07 décembre 2009

Jour de chance...

Pour que vous sachiez à qui vous allez avoir à faire, pour que vous ayez un avant-gout de cet auteur, de cet immense poète qui tue les bisons en short comme dit Loïc Lantoine, voilà un poème d'Allain Leprest. Vous en avez de la chance!
Mais asseyez vous confortablement et préparez un bol d'eau froide parce que vous devriez recevoir une grande claque au coeur... (Leprest, poète défibrillateur...)

Le Passous - Cotentin.


Le Passous - Cotentin,
Je t'écris de janvier,
La marée, bonne poire,
A fini la vaisselle,
Laissant nos habits nus
Sur le bord de l'évier,
Et quelques grains de sel.

Le ciel est reparti,
En balançant l'éponge,
Manger des ports anglais,
Aucune heure, aucune eau
Aucun pékin ici,
Juste le temps qui ronge
Le front du casino.

Juste un bec transperçant
Le crâne d'un tourteau
Croché comme une main
Sous un nid d'algues brunes
Juste l'eau, juste un jour
Et l'air, de son couteau,
Sculptant le cul des dunes.

J'allume un feu de bois
Sous des étoiles naines.
Je m'accroche debout
Où dormir me fatigue.
Sans maître, sans collier
Tout un chien se promène
À cheval sur la digue.

Janvier - Le Cotentin
Le passé guette un train
Qui n'est jamais inscrit
Aux cases des départs
Quand il arrive à quai
Rongé par les embruns
La brume s'en empare.

Les wagons ont le ventre
Obèse des baleines,
Et la loco devant
Filtre dans ses fanons
Nos yeux brûlés d'adieux,
Nos poumons, nos haleines
Nos âmes de plancton.

La nuit rampe. Elle au moins,
Respecte son horaire.
Au loin, les chalutiers
Font un bruit de ferraille
Ça broie, ça crie, ça rue
L'amer est vieux, la mer
N'entretient plus ses rails.

Le passé guette un train
Que le sable barbelle.
Un marin dans sa pipe,
Allume son nuage,
Et le soir, le chenal rouille
On entend de l'hôtel
Grincer les aiguillages.

Cotentin - Le Passous
Je t'écris de janvier
Sous mon pied le vent lèche
Un coquillage cru.
Il baigne les cheveux fous
De ses lévriers.
Il flotte dans les rues.

Guernesey – L'horizon
A ses lèvres humides,
Sur le sable boueux,
Un gosse écrit des tags.
On entend dans la rue
Battre les pas liquides
Du troupeau vert des vagues.

Je pêche à pleines mains
Des escargots marins
Blottis sous la jetée
Chaude comme un frigo.
J'esgourde la marée
Et son museau de train
Éventre les cargos.

C'est du flux, du relu
Des poumons à tribord,
Des ressacs à dix sacs,
Des gouttes d'eau noyées.
C'est un rafiot d'enfance
Et sa fête de mort
Sur un drapeau mouillé.

Je t'écris de janvier,
Sous quelques flammes d'herbe,
En son étroit corset
La Manche tient ses reins.
La tempête peut bien
Lui tordre les vertèbres,
La lune les retient.

Ça sent le rocher froid
Le bois mouillé. J'écris
Sur du papier glacé
Les mots d'absence avec.
Le fleuriste est fermé
La mer vend, à bas prix,
Des bouquets de varech.

Je t'écris de janvier,
Cotentin - Le Passous,
Mes cheveux sont troués
Mon cœur fait une escale.
On est premier de l'an
Jour Perrier, un poil saoul
La mer est verticale...

Celui-ci, on peut l'entendre, dit par Leprest lui même, avec d'autres merveilles sur le CD "Parol'de manchot" enregistré avec François Lemonnier...

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Une claque, oui, et une bouffée en même temps, qui te remet la tête à la longitude du coeur.

Leprest est le premier nom que j'ai entendu ce matin en allumant la radio (france Inter ... pas RFO), ils annoncaient le nouvel album.
Déjà la journée commençait bien.
Slev

chri a dit…

@Slev Ben oui, "Jour de chance"!!!

Véronique a dit…

parol'de manchot... grâce à vous, je connais Chriscot
merci, merci !

chri a dit…

@Véronique: Et ça vous a plu? Ou pas?
Je croise les doigts!!!

Lautreje a dit…

MERCI !
Je suis bien contente de mon futur cadeau de Noël !
je ne connaissais pas. Mon rattrapage était INDISPENSABLE !
Ses paroles résonnent comme le vent de la marée qui s'accroche encore à mon cœur !
J'adore et surtout
"En son étroit corset
La Manche tient ses reins
La tempête peut bien
Lui tordre les vertèbres
La lune les retient."

chri a dit…

@L'autre je: Attention, cependant, c'est une écriture dangereuse... Quand on y a gouté, le reste peut paraitre un poil fadasse!

amichel a dit…

c'est beau c'est grand !
normal pour un manchot empereur ...des mots !

chri a dit…

@Amichel: Ah oui... C'est grand et dit par lui et sa diction de cave, hésitante, c'est encore plus émouvant...

Véronique a dit…

OUI !!! mais vous pouviez vous en douter !

chri a dit…

Oui!!! Mais on ne sait jamais!

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