28 décembre 2016

Le tout premier.

Comme je n'ai pas creusé de piscine dans le jardin, quand c'est le moment ou plutôt l'envie, nous allons encore nous baigner dans une des rivières qui courent comme des veines dans toute la région. Elles semblent nombreuses mais en vrai, ce n'est que la même au départ qu'on a divisé à plusieurs endroits pour irriguer toutes les terres agricoles de la région ce qui était plutôt bien vu étant donné les chaleurs qu'il pouvait y faire en été et la rareté des pluies. Celle dans laquelle on se trempe, n'est pas loin de la maison, on y fait un saut en voiture. On peut y aller en bicyclette. 
On a fini par repérer un endroit, au bout d'un champ immense et sec où les bagnoles ne peuvent pas aller. Pas encore. Elle est vive, d'une pureté incroyable puisqu'elle sort de terre à quelques kilomètres de là après avoir été filtrée par les collines pendant plusieurs jours. Elle n'a qu'un défaut mais on s'en accommode en deux trois bains. Elle est froide. Et froide n'est pas le mot exact. C'est même assez loin de la vérité... Avec gelée, on s'en approche.
Imaginez un frigo qui déverserait de la flotte en continu. He bien vous y êtes. De plus, comme elle court vivement, elle ne se réchauffe pas,  elle n'en a pas le temps, elle est donc en permanence à douze treize degrés. La première fois qu'on y entre une jambe, elle est comme mordue par une escouade de piranhas affamés et puis de longue, on finit par s'habituer aux morsures. Ce qui était douloureux devient agréable surtout au plein coeur de l'été quand on est écrasé de chaleur comme ça arrive souvent par ici. Un bain en fin de journée, par exemple de retour de la ville fait un bien fou. La température du corps descend de trois quatre degrés, la fatigue et les courbatures fichent le camp de  chaque cellule de  chacun de nos muscles. On se sent revenir à nous-mêmes, revivre, d'une certaine manière.
Donc nous voilà partis en petite troupe joyeuse et déterminée.
Comme nous aimons notre confort, nous emportons avec nous de superbes fauteuils pliants pour nous installer dans le lit même de la sorgue, avec les pieds dans le vif de l'eau et parfois, en cas de grosse chaleur, les fesses. Une fois là-bas, nous rêvassons, nous parlons, nous ne faisons rien d'autre, en vrai, que d'y être bien, le mieux possible. Nous passons le temps le plus agréablement avec un bain Joseph quand la chaleur se fait trop chaude.
C'est là que c'est arrivé. En sortant de l'eau, elle avait froid. Elle a réclamé sa tétine.
Je l'ai entourée d'une grande serviette, bien plus grande qu'elle, j'ai assis le paquet sur mes genoux, là, là, d'une main, elle a pris mon gros pouce, de l'autre, elle a entouré la nouvelle équipe puis elle a posé sa tête sur mon épaule, elle s'est lovée, recroquevillée dans la chaleur enveloppante de la serviette, elle a fermé les yeux et dans un silence étonné, elle m'a fait son premier câlin... En trois ans.
J'avais un glaçon en forme de petite fille dans les bras et c'est moi qui fondait...

C'était son premier. C'était MON premier. Il avait un goût sucré de rose éternelle celui-là...

Pendant cet instant suspendu, son grand frère lui, était très occupé à affronter au bâton une armée d'envahisseurs dragons sauvages  déboulant d'un canyon qu'il avait creusé à même les pierres du lit de la rivière...

Le sien viendrait un peu plus tard, quand les dragons seront définitivement matés.

Alors que cette année va se terminer, malgré toutes les horreurs épouvantables qu'elle a connu, les assassinats, les meurtres, les bombardements, les coeurs fermés, les terreurs sanglantes, je veux croire, au moins le temps de l'écrire, que ce sont ces trois minutes de tendresse qui peuvent sauver le monde...



23 décembre 2016

Puisqu'elles sont cuites.

Tu as bien trois, quatre carottes en espérance quelque part? Un oignon qui ne demande qu'à être cuisiné? Une poignée d'olives noires de Nyons au frais? Des épices qui trainent? Du curry? Un bouquet de coriandre fraîche?  De l'anis étoilé? Une branche de thym? Du sel, du poivre?
Alors, si tu es capable, toi, de rassembler tout ça, maintenant, tu peux t'y mettre:

Épluche les, les carottes, et coupe les en petits morceaux. Épluche aussi l'oignon et fais en d'autres morceaux, petits. Applique toi, ça te concentrera sur la tâche et pourra, peut-être, te divertir, au moins le temps de la coupe, des malheurs du monde.
Prends une casserole à fond plat (En profiter pour écrire que je n'ai jamais vu de casserole à fond ondulé mais bon...En revanche quelqu'un qui avait des casseroles en tôle, oui...). 
Mets-y dedans, une cuillerée à soupe d'huile d'olive et une belle noix de beurre. Quand l'huile est chaude mets-y l'oignon, puis les carottes et remue. Poivre, sale, curryse, herbise (branche de thym, feuilles d'origan, étoile anisée). Sucre d'une cuillerée à sucre de cassonade. Mets-y les olives. Si tu trouves des raisins blancs de Corinthe n'hésite pas. Remue. Mets-y la coriandre hachée menue. Remue.
Mets le feu très bas, couvre et laisse mijoter le temps qu'il faut en remuant de temps à autre. 
Et si, par un heureux hasard, tu viens d'ouvrir la bouteille de Saint Véran qui était au frais, ajoute-z-y un quart de verre de blanc si besoin. 
Quand le tout commence à fondre, c'est bon tu peux arrêter le feu.

Elles le sont, cuites, tes carottes. Et cette fois, cette fois, tu t'en réjouiras.


19 décembre 2016

Ainsi, nous aurons fait le tour...

Décembre s'épuisait. 
Dehors, même le thermomètre était gelé. La nuit s'était installée depuis de longues heures.  Elle avait posé ses grosses pattes noires sur tout le village, dans tous les jardins, sur tous les toits de toutes les maisons qu'on avait fermées à double tour. Heureusement, à l'intérieur,  dans la cheminée une ou deux bûches finissaient de se consumer en proposant une chaleur douce et confortable. Le repas avait été pris. Il avait été allégé pour corriger les excès de celui de midi. Une soupe de potiron à la coriandre et au parmesan, un morceau de fromage et une ou deux clémentines de Corse, celles vendues avec les feuilles que personne ne mangeait.
Et puis, dans la douceur de cette nuit d'hiver, devant le feu rougeoyant, quelqu'un a dit:
Et si on revoyait Le petit prince a dit? Vous l'avez déjà vu, n'est-ce-pas? Mais si ce film de quatre vingt douze... Mille neuf cent quatre vingt douze...
Non? C'est quoi l'histoire?
Ouh là, je vous préviens ce n'est pas gai, gai. Et le fait de savoir que la réalisatrice, la très jolie Christine Pascal se soit passée par la fenêtre quelques années après n'ajoute pas à l'absence de gaudriole...
Charmante soirée que tu nous proposes là!
Vous allez voir c'est profondément triste mais pas larmoyant, c'est aussi, à sa manière, un hymne à la vie et puis si bien incarné, Anémone y est formidable de tendresse et de folie, Richard Berry si intense, la petite fille est une merveille de justesse et d'émotion...
Cette façon qu'elle a,  Violette de murmurer: Va chier avec ta salade à la noix...
Ou: Papa, quand est-ce-que je vais mourir?
On pourrait citer pratiquement toutes ses répliques tant cette gamine est poignante.
Il y a toutes ces scènes superbes, les chansons enfantines hurlées à tue-têtes dans la voiture, l'épisode dans la montagne, le bord de la piscine, le compte rendu de scanner, la bataille d'eau, les bananes flambées et cette fin si poignante où à chaque fois j'oublie combien son père serre fort contre lui l'oreiller de Violette.
À chaque fois retourné, à chaque fois en pleurs...
Ben on va regarder ça alors...
C'est bien, c'est un bon soir pour revoir Le petit prince a dit...




Finalement, nous avons revu le petit prince a dit, nous avons beaucoup pleuré. Il n'a pas pris une ride. 
Pas comme nous.
Puisqu'il nous reste des kleenex, demain soir je nous propose de revoir le film de Nanni Moretti: La chambre du fils. 
Ainsi, nous aurons bien fait le tour...




03 décembre 2016

Un soir d'hiver.

En passant près de la fenêtre, je vois au dehors, un fin croissant de lune, clair dans le ciel lisse et de glace d’un début de nuit limpide, une étoile s’allume tout près de lui. Au loin, vers l’Ouest, tout un horizon rougit. Le noir en un gang feutré de chats de gouttières s’empare des tuiles des toits. Il s’installe comme une pâte liquide au fond d’un plat, s’insinue sur tout son territoire, le recouvre à l’étouffer. Puis il règne. En maître.
Autour de la parenthèse ouverte et lumineuse, un concert d’étoiles est désormais visible à notre œil nu. Elles scintillent dans le froid qui, lui, frappe à la vitre. Une pie s’envole et se pose près d’une cheminée fumante. C’est que dans les maisons, on a allumé les feux, c’est qu'ici, ces soirs, le froid s’invite, déboule et s'impose.
La voix, sur un fil, tremblante d'émotion d’une chanteuse noire écorchée vive envahit la pièce. Elle est en même temps force et fragilité, cristal et granit.
C’est l'enregistrement d'un concert donné au public à Montreux au siècle dernier, en mille neuf cent soixante seize... Une des plus belles musiques jamais entendues. 
Sa solitude et sa souffrance exprimées y résonnent avec les nôtres. La fatigue, maintenant, nous pèse sur les épaules. Nous frissonnons encore mais ce n’est plus seulement de froid.
Dehors, la petite parenthèse était plus lumineuse.

J'aimerai qu'on s'accorde sur l'idée que, là-haut, une étoile ou dix mille, Nina s’y nomme...








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