malheureux bonnet est indispensable et qu'on se fout pas mal de la tête qu'il vous fait...

Maintenant, je sais ou on trouve les meilleurs sushis de Montréal, qu'il y a cinq mille restaurants dans cette ville, qu'on y boit du vin comme s'il était de messe, à quelle heure le soleil s'y couche en hiver et le dernier bâtiment qu'il éclaire...

Maintenant, je sais ce qu'on mange au Saint Hubert ou au Subway, que quand il est écrit sur une vitrine de restau: "Ici on peut apporter son vin", si tu veux en boire tu as intérêt à prendre le tien... Ils n'en vendent pas...

Maintenant, je sais qui sont Guillaume Latendresse, Maxim Lapierre, Patrice Brisebois, Tom Kostopoulos, les tricolores, les patriotes, le centre Bell, une rondelle...

Maintenant, je sais qu'on trouve un Future Shop rue Sainte Catherine ,un Simmonds à côté de la Baie d'Hudson, qu'une floppée de magasin sont, en fait, souterrains et qu'on peut passer une après-midi entière en tee-shirt à déambuler et faire du magasinage alors qu'au dehors, la tempête fait rage... Exploit, j'y ai passé le boxing day...

Maintenant, je sais ce que signifie habiter dans le 4.5.0, à quoi ressemblent les plaines d'Abraham ou le château Frontenac, où se trouvent les cantons de l'Est, l'Abitibi-Témiscamingue...

Maintenant, je sais qu'une petite Némélie, canadienne, va, cette année qui s'en arrive, faire ses premiers pas sur les berges d'un lac des Laurentides en criant papa ou maman, en français ET en espagnol...

Maintenant, je sais que je n'aimerais pas bien que mes petits enfants vivent dans ces endroits où les angles sont souvent droits, ni dans ce type de société qui ressemble de très très près à une société libérale pure et dure dans laquelle tu as sacrément intérêt à n'être ni trop malade, ni trop faible, ni trop vieux... Si tu manques d'argent... Et que, si on n'y fait pas un peu attention c'est exactement ce qui nous pend aux dreads locks, camarade...

Maintenant, je sais ce que veut dire gentil et accueillant comme un québecois dont , là-bas, on dit d'eux que ce sont des paysans avec une carte de crédit...


Maintenant, d'avoir appris tout ça... Est-ce que ça me rend moins niaiseux?
Pas sur.
Maintenant, je sais aussi que c'est ici qu'il faut venir si on ne veut plus en entendre parler... Ici, personne ne le connait, n'en parle, ne commente ce qu'il fait, ne fait pas, avec qui il dort, où, comment, ce qu'il a dit, voulu dire... Ici, il n'est président de rien... On ne le voit dans aucune télé, aucun journal...
Et ça fait un bien fou...

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