29 décembre 2009

MMX… Deux mille dix.

Année où les cicatrices s'adoucissent, année des explosifs feux d'artifice, des fins de sacrifices, des vieux fusils, des salsifisses, de tous les grands fils, des apéros à l’anis, du love and peace, du by night Paris, des doux délices, des avocats commis d’office, des dentifrices à la malice, des Cambadélis, de tous les Caramanlis, les Zemeckis, les Kazantzakis (qui a vécu à Antipolis), des Aperghis, des pays d'Alice, des Presley Elvis, des Travis, des Pâris, des liqueurs de cassis, des adresses bis, des Bourgs sans Maurice, de tous les armistices, de tous les iris, amaryllis, myosotis, des volubilis, narcisses, des fleurs de lys et même des fleurs factices livrées par les factrices, des navigatrices, des Adadis portées à Abeba Addis, du Manneken-Pis, des beaux petits fils, du pain d’épice à la réglisse, du cannabis, l'herbe des grandes saucisses, de la passe à dix, des hosties d'câlices, des jolies actrices, d'Anna Mouglalis, de LA justice, des solides drisses et des oh hisses, de culturisses, des bâtisses aux Médicis, des saints offices, de toutes les vis et des cruciformes (...), des double six, des éducatrices, des exploratrices, des agitatrices, des observatrices, des manipulatrices...

Deux mille dix, année des fins en ice, des France en miss qui sévicent au tennis en ambassadrices lisses à Tunis ou à Memphis…

Année à venir qu’aura de la cuisse, que je vous souhaite joyeuse, douce et aimante, sans caprice, sans préjudice sans abysse, ni supplice, ni jaunisse, ni précipice, ni ablation d’un appendice, sans avarice, ni immondice, ni injustice mais avec un Bruce Willis (si c’est votre Adonis) , un Aramis ou un Tutis si vous avez le vice d’une Bénérice…

Houx Noel 09

Allez, qu’on en finisse, je me trisse, je glisse, n'appelez pas la police, j'enfile mon silice et je vais prendre un bain à la Salis, mettre mon cœur en Suisse, ma pelisse à Nice et mes cannisses en Aunis.…

27 décembre 2009

Mes ptites secondes…

Dans les périodes de disette de Grands Moments:

J'ai appris à vivre, pour ainsi dire, avec l'idée que je ne trouverai jamais la paix ni le bonheur. Mais tant que je sais qu'il y a une chance assez bonne de mettre la main sur l'un ou l'autre de temps en temps, je ferai de mon mieux entre les grands moments. Hunter S. Thompson.

On peut se raccrocher à ces petites secondes qui ne changent rien, au fond mais qui changent tout à l'instant, ces petites secondes pas forcément glorieuses, mais qui peuvent rendre la vie plus douce:

Quand je sors d'un supermarché et que, comme d'habitude j'ai oublié de prendre un sac pour y mettre mes achats, que tout tient dans le berceau de mes bras, dans un équilibre précaire, que tout va s'éparpiller sur le parking et que je réussis en un geste à tout rattraper... Même si je sais bien que dans le temps qui suit, il me faudra, les mains toujours prises, trouver les clés de la voiture enfouies au plus profond d'une poche de mon jean... Et laquelle?

Quand dans un train de nuit, je me réveille dans une gare encore inconnue, que j'écarte lentement le rideau pour ne réveiller personne, juste pour savoir où j'en suis du voyage...

Quand j'ai acheté au petit bonheur la chance une housse de couette, que je l'installe et qu'elle s'adapte exactement pile poil à la couette...

Quand, dans le noir, je tente de glisser, au jugé une clé dans une serrure, que j'ai choisi la bonne et qu'elle y entre, droit sans ni se rebeller, ni tergiverser...

Quand, dans une queue d'hyper, je croise le regard serein d'un nourrisson, bouddha définitif, et qu'il me décroche un sourire à illuminer tous les trous noirs de toutes les galaxies...

Quand, dans un de ces matins de brumes je laisse tomber le tube de dentifrice sur le carrelage de la salle de bains ET que je ne mets pas le pied dessus...

L'éclat de rire de l'auditoire qui suit une blague, une galéjade, une boutade, un mot, une phrase... Quand on réussit à faire rire ou même sourire, l'autre... Ou émouvoir.

Quand par hasard je tombe sur une image où vous êtes tous les deux ensemble, pas trop éloignés, alors, je vous regarde, ébahi...

Quand dans une boulangerie, en tête d'une queue assez longue, j'achète la dernière baguette disponible et que je repasse devant tout le monde, enfant de Doisneau, mon trophée à la main...

L'instant où je me laisse glisser dans des draps propres, suivis de ceux où, après avoir lu, j'éteins la lumière, je remonte la couette et la glisse sous mon menton, oui... là, comme ça...

Quand sur le quai d'une gare, je viens chercher un être attendu, les secondes où le train annoncé s'avance, jusqu'au moment où il s'arrête et que je sais que l'autre est là, encore perdu parmi la foule qui se défroisse des voitures...

Le premier passage d'une lame de rasoir neuve sur une joue qui le mérite...

L'instant suspendu où, après un atterrissage, l'avion dans lequel je suis, roule sur le tarmac, ce moment où je peux, enfin, ne plus être à l'écoute du moindre bruit suspect et qu'il devient alors possible de m'accrocher, au visage, un sourire détendu et niais... comme un répit avant la mort...

Quand après une longue balade en montagne où j'ai pas mal souffert à cause de la raideur de la pente et de toutes ces cigarettes que je n'aurais pas dû fumer, l'instant où je libère mon dos de son sac et les pose, les deux, pas loin de mon cul, dans l'herbe tendre...

Les secondes où je me réveille la nuit et je regarde l'heure ET qu'il en reste cinq à dormir... Espérer qu'il n'y ait pas d'autre insomnie...

Je sors d'un endroit très bruyant où j'ai passé trop de temps, les premiers pas dans la paix, sur le trottoir désert, avant de me mettre en route pour rentrer... Le tourbillon de solitude qui, immédiatement, emboite le pas à celui de silence.

Après le dernier bain de l'année, le moment où je me sèche... alors, je compte que le prochain sera au mieux dans plusieurs longs mois. Retourner à l'eau pour anéantir cette pensée...

Prendre une région du Sud, attendre la fin de l'été, marcher une fin d'après-midi le long d'un chemin, guidé par l'odeur, s'approcher d'un figuier, cueillir un fruit mûr à même l'arbre, saisir entre ses doigts sa mollesse et sa tiédeur, l'ouvrir en deux, admirer sa rougeur... en porter une moitié à sa bouche et fermer les yeux... Vous y êtes?

Offrez l'autre moitié à qui vous accompagne...

Quand dans le noir profond d'une salle de cinéma, je sens les larmes me monter aux yeux et je les laisse filer sur mes deux joues, certain de n'être deviné de personne d'autre que de moi...

Et de qui m'accompagne.

S'installer, un midi de Mars à la table d'une terrasse, chauffée par un soleil revenant, embeautée de femmes en robes légères, à peine sorties des placards de l'hiver, d'où ce subtil parfum de naphtaline flottant dans le frais de l'air, commander un vichy orgeat et attendre qu'il arrive...

Quand je reviens de courir trois heures dans une banlieue moche à la recherche de sacs d'aspirateur, que j'en ramène un paquet, en installe un, appuie sur l'interrupteur de l'engin, pose l'embout sur une poussière et qu'elle DISPARAIT, avalée goulûment...

Après une brûlante journée d’été, lorsqu’un orage éclate, sentir les premières bouffées d’odeurs tièdes montant du sol… Fermer les yeux, ouvrir grand les narines.

Ces secondes, en début de mois où l’on consulte son compte bancaire et que le solde en est ENCORE positif...

Ces instants lors de soirées électorales où apparaît le visage élu de celui ou de celle pour qui on a voté. Après, attendre cinq, voire dix ans, avant de sourire à nouveau.

Décacheter une lettre reçue le matin en lire les premiers mots. Si vous lisez : " Mon bel amour,"... trouvez en vous la force d'arrêter la lecture à ces mots, rangez la lettre soigneusement dans une boîte, refermez le couvercle... enfouissez l'ensemble, oubliez où, il peut arriver qu'ensuite, après ces trois là ça se gâte... Se contenter de repenser au bonheur ressenti à la lecture de ces mots, à vous adressés: Mon bel amour...

Prendre une saison chaude, une fin de belle journée, une plage des Landes, une compagnie souhaitée, une paire de doigts, un poulet grillé, une bouteille de bon vin, deux vrais verres, attendre l’heure du coucher du soleil, se sécher du dernier bain, changer de maillot (pour ne pas garder l’humide sur soi) enfiler un vieux pull de coton, s’installer sur le sable… Manger et boire en regardant le ciel… L’autre contre soi.

Se réveiller un matin et s’apercevoir tout étonné, surpris, ravi, abasourdi, légèrement inquiet que ce matin précis, on a mal nulle part.

Sortir hagard d’un cauchemar et se rendre compte que c’en était un. Rêver du soulagement qui s'ensuit.

Ces moments, lors d’une réunion professionnelle où on croise un regard et on y lit tout ce qui n’est pas dit, tout ce qui ne doit pas se dire et qu’on sait que l’autre a lu la même chose dans vos yeux. Le sourire qui s’en suit.

Les toutes premières secondes où notre main se pose sur une peau encore inconnue et les vibrations qu’elle y sent, qui nous font chavirer, tout entier…

Ce moment, béni, où dans le cabinet d'un médecin on entend enfin prononcer l'adjectif : bénin.

Voir une araignée velue, énorme, repoussante dans la maison, passer au-delà de sa peur, l’attraper, la mettre dehors et la regarder s’enfuir. Avoir résisté au premier réflexe qui était de l’écraser. On peut ressentir la même chose avec une Calliphoria vomitoria.

Entendre en mars les dialogues amoureux des crapauds habiter les soirées, enfin entièdies.

Vivre la dernière centaine de mètres d’une sortie difficile où l’on a maltraité ses mollets, ses genoux, ses cuisses, ses fesses, ses hanches, son souffle, son cœur et savoir que dans quelques secondes, toute cette souffrance va s'adoucir.

Ces secondes où les pleurs d’un enfant s’apaisent au creux de vos bras, que le sommeil s’en empare et que sa peine s’en échappe.

L’instant précis où, dans un livre, un film, on tombe sur une phrase qui exprime exactement ce qu’on sent vrai depuis longtemps mais qu’on ne savait comment dire, comme: "On devrait baguer les rires, comme on bague les oiseaux, pour les reconnaître" Claude Roy ou bien "On ne trouve pas la paix en évitant la vie" dit par Virginia Woolf dans The Hours. Ou encore, cette autre de De Chamfort: "Il faut que le cœur se brise ou se bronze". Absolument.


Coucher Gadagne


Quand je finis d'écrire une page à propos de petites secondes, que j'en arrive à poser le dernier point des trois de suspension... en sachant qu'il y en a des milliers d'autres... de ces ptites secondes à vivre...


23 décembre 2009

J’y ai repensé, avec plaisir, pas plus tard que l’autre soir, confortablement installé près du feu, en sirotant un joli rhum vieux…

On était venu d’assez loin pour le baptême du “Cher Hasard”. Pour son premier voyage, il devait, en quelques jours, faire le tour de l’île et pousser un peu plus loin vers un archipel voisin. On avait appareillé un bien beau matin neuf de grand beau, on était heureux d’être là, on était cinq. Six avec la puce. Il n'en manquait qu'une, pas la moindre et pas la plus moche... Le premier jour du départ, on avait bien un peu drossé la coque sur les bancs de sable mouvants de la sortie de la rivière salée. On avait pas mal souri à ce signe. On s’était pas mal gaussé, mais en douce, avec bienveillance, sans en ajouter... comme ça méritait, sans injustice... Cette passe, le skipper l‘avait prise des centaines de fois sans jamais accrocher, il en connaissait chaque grain de sable et puis là, pour la première de son propre bateau avec ses amis à bord; touchette, freinage brusque et stop. Tout le manuel des Glénans y était passé pour nous en sortir, jusqu’au bateau des phares et balises qui draguait par là… En tirant le Cher hasard, ils s’étaient gentiment moqués, eux aussi.

Le premier soir, on avait mouillé à l’îlet à Fajou… Un des marins d'eau douce, peut-être, même, celui qui raconte, allez savoir, avait mal noué l'annexe au bateau et les trois garçons s'étaient offert deux bonnes heures de natation (aller) pour la récupérer. Elle était poussée vers le large par les alizées et les courants... Quelques regards noirs trois ti punch et un couchant magnifique auront enterré la bévue. Et la fatigue... Le deuxième soir c’est à l’Îlet Kahouanne qu’on a jeté l’ancre. Puis, on s’est mis à l’eau pour en faire le tour, un masque sur la figure des palmes au pied et un tuba dans la bouche. Ce qu’ils ont vu là c’était juste une merveille. Une plongée dans un aquarium poissonneux… Jusqu'à ces secondes magiques, debout dans l’eau, immobiles, balayés par un immense banc de carangues, nous passant le long du corps en nous frôlant, à en boire des bassines d'eau de mer…

C’est dans l'après midi du troisième jour, après une navigation tranquille, qu’on a jeté l’ancre dans une crique de rêve pour fêter dignement cette mise à l’eau du navire. Au loin, là-bas, la petite ville aux toits de tôles rouge. Deshaies. Un restaurant où quelques années plus tard nous reviendrons mais pour un mariage, cette fois, nous attendait… Ce soir là c’était baptême. On a commencé de boire un peu avant la fin de l’après-midi… On a continué par un apéritif au restaurant où nous nous étions rendus à la rame avec l’annexe, en deux voyages. On avait descendu quelques ti punchs pour le goût après les bières pour la soif. On avait mangé des plats d’ici, on avait parlé et ri pas mal .On avait passé une soirée dont on se souvient encore chacun des dizaines d’années plus tard. Pendant le repas, on avait réglé leur compte à quelques bouteilles tant et si beaucoup que c’est une troupe joyeusement éméchée qui est sortie en vacillant du bonnet du restaurant du village… Le retour au bateau avec l’annexe à rames mouvantes comme une épopée… Et on avait encore rien vu/lu/bu. Vers le milieu de la nuit, on a refait les eux voyages en sens inverse vers le “Cher hasard” qui nous avait placidement attendu sous les étoiles. De retour au bateau, l’un d’entre eux, le père, a préparé une crémate… Une boisson à base de rhum et de café qu’on fait flamber : “Il n’y a plus d’alcool, il a tout brûlé!” disait-il. Tu parles, Charles ! Il en restait assez pour qu’on se mette à danser et chanter sur le pont à chaque rasade et tout y est passé… L’un lisait du Pessoa, l’autre chantait s’accompagnant de sa guitare et tous buvaient encore et encore. Il fait chaud dans les nuits tropicales… Les étoiles en étaient suffoquées… Ah ça, pour avoir été refait, le monde, il a été refait ! Une bonne douzaine de fois et chacune en mieux… Mais on a oublié de prendre des notes… Ah ça on lui a bien gratté le dos du pont au Cher Hasard avec nos rumbas approximatifs et nos mambos fatigués… Vers la fin de la nuit, quand le jour s’est pointé vers l’ouest, dans la douceur tendre de cette tiède nuit assez arrosée... l'équipage épuisé a fini à la baille. Une soirée alcoolisée qui finit à l’eau, un comble! Avant de remonter, se sécher et s’envelopper dans les voiles allongées sur le pont, ils se sont souhaité bonne fin de nuit. Du village, les chants des coqs enzoukés commençaient à leur arriver aux oreilles. Au dessus d'eux, une à une, les étoiles s'éteignaient.

Plus tard, dans son existence, le “Cher hasard” aura le choix terrible de sombrer ou d’arriver… Finalement, il se décidera, porté à bout de bras par Slev, son skipper, pour le port. Et donc la vie. On peut penser en souriant que c’est parce qu’il a été, une douce nuit, dans la baie de Deshaies, baptisé dignement.

Tout attrapé par la chaleur du souvenir, j’en ai repris un autre... Et comme il est décidément vrai qu' un bonheur ne vient jamais seul, j'ai eu, dans l'élan, une pensée pour l'absent.

Ilet Gosier    3

Je vous embrasse ici, devant tout le monde, à deux bras...

20 décembre 2009

L'espère luette...

Certains soirs de mauvaise mine, de cœur cogné, de vent debout, ces soirs de mers croisées, tabassé dans des treizièmes ronchonnants, laminé par le fond... Bref, lors de ces méchants moments sous de moches dépressions poussées par des vents d'Ouest bousculant, il m’arrive, venues de je-ne-sais-quel hémisphère, de gais désirs d’esperluettes souriantes et soyeuses...
De celles qu’on trouve encore entre Roméro & Julirette, l'index & la zapette, un avocat & la vinaigrette, le bœuf & la palette, l'escarre & Paulette*, la pêche & la crevette, Bobo & Bobette, eux & la poulette, les bijoux & la mallette, Delpech & Laurette, une mèche & sa barette, l’endive & la roquette, le bourgogne & la topette, Galipo & les galipettes, les crêpes & Suzette, des fesses & la banquette, Alain & ses jupettes, l'or & Odette, Riva & la vedette, Sam Spade & Hammett, Ariane & la tempête, Toulon & La Valette, l'odeur & la tinette, la petite fille & la dinette, la laitue & sa cagette, La Savoie & la tartiflette, Marne & la coquette, le courtisan & la carpette, Troyes & l'andouillette, le zizi & la bistouquette, l'apéro & les cacahuètes, la boule & le coup de tête, les tapis rouges & les starlettes, un crâne & sa gapette, Coluche & les salopettes; Clo-Clo & les Claudettes, les cow-boys & Pat Garett, le moulin & la galette, la piscine & les claquettes, le mitron & sa baguette, un comptable & sa calculette, William & Hamlet, la Suisse & la raclette, mon oncle & sa bicyclette, Toulouse & les violettes, les cartes & la crapette, Marseille & la Joliette, l'ami & la molette, le fuscia & la mauviette, les grands crus & les piquettes, les serpents & les sornettes, le cancer & la cigarette, Claudine & Colette, le désert & Tamanrasset, les cakous & les gourmettes, l'armée & la grande muette, l'amer & les crevettes, les moutons & la moquette, le veau & les paupiettes, le sommeil & la couette, le gratin & les courgettes, la sentinelle & l'échauguette, Davy & Crockett, l'huile & la burette, Elvis & les rouflaquettes, le moine & la sandalette, la soul & Wilson Pickett, le homard & la mobylette, la mouche & la tapette, les œufs & l'omelette, Bruno & Carette, l'Espagne & les castagnettes, les cotillons & les défaites, l'autre & ses talonnettes, le moral & le fond des chaussettes...
Mais aussi entre:
Le désir & le saxo,
Le rhum & le cerveau,
Le cheval & le sabot,
Le casque & la moto,
Arlette & Chabot.
Le silence & le carme,
L’oignon & les larmes,
Souchon & le charme,
La tranche & le Parme,
Le sang & les armes.
Le quatorze & le pétard,
La ruse & le renard,
Alchor & Mizar,
Melchior & Gaspar,
L’étoile & Balthazar.
Le caillou & le ricochet,
Santiago & Pinochet,
Les gravats & le trebuchet,
La chute & le parapet,
La paix & le calumet.
Bernard & le toupet.
L'allumeur & le lampadaire
Zadig & le vieux Voltaire,
Les poux & l’Abbé Pierre,
Le crédit & le révolver.
Cambrai & les bêtises,
Un soupir & Venise,
Trousse & les chemises,
Liliane & les valises,
Le bluff & les mises.
Le dessert & la plonge,
La politique & le mensonge,
Tes promesses & mon songe,
La vérité & Bébé Donge,
Les flans & l’éponge.
La Seine & Paris
Frankie & Johnny,
Un broc & au lit,
Une reine & le parapluie,
Vanessa & le paradis.
Le cheveu & le chignon,
Les semelles & le paillasson,
Une seringue & un hérisson,
Une selle & son canasson
Les mains & les...
Et un bocal & ses cornichons…
Ah… une bluette joliette, doucette... au piment d'Esperluette...

Les lavabos
* Merci Slev...

18 décembre 2009

En silence…

La peine et le froid nous glaçaient les sangs. Nos os gelés claquaient des cartilages. Nos muscles prêts à se briser s'étaient durcis sous les morsures du vent. Nous tremblions comme des feuilles. Froissés par la pogne du mistral qui nous pétrissait comme de la pâte à pain. Derrière nous, le village agrippé à la colline, présentait son dos au mistral qui soufflait sa colère sur les tuiles des toits pour les emporter. Les maisons bousculées semblaient se recroqueviller sur elles-mêmes pour mieux s'accrocher au sol. Atteintes elles aussi par le chagrin ?

L’église romane minuscule mais très joliment colorée, presque pimpante, accueillait de ses bras simples les grappes d’amis qui étaient venus de tout le pays pour être là, juste être là. Ils se serraient, en silence, sur le parvis pour avoir moins froid ? Pour atténuer un peu la douleur ? Pour se prémunir de la détresse ? Ou alors juste pour se serrer autre chose que le cœur ?

Elle était palpable, la peine, elle nous enveloppait comme du goudron liquide. On la sentait qui grandissait à mesure qu’elle était partagée. Il faut dire que celui pour lequel on était venu était un bon homme. Il avait été fauché voilà plusieurs années, déjà, et, à dire vrai, il n’en était pas vraiment revenu. Enfin pas tout à fait, pas entièrement. Il s’était pourtant battu comme un beau diable, comme il savait faire, comme il avait toujours fait.

Dans sa vie de sportif de haut niveau, dans son sport de combat, dans ce sport de duel, dans cette escrime qu’il avait aimée comme la plupart de ceux qui étaient là, la famille, enfin une branche de la famille… Puis, il avait dû se résigner. Il ne redeviendrait pas celui qu’il avait été. Jamais plus. Il ne reviendrait pas parmi les autres. Il ne pourrait plus jamais échanger avec eux comme avant, avec des mots, des phrases, des sourires au bout des phrases. Il ne parlerait plus depuis ces jours terribles où son cerveau avait été blessé… Ses mots s'arrêteraient au dedans, il ne les trouverait plus.

Mais s’était-il résigné, du reste ? Qu’en savait-on ? Avait-il accepté cette tragédie qui l’avait laissé là, étalé, seul, sur le carreau ? Avait-il fait son deuil de sa vie d’avant ? Peut-on le faire ? Peut-on se dire un jour : Je n’y arriverais pas. C’est fini, je ne serai plus jamais celui que j’ai été. Désormais, je serai dépendant. Il faudra qu’on m’habille, me lave, me nourrisse, me couche, me distrait, me déplace, qu’on organise ma vie, qu’on s’occupe de moi, qu’on m’emmène, me laisse, me bouge, me couvre, me découvre, me protège, du froid, du vent, du chaud, des autres… Désormais, je ne peux plus décider seul, pour moi de ce que sera ma vie. Qui peut accepter sans rechigner un tel « désormais » ? Qui faut-il être pour le vivre bien ou le moins mal possible ? Un saint ?

Et puis, il était mort. Et c’est lui qu’on accompagnait cette après midi de décembre dans cette petite église minuscule à flanc de colline, dans ce village. C’est auprès de ceux qui restent qu’on était rassemblé dans le gel mordant de cette journée sinistre.

Un ami avait rendu un secouant hommage mais d’une simplicité magnifique, une amie avait parlé admirablement de lui et surtout d’elle, qui restait. Son fils avait fait pleurer tout le monde avec des mots de fils, des mots d’amour de fils. Intérieurement, on avait enragé en silence sur ce que la vie peut parfois exiger de nous, misérables petits humains, sur ce que parfois elle nous réclame, nous impose, nous ordonne. On avait pesté sur ce que le destin attend de nous, sur les épreuves auxquelles il nous agenouille et auxquelles nous nous soumettons. En silence. Pleurait-on jamais assez sur le sort de ceux qui restent et qui ont devant eux la vie à continuer de vivre avec l'absence suturée au coeur?

Maintenant, il était l’heure de quitter l’église, de le laisser s'en aller, seul, dans le froid glaçant de décembre. Nous étions, sur le parvis, avec nos larmes s'écoulant sur nos joues de gel. On venait de glisser le cercueil dans la voiture qui allait l’emmener, les roues avaient grincé.

ELLE, qui s'était, toutes ces dernières années, battue à ses côtés et parfois, sans doute, contre lui, était debout, serrée dans les bras serrants du fils, le visage ravagé par la douleur. On a fermé le hayon de la voiture comme une guillotine. Les hommes en noir sont montés dans le véhicule qui a démarré. Une sorte de paix est descendue sur la place. Alors, à cet instant précis, la conscience qu’il venait de la quitter pour toujours lui a sauté à la figure. Son visage s’est encore crispé sous les coups répétés de cet immense chagrin, elle en a froncé les yeux. Elle en a pleuré, en silence… Et nous, avec.

Et puis, la vie...

Barque à Pont

A Claude, à Catherine, à Philippe...

15 décembre 2009

Le gratin du Capitaine...

image Si vous savez que dans un œuf il y a du jaune et du blanc... Si vous savez comment on les sépare l'un de l'autre... Si vous savez ce qu'est un four quand nous ne sommes pas au théâtre, Si vous savez ce qu’est du haddock quand ce n’est pas un capitaine de bande dessinée, alors vous avez les connaissances requises pour vous attaquer au Gratin du capitaine qu'hier, je me suis préparé et dont je me suis rérégalé.
Comme vous n’êtes pas libre à déjeuner, je vous en livre la recette. Vous allez voir c’est d’une facilité déconcertante et le rapport facilité/régal est excellent. De plus c’est un vrai plat d’hiver:
D'abord, mettez une bouteille d'un vin blanc plutôt sec au réfrigérateur ou bien ouvrez une bouteille de rouge selon que vous préférez boire l'un ou l'autre. De l'eau sur du gratin? Oui, oui, c'est possible, vous pouvez mais si vous êtes malade ne venez pas vous plaindre.
Prenez quatre cinq pommes à chair ferme. Des pommes de terre, bien sûr. Il ne sera pas tout à fait inutile de vous munir d’une boite de petits pansements pour le cas ou vous blesseriez en les épluchant et en les coupant en rondelles de trois mm 20 d’épaisseur. Si on les coupe en rondelles, c'est pour qu'elles cuisent plus vite, ainsi on économise donc du gaz... Copenhague et tout l'bazar...
En cuisine, il faut être rigoureux ou pas...
Vous les plongez, ces rondelles dans de l’eau bouillante salée avec deux poireaux et laissez cuire… le temps qu’il faut.
Pendant ce temps là, si vous n’en aviez pas, vous allez acheter un four que vous vous dépêcherez d’installer et de préchauffer à deux cent degrés (Thermostat six).
Vous attrapez sur l’étagère la plus haute ou celle du dessous, enfin là où vous le rangez, un plat à gratin. Peu importe la forme, personnellement, je les aime bien carrés parce que j’aime ce qui est carré : La cour carrée du Louvre, les coupes au carré, celui, plongeant de Gwineth Paltrow est une absolue réussite, celui d'un Munster aussi, Isabelle, les racines, le caRRé à Avignon, celui des Feuillants, les tableaux carrés, ce qu’on ne trouvait pas voilà quelques années et de plus en plus maintenant, l’expression au charme suranné : carrément bath ! Bref, tout ce qui a quatre côtés égaux. Un besoin d'ordre?
Beurrez-le ! Le plat ! Ceci n’est pas un ordre mais une chose à faire pour que le gratin n’accroche pas au fond. Avec quoi ? Vous, vous êtes distrait... Avec du beurre, cette blague.
Un saladier, vous avez un saladier ? Dedans vous y mettez deux jaunes d’œufs, vingt cinq centilitres de crème fraîche, l’équivalent d’un petit pot, un filet de haddock émietté, d’environ trois cent quatre cent grammes. Vous l'aurez fait dessaler dans du lait pendant quelques heures au paravant? Vous mélangez le tout après avoir très peu  salé, mais pas trop, le poisson peut l'être déjà pas mal, poivré, et épicé d’une pincée de curry. Pendant ce temps là, les pommes de terre et les poireaux ont bien sagement fini de cuire. Vous égouttez et écrasez les pommes (de terre) avec une fourchette. Vous coupez les poireaux en fines rondelles. Vous poivrez légèrement et vous ajoutez le tout au saladier et vous mélangez à nouveau. Ensuite, vous videz toute cette préparation dans le plat à gratin que vous enfournez pour une durée variable… Trente, quarante minutes ? Vous pouvez recouvrir le plat d’une feuille de papier aluminium pour éviter que le gratin ne s’assèche au dessus.
N’oubliez pas de le sortir du four pour le consommer… Pour décorer le plat, j’ai ajouté dessus le vert foncé de deux trois branches de céleri frais mais vous pouvez par exemple ciseler des fines herbes fraîches.
Ouvrez la bouteille de blanc. Un Pouilly Fuissé, par exemple…
Servez avec une salade d’endives et de céleri frais au vinaigre de framboise…
Bon appétit à vous. 
Si vous vous régalez autant que moi…

Terrasse marrons

Simple comme un bout de fil...

Pour les Impromptus littéraires sur le thème: Mode d’emploi.

Pour faire une belle journée :

La veille au soir, prendre un petit bout de laine. Si elle est rouge, ce n'est pas plus mal.

S’en faire un joli nœud autour du pouce de pied droit… Attention, ne pas se tromper de pouce… Tout dépend déjà de cette première action.

S’endormir, sa laine nouée au pouce.

Au réveil, veiller absolument à se lever en posant le pied lainé le premier au sol. C’est sans doute la partie la plus délicate de l’opération. En effet dans la période trouble des brumes matinales il se peut que vous oubliiez la laine, le pouce, le projet et tout le dispositif… Pensez à poser un pense bête sur la table de nuit visible dès le réveil… Je vous suggère la pelote de laine… Si vous en attachez un bout à l’index qui éteint le réveil, c’est aussi bien… Vous ferez ainsi plus aisément le lien entre brin, pelote et brin du pouce de pied… Je vous le souhaite. Si oui, Voilà, vous venez d’entrer dans une belle journée. Ne posez pas de suite l’autre au sol, gardez le en l’air, suspendu, un peu, encore. Restez assis sur le bord du lit votre pied droit bien posé sur le tapis, la moquette, le carrelage ou le parquet, enfin sur le sol de chez vous si vous dormez chez vous. Si vous avez dormi ailleurs que dans votre chambre tout reste possible à condition d’avoir noué ce petit fil de laine à votre pouce. Patientez quelques précieuses minutes vous ne devriez pas tarder à sentir le bien être vous envahir par la haut comme une douce chaleur qui vous pénètre, s’écoule en vous comme du caramel liquide. Très vite vous devriez sourire en vous regardant faire, puis rire franchement de vous voir, encore nu si vous dormez nu, en pyjama si vous en portez un, assis sur le bord du lit, un pied en l’air, un autre posé au sol au pouce duquel est attaché un brin de laine rouge… Vous commencez la journée par vous moquer de vous-même, par sourire de vous… Si vous partagez votre nuit avec quelqu’un soyez certain de faire un ou une heureuse en plus, parce que franchement avec votre bout de laine au pouce vous allez à coup sûr le ou la faire se gondoler…

Alors, ce sera doublement une belle journée... Vous aurez donc réussi un joli coup: En faire rire un autre…

Le succès tient parfois à très peu de chose, un détail de rien, comme un minuscule bout de laine rouge… Le bonheur, c'est simple comme un bout de fil...


Ombre grille

PS : Certains choisissent de ne pas se défaire de la laine, dans la journée, ils gardent le petit brin accroché à la phalange comme un signe, une présence, un talisman. Mais là, il n’y a pas de règle c’est chacun selon son souhait… Chacun sa liberté. Chacun fait ce qu'il veut de son petit bout. De laine.

10 décembre 2009

Le village du Père Léon.

Tout le monde le connaissait, dans le village. Enfin, il serait plus juste de dire que tout le monde l’avait déjà vu au moins une fois. Vu et senti… Mais de là à le connaitre… Bien entendu, il y avait un paquet de rumeurs à son égard puisque personne ne savait vraiment qui il était, d’où il venait, où il habitait, s’il était orphelin, marié, "à la colle" s’il avait des enfants, comment il s’en sortait, ce qu’il pouvait bien faire de toute sa sainte journée, lorsqu'il ne trainait pas dans le village, bref quelle était sa vie. C’est toujours comme ça, quand on ne sait pas, on invente. Et ce qu’on imagine est souvent bien pire que le vrai ! Mais les questions ne se posaient pas longtemps, on passait vite à autre chose. En vrai, tout le monde s’en moquait un peu. Ce gars était là et puis voilà on n’en faisait pas une usine à fromages.

En parlant de ça, si de lui, on ne savait rien, on était sacrément informé quand il se pointait. Les gens se mettaient à renifler deux trois fois la truffe en l’air. “Tiens il s’amène…” disait-on ou bien “Tiens, on l’a pas vu aujourd’hui…” quand on n’avait pas senti cette odeur très spéciale dans les ruelles. Une odeur à mi-chemin entre le pansement vieux et le vin rance. Une odeur d'envie vaincue qu’il suffisait de sentir une fois pour ne jamais l’oublier. Comme elle le précédait, on voyait les chiens s’enfuir, la queue basse, en hurlant à la mort, les chats miauler devant les maisons pour rentrer plus vite et les pigeons décoller à la va-vite comme sur un porte avions en temps de guerre, les fumées des cheminées se mettaient même à filer dans l’autre sens… C’est dire s’il sentait. Il humait tant et tant que les mères s’en servaient : “Allez, viens te laver ou tu vas finir par sentir comme lui…” disaient-elles au moment des bains récalcitrants… Mais tout cela n’était pas dit méchamment. C’était ainsi, il sentait mauvais, voilà tout. Les villageois avaient pris l'habitude d'en plaisanter. Ah ça, pour le sentir, nous le sentons disaient-ils... On pourra le mettre dans la crèche, ce santon là... Ça manquait d'un brin de finesse, mais comment leur en vouloir... Et puis, le mistral ne causait pas que des désagréments... Mais au fond, ce qui pue le plus ce n'est pas tant la misère que l'opulence... quand elle n'est pas partagée...

Pour le reste, on l’aimait bien, enfin on ne le détestait pas. On ne lui jetait aucune pierre. Dans certains endroits, on ne se serait pas gêné à en croire les déclarations nauséabondes de certains maires décomplexés et imbéciles, mais pas ici, pas dans ce village. Malgré son odeur désagréable, il en faisait partie. Il en était une figure. Au même titre que le médecin, le boulanger ou le facteur.

On le sentait débarquer à pieds dans le village, sans chaussette l’été, avec, l’hiver, par la route de la grande colline, marchant à brinquejambe, comme un ours sort du bois, et vient y faire les poubelles. Il s'y installait en fonction du soleil, du vent, de la pluie ou de ses besoins à certains endroits où il passait un bon moment à sembler ne jamais s’ennuyer. On l’entendait hoqueter de rire dans sa barbe rousse en broussailles, une barbe de trois semaines. On le soupçonnait de se raser à l’ancienne. C'est-à-dire au silex… Il riait de son rire de caverne, édenté, en tournant sur lui-même. S’en racontait-il une bien bonne ou seulement se souvenait-il ? En prévoyait-il une bien drôle ou simplement se rappelait-il un souvenir agréable? Quoi qu’il en soit, il s’en payait une jolie tranche. Souvent, on le voyait rôder pas loin du marchand de tabac. Quand le temps le permettait, il s’asseyait sur une pierre près de la porte d’entrée et, à ceux qui sortaient, il lançait un truc qu’on ne pouvait déchiffrer que lorsqu’on habitait le village. Si on ne l’entendait qu’une fois dans sa vie, on n’y comprenait goutte: Tasvenschehcfgrufc lope ? C’était une question. On voyait le petit signe à la fin, on entendait la voix qui la posait : Tasvenschehcfgrufc lope ? Quand on avait été plusieurs fois confronté à ces sons, on devinait clairement : T’as pas une clope ? Mais il le disait en se foutant un peu de ta réponse. Soit tu lui en filais une, soit non. Si oui, Il ne fallait surtout pas t'attendre à en être remercié.

Ces choses incompréhensibles qu’il prononçait, les plus savants du village, disaient, eux, que c’était une langue du Nord vers la Norvège, par là. Mais pouvait-on y croire vraiment ? Nord égale Norvège ? Et la Suède, alors. Quoi qu’il en soit, il n’était pas d’ici. De la région, je veux dire. De ce village, oui, mais de la région, non. De tout ça on pouvait dire que s’il semblait perdu, légèrement à la marge, il ne l’était pas complètement parce que c’est bien devant le bureau de tabac qu’il venait chercher le sien… D’autre part qu’il avait le tutoiement facile, ce qui laissait à penser à un bon fond… Et aussi qu’il n’avait pas succombé à la moutonnerie ambiante où, si ça continuait, fumer n’allait pas tarder à devenir un crime châtiable en public.

Lui, il avait l’air de quelqu’un qui se fout royalement de toute cette affaire… Tasvenschehcfgrufc lope ? Point.

Et c’était le seul endroit du village où il demandait quelque chose. Quand il s’allongeait sur le banc près de la boulangerie, il ne demandait rien à personne. Non, il continuait de rire dans sa barbe en levant les épaules comme un gars qui a reçu de bonnes nouvelles avec un téléphone tellement portable qu’on ne le voyait pas.

Bref, à part son odeur particulière, il ne dérangeait personne et, à dire vrai, personne ne lui accordait trop d’intérêt. On le nommait, on lui disait bonjour, il ne répondait jamais, on achetait parfois un paquet de clope qu’on lui donnait en sortant. Il en rigolait deux fois plus et il s’en allait en tremblant des épaules en s’en allumant une. On lui filait parfois un kilo d’orange, un de bananes, un ou deux croissants, enfin des trucs faciles à manger mais ça s’arrêtait là.

Le Père Léon, on l’appelait. Léon, comme… Léon. De là à dire si on savait d’où lui venait ce nom, il y avait durance…

Une chose était étonnante, il ne faisait pas peur aux enfants quand ils passaient devant lui pour se rendre à l’école en pédibus (oui, les parents redécouvraient avec des yeux émerveillés que leurs gamins pouvaient aller à l’école en se servant de leurs jambes…) Ils avaient inventé une chanson qu’ils entamaient quand ils le voyaient dans le village :

L’a bu son père, l’a bu sa mère,

L’a bu la vigne et toutes ses terres!

Le père Léon, L’est à l’envers!

Au verre ou au carafon,

L’est à l’envers le Père Léon!

Ce n'était pas bien malin mais ce n'était pas méchant non plus. Les moins prévenants avaient bien tenté d’imposer : "Il pue son père, il pue sa mère… " mais le reste des enfants avait refusé. Et puis finalement, c’était assez juste. Il descendait quand même pas mal, le Père Léon… Jamais dans le village, on ne l’avait jamais vu une bouteille à la main, ni sa bouche à un goulot mais bon, il n’y avait pas nécessité d’être spécialiste pour conclure qu’il buvait plus qu’il ne pissait. Heu... ça se devinait… Pas besoin d’être un grand chamane alcoologue pour s’en apercevoir.

Donc, le Père Léon était, dans ce village, ce qu’on appelle une figure.

Mais voilà qu’un jour, on ne sait plus exactement lequel puisqu’on ne s’en est pas aperçu de suite, le Père Léon a disparu. On ne l’a plus vu. Pas plus à la boulangerie qu’au bureau de tabac. Il lui était arrivé quelques fois de ne pas venir de deux trois jours demander Tasvenschehcfgrufc lope ?, mais ça n’avait pas duré davantage. En même temps, on ne l’a plus senti non plus, ce qui n’était pas forcément désagréable…

Et puis, il faut croire que le village entier l’a oublié. Sauf peut-être les enfants qui, sur le chemin de l’école, en passant devant le bureau de tabac entamaient à chaque fois "L’a pu son père, l’a pu sa mère… " Oui, on pensait qu’ils prononçaient: "L’a bu" mais en fait non, c’était "l’a pu ..." que chantaient les enfants qui aiment souvent s’effrayer avec ce qui leur fait le plus peur… Quoiqu’il en soit, ils étaient, bientôt, les seuls à se souvenir du Père Léon…

Et puis un beau jour, il y eu grand chambardement dans le village… On y a appris qu’un habitant avait gagné le gros lot à la G.L.M., la Grande Loterie Mondiale mise en place quelques années au par avant pour faire semblant de lutter contre la pauvreté dans le monde… (Soit dit en passant, une idée de génie : appauvrir davantage ceux d’ici, pour maintenir la tête hors de l’eau à ceux de là-bas mais juste assez pour qu’ils puissent… jouer à la loterie… selon l’adage des organisateurs de loteries : Aux pauvres les illusions, aux riches les richesses ou comme disait Coluche "aux riches la nourriture, aux pauvres l'appétit"…). On y a appris que le gagnant vivait au village. On y a appris, on entendait les rumeurs bruisser dans les rues, se heurter aux bordures des trottoirs, rebondir contre les bornes de stationnement, frapper contre les vitrines des magasins, entrer dans chaque oreille qui trainait là puis en ressortir aussitôt par les bouches vers d’autres oreilles, on n’entendait plus la rumeur courir, on la voyait enfler,"il va revenir et acheter tout le village comme un Cardin à Lacoste, un Cardingue…Il va, tous autant que nous sommes, nous virer de nos maisons, il va se le garder pour lui tout seul, le village. On dit qu’il penserait même à déménager le cimetière… Mais le Préfet, il va laisser faire le Préfet ? Peuchère, il s’en fout pas mal le Préfet il est pas né d’ici, celui là Il serait même pas du Vaucluse mais du Gard, le Préfet… Vaï, comment voulez vous que ça marche. Même les préfets, ce sont des étrangers..."

Elle débloquait la rumeur. Complètement... Comme une rumeur, quoi.

En attendant qu'on y entende mieux, le village se transformait. Les trottoirs s’étaient agrandis, leur revêtement s’était changé en gomme amortissante, la rue une double voie pour bicyclettes, les passages piétons étaient devenus des barrières sortant de terre dès qu’on appuyait sur un bouton, tout ce qui était poussoir, bouton, poignée de portes était descendu d’un bon mètre on avait vu se construire depuis le haut de la Place Saint Michel, celle de l’église, un immense toboggan qui longeait les ruelles, et débouchait dans un des quatre jardins fermés interdits aux adultes qui, soudainement, avaient vu le jour… En quelques mois, le village vieillissant était devenu un endroit de rêve pour les enfants dont on entendait les rires en cascades dégringoler du village haut. Les seules voitures qu'on croisait au centre étaient des voitures à pédales, on avait banni les autres, des cordes passaient de platanes en platane et il n’était pas rare, en levant les yeux d’apercevoir une grappe de gamins suspendue à une poulie traverser ce qui, avant, était une ruelle. A proximité du Grand Bois adossé à la Colline mauve on trouvait des dépôts de bois, des planches, des tôles, des vieilles bâches, comme "nécessaires" à cabanes… On avait dressé sur la Grande Place une guérite à NON. Les enfants pouvaient venir y poser une question, exprimer une demande, une exigence, même, et invariablement, la guérite, d'une voix assurée, répondait non. Quand ils avaient leur ration de refus, ils s'en allaient, rassurés des limites imposées et que tout ne leur soit pas possible... Pas très loin, on avait, dans la foulée, dressé une guérite à consolage et à câlins, en cas de besoin urgent et un distributeur à doudou avec odeurs en cas de perte... Puis, une guérite à secrets s'était montée. Quand les enfants avaient un secret trop lourd à porter pour leurs jeunes épaules, ils pouvaient venir le déposer là et s'en allaient soulagés de ce poids. Ah une guérite distribueuse de tétines perdues avait vu le jour. S'étaient aussi installés, à chaque coin de rue, des distributeurs de fruits frais à code. Le résultat de neuf fois huit pour une pomme, un vers de La Fontaine pour une banane, la racine carrée de douze pour une salade de fruits…(le code changeait tous les jours). La seule mesure qui a eu un peu de mal à passer, surtout au début, a été la suppression des postes de télévision dans les foyers où il y avait encore des enfants. Comme la demande venait des enfants eux-mêmes, les parents s’y sont soumis et après quelques mois, tout le monde en a souri. On se parlait lors des repas du soir, on jouait davantage à des jeux de société, on a même recommencé à se retrouver, les soirs d’hiver autour de veillées, on sortait en famille les dimanches après midi, on échangeait, on était tout ébouriffé du simple plaisir d’être ensemble.

Quelques personnes âgées avaient déménagé, très peu, somme toute, trouvant ces bruits de rires insupportables, pestant contre les jeux des enfants, contre ces lubies, contre ces aménagements, bref, râlant mais on s’était dit qu’elles auraient râlé de toute façon.

L’entier du village avait été aménagé pour la sécurité et les jeux des gamins qui étaient ravis. Bien sur, l’école avait été entièrement reconstruite, une piscine en plus et des bâtiments à l’architecture audacieuse s’étaient élevés. Le Maire, en Conseil municipal avait commencé à parler du problème des demandes qui venaient, parait-il de l’Europe entière pour habiter le village centre. Et même d’Amérique, avait-il annoncé en levant le menton. Il avait commencé à dresser, on ne sait jamais, une liste d’attente et ceux qui vivaient déjà dans les maisons du centre, certains soirs, se frottaient les mains, jusqu’au jour où le Maire a eu une idée magique. Il en a d’abord parlé aux enfants lors de leur Conseil et ceux-ci ont été enthousiastes. Il a tout simplement demandé à faire rayer le village de la carte par l’Institut Géographique National. A sa grande surprise, l’I.G.N. a accepté et exécuté la demande dans le mois qui a suivi… De plus, la dernière fois qu’on a vu un tricycle de Google Map rôder dans les parages avec son antenne sur l’attelage, on l’avait retrouvé deux ou trois jours après, quelque part à vingt kilomètres de là, les deux mesureurs saouls comme des barriques incapables de se souvenir où ils avaient effectué les dernières mesures. On avait aussi décidé de débaptiser le village. Ce qui ne se nomme pas n'existe pas et les habitants avaient vite joué le jeu. A la question où habitez vous, ils répondaient évasivement… Il existe, donc, maintenant, dans un coin perdu, inconnu de la vaste Provence un village où tout est pensé pour le bien être des enfants, mais plus personne ne sait où. C'est le village du Père Léon, mais ne le cherchez ni sur les cartes, ni dans les guides, ni sur le net, vous ne le trouverez pas. Espérez qu’un jour, par hasard, par chance, par bonheur, vous y mettiez les yeux dessus et si vous avez des enfants, rêvez qu’ensemble vous puissiez y vivre quelques jours. Vous devriez vous en souvenir pour la vie. Et eux aussi.

La seule question à laquelle Monsieur le Maire refusait de répondre était d’où venait cet argent qui avait servi à financer tout ces projets. "Je n’ai pas le droit de vous le dire et ça ne coûte rien à la commune, vous pouvez vérifier". Les gens n’étaient pas tout à fait stupides, ils ont vite fait le lien avec le gagnant de la loterie… "Ça va vous avancer à quoi d’en savoir plus ?" leur envoyait-il. "A rien ! "Répondaient-ils. Et tous savaient qu’ils avaient raison. On avait vite fait taire les grincheux qui grinchent pour grincher. Le village prenait ce qu’il y avait à prendre : Une bibliothèque flambant belle, un cinéma pour enfants, une assemblée des enfants du village qui se réunissait tous les deux mois et qui travaillait avec le maire, un petit théâtre pour les petits, un amour de lac avec pontons de bois, canoës, hérons et canards avait été importé des Laurentides et creusé en contrebas de la route basse, des ateliers de peinture, d’écriture, de sculpture, enfin de toutes ces choses en "ure" qui aident à vivre mieux. Ah, une nouvelle maison s’était construite aussi, au milieu de la place centrale, près du bureau de tabac repeint de rouge et de neuf. Le chantier s’était terminé pile le 24 Décembre voilà sept ou huit ans environ et on avait fêté ça le lendemain… Une maison avec de grandes baies vitrées en arrondis qui s’ouvraient sur la place et, derrière, une tour de quatre niveaux du sommet de laquelle on avait une vue sur tout le territoire de la commune. Et pour que les choses soient bien claires, une enseigne de lettres lumineuses était venue éclairer la façade : On pouvait y lire: "La maison du Père Léon." Ainsi donc, c’était lui le gagnant du billet de loterie, c’était à lui que tout le village devait sa transformation et c’était chez lui qu’il y avait goûter avec table ouverte à chaque sortie d’école. Il faisait flamber les bananes comme personne. Au chocolat…

Mais c’était un Léon propre et sentant le frais qui était revenu vivre là. Il avait arrêté de fumer mais n’avait pu s’installer ailleurs que là où il avait passé ses années… délicates. Il avait stoppé l’alcool, aussi. On le savait de quelqu’un qui le croisait dans les réunions des A.A.A.A.A., (Addicts Aux Alcooliques Anonymes d’Avignon) tous les mois. Disons qu’il avait changé d’addiction… La seule chose qui dérangeait bien un peu les gamins, ils lui en avaient parlé plusieurs fois, c’était l’horrible costume rouge en velours qu’il portait en permanence, été comme hiver, chaque jour de chaque semaine. “Tu pourrais mettre autre chose quand même!” lui disaient-ils et à cette injonction, il répondait dans un éclat de rire : “Depuis qu’on ne me sent plus venir, il faut bien qu’on me voit arriver, non ?”

Quand les enfants lui demandaient : “Mais, justement, d’où il te vient ce nom, Léon ?”

__Prenez le à l’envers, je vous pensais plus malins, L E O N ça donne quoi ? Vous voulez me le dire, un peu, ce que ça donne Léon à l’envers... que ça fait des années que vous me passez devant et me chantez qu’il est à l’envers le Père Léon…

Hé bé, ne vous étonnez pas, j’ai fini par croire en moi, voilà tout…”


Boutik sucreries 2

08 décembre 2009

Le petit nouveau…

Picasso chèvre *
J’aurais beaucoup aimé pouvoir m’offrir ça à Noël, mais…
Alors je me suis contenté de ça:
Nov 004
Le petit âne de bronze a de suite trouvé sa place parmi cette bande à Noé…
Nov 006
Mais en vrai de vrai , sa tête c’est un peu là qu’elle est:
Gargouille 2
Ou là:
NL 031
Et là…
Voie Ferrée 1
Qui, parait- il, aurait blanchi sévère, ces derniers jours…
Vivement qu’elle quitte ça:
Brumes velleron
Et ça:
Brumes de Nov 1
Salade vert jaune
Ça? Oh, pas de salade entre nous, c’est juste pour fêter la Lumière…
* Dessin de Picasso: Une chèvre, admirable au Musée d’Antibes…

07 décembre 2009

Jour de chance...

Pour que vous sachiez à qui vous allez avoir à faire, pour que vous ayez un avant-gout de cet auteur, de cet immense poète qui tue les bisons en short comme dit Loïc Lantoine, voilà un poème d'Allain Leprest. Vous en avez de la chance!
Mais asseyez vous confortablement et préparez un bol d'eau froide parce que vous devriez recevoir une grande claque au coeur... (Leprest, poète défibrillateur...)

Le Passous - Cotentin.


Le Passous - Cotentin,
Je t'écris de janvier,
La marée, bonne poire,
A fini la vaisselle,
Laissant nos habits nus
Sur le bord de l'évier,
Et quelques grains de sel.

Le ciel est reparti,
En balançant l'éponge,
Manger des ports anglais,
Aucune heure, aucune eau
Aucun pékin ici,
Juste le temps qui ronge
Le front du casino.

Juste un bec transperçant
Le crâne d'un tourteau
Croché comme une main
Sous un nid d'algues brunes
Juste l'eau, juste un jour
Et l'air, de son couteau,
Sculptant le cul des dunes.

J'allume un feu de bois
Sous des étoiles naines.
Je m'accroche debout
Où dormir me fatigue.
Sans maître, sans collier
Tout un chien se promène
À cheval sur la digue.

Janvier - Le Cotentin
Le passé guette un train
Qui n'est jamais inscrit
Aux cases des départs
Quand il arrive à quai
Rongé par les embruns
La brume s'en empare.

Les wagons ont le ventre
Obèse des baleines,
Et la loco devant
Filtre dans ses fanons
Nos yeux brûlés d'adieux,
Nos poumons, nos haleines
Nos âmes de plancton.

La nuit rampe. Elle au moins,
Respecte son horaire.
Au loin, les chalutiers
Font un bruit de ferraille
Ça broie, ça crie, ça rue
L'amer est vieux, la mer
N'entretient plus ses rails.

Le passé guette un train
Que le sable barbelle.
Un marin dans sa pipe,
Allume son nuage,
Et le soir, le chenal rouille
On entend de l'hôtel
Grincer les aiguillages.

Cotentin - Le Passous
Je t'écris de janvier
Sous mon pied le vent lèche
Un coquillage cru.
Il baigne les cheveux fous
De ses lévriers.
Il flotte dans les rues.

Guernesey – L'horizon
A ses lèvres humides,
Sur le sable boueux,
Un gosse écrit des tags.
On entend dans la rue
Battre les pas liquides
Du troupeau vert des vagues.

Je pêche à pleines mains
Des escargots marins
Blottis sous la jetée
Chaude comme un frigo.
J'esgourde la marée
Et son museau de train
Éventre les cargos.

C'est du flux, du relu
Des poumons à tribord,
Des ressacs à dix sacs,
Des gouttes d'eau noyées.
C'est un rafiot d'enfance
Et sa fête de mort
Sur un drapeau mouillé.

Je t'écris de janvier,
Sous quelques flammes d'herbe,
En son étroit corset
La Manche tient ses reins.
La tempête peut bien
Lui tordre les vertèbres,
La lune les retient.

Ça sent le rocher froid
Le bois mouillé. J'écris
Sur du papier glacé
Les mots d'absence avec.
Le fleuriste est fermé
La mer vend, à bas prix,
Des bouquets de varech.

Je t'écris de janvier,
Cotentin - Le Passous,
Mes cheveux sont troués
Mon cœur fait une escale.
On est premier de l'an
Jour Perrier, un poil saoul
La mer est verticale...

Celui-ci, on peut l'entendre, dit par Leprest lui même, avec d'autres merveilles sur le CD "Parol'de manchot" enregistré avec François Lemonnier...

06 décembre 2009

Demain 7 Décembre…

image

Demain 7 Décembre, sort le volume deux de “Chez Leprest”. Si vous avez manqué le Volume 1 c’est le moment de vous rattraper… Début de rattrapage:

Comme dans le 1, certains titres d’Allain Leprest y sont repris par Gérard Morel, Clarika, Alexis HK, Jean Louis Foulquier, Adamo, Romain Didier et Fantine la fille d’Allain avec laquelle il chante là, cette valse pour rien…



La Fnac d’Avignon en a commandé six… des volumes 2.


03 décembre 2009

Samu, les aloureux…

Elle venait de me tourner le dos. Définitivement.
Je l’ai regardée s’éloigner un peu dans la froideur du soir. Elle, sa valise dans une main, sa cage à chat, garnie dans l’autre et des larmes dans chacun de ses deux yeux. Je ne les voyais pas, mais je savais qu'elles coulaient... Que nous nous soyons quittés d'un commun désaccord ne nous rendait pas les choses moins difficiles. Voilà dix jours, nous avions décidé de mettre un terme à deux ans de vie commune et ça n'arrivait pas encore à nous faire sourire. Ni l’un, ni l’autre, nous ne trouvions ça “amusant”. Une triste affaire, même. Mais comme toutes les fins de quelque chose non? On ne devrait vivre que des commencements…
Elle repartait en province, vers cette ville qui était restée “chez elle”, par l’avion du soir. Elle n’avait pas souhaité que je l’accompagne jusqu’à l’embarquement : "Puisque je ne le suis plus, ta compagne, pas question que tu m'accompagnes..." avait elle justifié dans un sourire embué. Mais j’avais eu droit à l’aéroport. Ce n’était pas Orly et nous n’étions pas dimanche... Je ne me souviens plus si nous nous étions embrassés mais je n’ai pas le souvenir d’une de ses lèvres sur mes joues, comme si j’avais déjà tourné la page. J’ai regardé encore une fois sa silhouette s’avancer vers les lumières du Terminal F... F comme fin. Jamais un endroit n’avait été aussi bien choisi pour une séparation. On aurait souhaité le faire, on ne s'y serait pas pris autrement. Ça, nous allions le réussir. Je la regardais et la trouvais toujours magnifiquement belle de dos, du reste la première fois que je l’avais vue, c’était ainsi. Nous étions dans la même queue d’un cinéma. Elle y était seule. Nous allions voir le même film mais nous ne le savions pas encore. Je me souviens, c’était un dimanche, la séance de onze heures au MK2 Grande Bibliothèque. C’est elle qui m’avait adressé la parole la première. Elle m’avait lancé : "Mais vous ne pouvez pas faire attention ? Vous m’avez fait mal!" quand je lui avais marché sur le talon en avançant… Ça ne c'était pas bien engagé entre nous. Mon "je suis désolé" l’avait laissée de marbre. A l’intérieur, j’avais pensé gentiment : "Sois pas conne, aussi, Trompette, avance, quand la queue avance… " mais je n’avais rien dit, évidemment. Puis, nous nous étions installés côte à côte et son sourire en disant "Décidément, vous m’en voulez !" lorsque je m’étais assis sur sa veste, avait dégelé notre rencontre. Nous avions passé le reste du dimanche devant des verres, dans ce magnifique restaurant, à côté des salles, tout en verrières donnant sur la Seine et la nouvelle passerelle, belle comme une envolée, à parler de nous, comme nous allions bien, du monde comme il allait mal, de la vie de couple, comme c’est impossible et pourtant ils sont légions à tenter le coup, les inconscients!
Quinze jours après elle emménageait chez moi. Pour, deux ans plus tard, en arriver là où nous en étions. C'était bien la peine de faire tout ce foin. Désormais, il nous fallait être adulte et voir la vérité en face. Le couple que nous avions, un temps formé, avait épuisé tout son carburant. Il y a bien longtemps que nous avions basculé sur la réserve et nous étions, désormais arides et secs. Nous ne nous entendions plus, nous n’y arrivions plus, nous démontrions ainsi avec brio, si je puis dire, l’impossible. Mais nous trouvions quand même la force de nous amuser à constater combien il était si profondément injuste que tout ce qui peut nous séduire chez quelqu’un est exactement ce qu’on finit par détester et lui reprocher quelques années plus tard… Quand elle a été happée par la porte automatique, j’ai attendu qu’elle ne se retourne pas pour monter dans ma voiture. Une marche arrière brusque et j’ai touché le pare-buffle du gros 4x4 noir brillant, japonais, garé derrière moi. Un type énorme en est sorti, Obélix en gros, dans une colère de la même couleur que sa bagnole. Je suis sorti aussi. Je ne faisais vraiment pas le poids. Il m'a un peu insulté, pour la forme. Je lui ai conseillé de garder son calme, s'il vous plait... Pourvu qu'il lui plaise... "Vous faites chier, je suis pas énervé, je suis pas énervé, c’est une colère saine, ma bagnole, vous avez touché à ma bagnole !" gueulait-il en s'approchant de moi. Encore un qui fait politique et pas écologie, j’ai pensé dans un sourire léger en lui tournant le dos. Il était à deux poings de m'en coller une et, vu la taille de ses mains, un poil en dessous du jambon de Bayonne, c'en eût été une belle. Malheureusement pour lui, à cet instant précis, j'avais besoin d'autre chose que d'une bagarre. Et puis, je ne suis pas dingue. Quand les forces en présence sont dans un tel déséquilibre... Je lève le camp.
Alors, coupant là la conversation, refusant le débat participatif et musclé, auquel il semblait vouloir rudement me convier, désertant le champ de bataille, si vous voulez, après avoir murmuré des excuses aussi sincères qu’intéressées, je suis remonté dans ma voiture la tête basse, la mâchoire intacte mais… le cœur toujours en guenilles.
Et je me suis enfoncé dans la banlieue grise, voilée, maintenant, par un crachin presque plus humide qu'Anglais. Comme souvent, le Ciel était entré dans la partie. Du poste, la voix mielleuse de Joe Dassin chantait « Salut les amoureux ». 
Joe chéri, sois gentil, ferme la, tu veux? J'ai tourné le bouton du poste et je me suis essuyé les yeux.
Ce n'est pas dehors mais à l'intérieur de la bagnole que ça mouillait.

Couple agé

01 décembre 2009

Quand le monde…

Quand le monde sera dirigé par des machines, ressemblera-t-il à ce texte, que j'espère traduit par une machine? Si oui, ce sera un joli bazar et nous ne sommes pas près de nous y entendre bien!

Cambuur défaite utile livre FC Emmen.

Cambuur que de nouveau vendredi soir pour gagner, nous avons trouvé beaucoup plus étrange. Que l'écart du score est très faible, nous avons également eu lieu. Était certainement remarquable que, après quelque temps, j'ai été prise à zéro. C'était la première fois cette saison dans l'aspect défensif et offre la perspective. Le jeu a obtenu le prédicat définitivement divertissant. En particulier dans le football d'abord jouer moitié bien à certains moments Cambuur lui-même, maintenu au pouvoir sont sévèrement par plusieurs heures après l'ouverture du score. Après une demi-heure, nous n'avions une excellente occasion pour Kevin de Diaz. Par ailleurs décédé d'une attaque belle Cambuur en beauté par une trop rigoureuse avec un seul hakballetje aussi... La vie est un restaurant petit, mauvais et cher. En plus, c'est trop court. Woody Allen.
Le prochain adversaire est le FC Zwolle. Coupe de l'UEFA contre le FC Emmen mai Cambuur avec un bon sentiment à cette chaîne d'approvisionnement de gérer la confrontation. La tension monte. Choses plus claires deviennent. Compréhension plus aisée de situation, maintenant facile.
J’ai eu besoin de lire un article en néerlandais. Comme lui et moi ne sommes pas tout proches j’ai fait traduire l’article par Monsieur Google qui, s’il est fort en recherche, manque un peu de bon sens en français… Maintenant, doit-on se plaindre que, pour une fois un compte rendu de match de football devienne amusant à lire?

Palais des papes

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