29 août 2014

Rouge sur blanc...

___ On est foutu ! Complètement ! Détruits, fracassés, obsolètes. C'est fini pour nous! Nous n'avons plus qu'à disparaitre. Le Sid avait raison: No future.
___ De quoi parles-tu ? Tu dis ça parce que tu as soif! Mais la vie est belle mon Luc, elle est belle, vraiment ! Et le monde est beau, regarde-le!  Tu ne vas pas t’y mettre toi aussi ? Il y en a un peu assez de cette morosité permanente, de ce catastrophisme ambiant, ras le bol des renoncements…
___ Oui, tu as raison: La vie est belle mais pas partout et pas pour tout le monde. Le manche a bien ses deux bouts crois moi. Et il vaut mieux être du bon côté, je te le dis. Tu t’es fait enlever les yeux pour ne plus lire les journaux ou quoi ? Tu t’es fait crever les tympans pour ne plus rien entendre ? On t'a arraché le coeur pour ne plus rien ressentir? Le monde court, que dis-je court, galope serait plus juste, comme un dératé à sa ruine, Luc. Regarde, vois, entend, écoute : C’est cataclysmes sur catastrophes à longueur de jours… Partout sur cette terre on se déchire à qui mieux mieux, plus rien ne veut plus rien dire, les anciens amis se promènent le couteau à la main, la gauche vire à droite qui, elle, passe à l'extrême, quand ils ne meurent pas de faim, les enfants travaillent dans des usines de carton, les bourreaux relèvent la tête et s'y remettent,  partout des hordes de barbares décérébrés déferlent sur le monde les armes à la main… Et ça tue, ça tire, ça pille, ça tranche, ça brule, ça viole, ça enferme, ça décapite, ça dépèce, ça bombarde, ça enlève, ça séquestre, ça torture, ça assassine, ça écartèle à haches et machettes que veux-tu… On se croirait revenu aux pires heures de l’obscurantisme le plus noir. Il n’y a pas un endroit, pas un, tu entends, où la raison marque quelques points. Partout elle recule quand elle n'a pas totalement disparue. Il n’y a pas un continent, pas un coin du globe pour relever l’autre. Tous et toutes sont devenus absolument, intégralement, déraisonnables, fous à lier, déments, barges. Où que tu regardes, quelle que soit la direction que tu prennes, tu vas tomber sur un conflit, une invasion, une annexion, une agression, une guerre, des morts, des mutilés, des exactions, des blessés, des éventrés, des meurtris, des déplacés, des exterminés, des réfugiés, des exilés, de la souffrance de l’horreur et des larmes. Et là n'est pas encore le pire, crois moi. Le pire de tout ce bazar sans nom c’est que pendant ce temps là, cette pitoyable terre est en train de mourir à petit feu, le climat se dégrade, les tornades succèdent aux ouragans et écrabouillent menu des régions entières, des inondations sans fins menacent, détrempent, dévastent et chassent les gens de chez eux, les pôles et les glaciers fondent, les rivières meurent, les espèces disparaissent, les forêts brûlent, les déserts avancent, les arbres crèvent, les marées noires, l’eau, celle qui reste commence à manquer et nous que faisons nous? On rigole comme des crétins en s'en balançant des seaux glacés sur la tête... On en est tellement fier qu'on se filme et le montre à tous les autres: Tu vois, je suis aussi niais que toi, tu ne risques rien. C'est so cute... Je ne parle même pas des épidémies galopantes, c'est pas ici, donc on s'en tape... Alors, Luc, que faisons nous pendant ce temps là pour empêcher ces torrents de menaces de nous déferler dessus? Quelles mesures prenons nous pour au moins retarder un peu ces cascades d’emmerdements à venir ? Je te le donne en mille, Luc : En tous lieux, nous nous tapons dessus, nous nous battons les uns les autres, avec acharnement comme les misérables demeurés que nous sommes. Mon Luc, je te le dis comme je le pense, c’est cuit, définitivement carbonisé, rétamé. Les décrets sont signés.… Mon Dieu que je n'aimerais pas avoir quinze ans et me trouver devant le tas de fumier qu'on leur laisse... Si, plus tard, il leur venait l'idée de nous trainer en justice, je ne donne pas cher de nos peaux à tous, autant que nous sommes... Dis, tu veux bien, s’il te plait, me resservir un dernier verre de rouge? Tu t'en sers un?
___ Tu es sûr de ton coup, là pour un dernier? Parce que tu sais ce qu'on dit et comme tu es parti au blanc? Tu marchais à quoi, toi, déjà? Vu l'effet qu'il te fait je pense qu'il vaut mieux que je m'abstienne, tu vois...
___ Luc, mon pauvre Luc ne me regarde pas avec ses yeux là... On fait comme si de rien n’était… Mais tout a DÉJÀ foutu l’camp… Alors, tu en reprends un, toi, un dernier? Pour le doute?

___ Heu, non, merci, si tu le permets, je vais en rester là, pour ce soir… Trop ce serait beaucoup... En revanche, demain soir c'est minérale gazeuse ou... champagne! Foutus pour foutus...


25 août 2014

Blanc sur rouge...

Pour les impromptus littéraires de la rentrée. Il fallait traiter du changement...

Dans la chaleur résolument moite d’une nuit d’été. Ils sont deux, attablés. Au-dessus de leurs têtes brumeuses, un ciel étoilé et de temps à autre, quelques filantes que, personne dans ce coin ne regarde. Pas loin, sans doute dans une piscine, quelqu’un chantonne en barbotant malgré le sombre. Entre eux deux accoudés, sur la table, parmi les restes d’un repas d’une dizaine de couverts, une escouade de bouteilles de vin, vides pour la plupart. Dans leurs mains épuisées, chacun un verre. Du blanc pour l’un, du rouge pour l’autre. Un des deux à l'articulation hésitante, comme encombrée:
___ Moi, je garde tout, c’est trop tard, je ne bougerai plus, l’est pas né celui ou celle qui me fera devenir un autre. Du reste, je pense qu’on ne change jamais, que tout est en place très tôt et que cela ne se déplace pas beaucoup. Je crois fermement qu’on reste le même, celui qu’on était déjà petit enfant et même bébé. Les impatients le seront toujours, comme les heureux de vivre, les colériques aussi, les mécontents pareils, les pleurnichards ou les taiseux, itou. Et ainsi de suite et cela ne varie guère. Comme dit le proverbe: Le léopard se trimballe toujours avec ses taches… Mais toi, tu changerais quoi, si tu pouvais ?
___ Oh moi, si je pouvais, j’aimerais…
Il s’interrompt. Une étoile en profite pour laisser une longue et lumineuse trace dans le noir. 
___ Tu l’as vue celle-là ? Quelle merveille! Aucune réponse. Non? Dommage pour toi. Si elles savaient... 
___ Quoi? 
___ Que parfois, personne ne les voit...
Puis il reprend :
___ Le chantier serait si lourd. Tu vois, souvent, j’aimerais être un peu plus tolérant, davantage bienveillant, moins énervé, moins sanguin, plus réfléchi, plus ouvert, plus serein, je me souhaiterais un peu plus compréhensif, je voudrais aussi pouvoir réfléchir davantage avant d’agir, essayer si possible de faire le tour de tous les tenants, de ne pas foncer tête baissée comme je fais si bien, j’aimerais être capable de mieux écouter l’autre, mais surtout, surtout savoir entendre ce qu’il me raconte, de ne pas me dire, avant qu’il ouvre la bouche qu’il va forcément se tromper. Et puis, si possible, je voudrais aussi penser un peu moins à moi, d’abord. Je souhaiterais être plus attentif aux autres, bref, pouvoir tenir plus compte d'eux, tu vois, ne pas vivre comme si j’étais seul au monde, comme si, seules, mes histoires étaient intéressantes…
L’autre vaguement vacillant, profitant d’un silence, accompagné par la trace  et le chuintement  d’une nouvelle étoile filante s’engouffre dans la brèche :
Mais tu te trompes, ce n’est pas un chantier si énorme que tu me décris là, mon Paul, au contraire ! Tout ce que tu viens de me dire me semble assez facilement réalisable ! Et, dans l'éclat d'un mauvais rire, semblant lever à deux bras une hache au-dessus de la tête, il fait mine de l’abattre sur la table en un seul geste factice qui, pourtant la brise en deux en éparpillant sur le vert de la pelouse les restes du repas comme des débris répandus d'une aérienne catastrophe :

Au fond, ce que tu voudrais, Paul chéri, et c'est là que ça se corse, tu voudrais être moins con !


20 août 2014

Au tout début...

Au début, au tout début, quand on a encore des éclats de coquilles dans les cheveux, quand on s'aventure à peine hors du nid, quand on ne sait pas mais qu’on croit tout connaître, quand on voit flou au-delà de sa narine, quand on a lu aucun livre, quand on entre dans l’arène, quand on se pose dans le rond de lumière, quand on monte à l’assaut le sourire aux lèvres, quand on franchit le sommet des barricades tous drapeaux brandis, quand on est innocent, sans rides et sans regrets, quand on en a les mains pleines et le cœur à pendre, quand on se prépare à, enfin, SAVOIR, au tout début quoi, les premières fois qu’on tombe, on dit avec force, certitude et volontiers : C’est avec toi que je veux vivre… On peut le dire plus d’une fois du reste mais à chaque, on le dit vraiment, sincèrement, profondément, en voulant tellement y croire…
Et puis très vite après, quelques années plus tard mais qui filent comme file la lumière ou le vent, quand on a pris des coups, qu’on en a parfois donné, quand on a été maladroit, malhabile, qu’on a blessé, meurtri, quand on s’est enflammé, quand le feu s’est consumé, que le temps l’a éteint, quand on a, sa bosse roulée, quand on en a connu des vertes puis des mûres, quand on a cheminé les traverses, quand on s’est avalé des couleuvres, des râteaux, des claques, des beignes et des soufflets, quand on a souffert, quand on a cicatrisé bref, quand on a, alors, un peu vécu, on a envie de sussurer: C’est avec toi que je veux vieillir. On le veut sérieusement.
Et comme cela ne suffit encore pas, d'après ce qu'ils disent, quand on s’est encore ramassé, quand on a encore déménagé, quand on s’est encore fourvoyé, quand on est allé aux bouts des impasses, quand on se retrouve seul, tout seul, peut-être mais pas si peinard, quand on a fait le tour des nouveaux ronds points, quand on est fatigué de chercher, d’attendre, d’espérer, quand on s’est résolu, vient le temps où on souhaite dire, et là, là, c’est beaucoup moins drôle : c’est auprès de toi que je veux mourir.
Mais pour l’instant, là tout de suite, je me fiche pas mal de tout ce bazar, j’ai seize ans, elle habite à deux pas du lycée, son père est au travail, sa mère aussi, sa sœur à la fac, on sèche les maths ET la physique, j’ai deux heures devant moi pour être avec elle qui est belle comme le jour. J'ai de la fièvre, le coeur battant, je monte la rue, les mains moites, je transpire, je me prépare à sonner, je sens déjà son palier inondé par l'odeur tant aimée de son si doux parfum, Canoë...


Canoë, ça tombe bien, dans le noir de sa chambre, les yeux fermés, nous allons prendre notre temps pour dévaler, ensemble, les rapides de quelques rivières intranquilles…


À B.D.

13 août 2014

Si tu devais...

Mon avenir, mon presqu'amour, 
Avant tout, je veux te dire que ce que tu vas lire ne m’est inspiré par rien. Enfin, rien de ce qui se passe entre nous, rien de ce que nous vivons en ce moment, si tu préfères. Si cela doit te rassurer, je tiens à te dire que je n’ai aucune espèce d'arrière pensée en te parlant de ça. Simplement, il m’arrive, parfois, de réfléchir, en ce qui nous concerne, à toutes les possibilités et celle là, en est une  parmi d’autres. Donc, surtout, ne sois pas inquiète outre mesure, ce qui suit ne  va rien annoncer... Rien de mauvais, rien de désagréable, rien d'irréversible et surtout lis moi :

Si jamais tu devais me quitter, si tes sentiments s’étaient épuisés, vidés comme un réservoir de bagnole, comme un lac de montagne en été, si tu ne pouvais plus continuer à mes côtés, si je te lassais, si tu rencontrais quelqu’un d’autre de plus fringant, de plus enthousiasmant, de mieux aimant, j’aimerais que cela se passe vite, que tu me l’apprennes sans falbalas ni détours, ni ménagements. Ne te crois pas obligée de me le dire lors d’une soirée particulière, surtout pas en m’emmenant là où nous nous sommes rencontrés ou bien dans le premier restaurant où nous avons mangé, ni sur la première plage où nous nous sommes enlacés, enfin tu vois bien tout ce genre de trucs un peu lourdingues. La nouvelle sera délicate à avaler autant que la bouchée soit légère… 
S’il te plait, épargne-moi la longue lettre accompagnée d'un cadeau qui m’explique que je suis quelqu’un de formidable, de magnifique, d'unique mais que tu ne te sens plus digne de moi, que tu es responsable de tout, que je n’ai rien à voir là-dedans que c’est toi et toi seule. Comme si je vivais cette histoire sans rien en sentir. C’est plutôt humiliant, non ?
Je te remercie de m’épargner aussi les pleurs et les mauvaises réactions que je pourrais avoir, les mots que je pourrais prononcer, ceux que tu pourrais entendre et qui inévitablement dépasseraient mes pensées. Sois gentille, évite moi les phrases assassines, les mots durs, voire les insultes portées par l’incompréhension, le chagrin et la douleur. Épargne moi de mal me comporter, de n’être pas brillant, brillant et ainsi, en plus de m’en vouloir après…
Qui sait évite moi ainsi, la gifle que j'aurais sans doute envie de donner, je ne suis pas si différent des autres.
Et puis, si tu en es là, si tu en es à me dire tout ça c’est que tu as bien réfléchi, que ta décision est prise et que donc tu ne changeras pas d’avis. Il me sera, alors inutile d’espérer quoi que ce soit. 
L’espoir est une saleté qui entretient la douleur.
Aussi, pour toutes ces raisons, vois-tu, je ne suis pas contre mais alors là pas du tout, ne souris pas, je ne suis absolument pas opposé à un petit SMS  en milieu de journée, pour éviter les réveils difficiles et permettre d'anticiper la soirée. Un SMS du genre lapidaire et respectueux qui mette les choses bien au clair. Quelques mots simples sans pathos : "Nous deux, c’est fini", par exemple.   Ou bien: "Restons-en là". Si tu n'ajoutes pas veux-tu, cela suffira. C'est concis, précis et extrêmement limpide. Pour les modalités et l’intendance, les affaires, les meubles, les plantes, le bail, les chats et tout le bazard, nous verrons plus tard. Ne réglons pas tout le même jour. Si tu peux, on attendra que je me sois un peu remis, que je me sois refait une santé, que je sois redevenu présentable, que j'ai encaissé le coup, que les hématomes se soient résorbés et les plaies refermées. Je dois te prévenir, je te dois d'être honnête, je cicatrise assez mal. Il me faut du temps, beaucoup de temps, un sacré paquet de foutu temps, même.
Mais si jamais tu devais me quitter, oui, j’aimerais que ça se passe comme ça.

Au moins, maintenant, là où nous en sommes, tu sais quel sera mon souhait. 

Il ne reste plus qu'à nous... rencontrer. Tu vois, alors que nous ne nous connaissons pas encore, je suis déjà prêt à te perdre.



11 août 2014

Pendant que tu y es...

Puisque ta plancha est encore chaude, profite:
En fonction du nombre que vous êtes et du degré de gourmandise ou de faim de chacun: Râpe donc grossièrement quelques courgettes du marché, mélange-les avec de l'origan frais haché du jardin et du romarin coupé très très très très fin (que ce ne soit pas désagréable en bouche), ajoute-z-y un trait de vinaigre balsamique blanc, du sel du poivre et quelques gouttes de tabasco. 
Mélange et tourne et retourne sur la plancha. 
Elles cuisent assez vite. Si tu as du temps ajoute-z-y un ou deux oeufs battus avant de les passer à la planche et fais-en comme des galettes...

Demain, je te parlerai, peut-être, joues de lottes et supions...
Tu peux aussi faire du riz...

Alors, pour en finir avec le riz.
Comment le bien préparer. Recette mise au poing, améliorée, validée et estampillée par Gran Chef Rémi qui a, entre autres, habité La Réunion, Madagascar et qui sait, donc ce que riz veut dire. 
Tu peux prendre du basmati, ça va avec tout. Et même la salade. Niçoise, si tu veux, rien ne l'interdit.
Il faut un demi verre de riz non cuit par personne. Si vous êtes deux, remplis... un verre.
Lave le, rince le, QUATRE fois en jetant l’eau à chaque fois. 
Mets le dans une casserole d’eau froide et salée, un doigt (en épaisseur, pas en longueur) d’eau liquide au-dessus du niveau du riz. Allume un feu moyen SOUS la casserole et va prendre un verre. Tant que ça blolotte, que ça fume, que ça fait des cratères, surveille mais ne touche à rien. Quand ça a fini de bloblotter, de fumer, de creuser de jolis  cratères comme des pitons de fournaise, c’est que  toute l’eau s’est évaporée ou a été absorbée par les grains
Recouvre ta casserole et éteint le feu. Que ça finisse de bien gonfler.
Et c’est prêt.

Maintenant, si le coeur t'en dit tu peux aussi le préparer Pilaf…




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