31 décembre 2008

BBD...



Diou nous fague la graci de veire l'an que ven,
Se sian pas mai, siguen pas men!

Vous souhaiter une année...
Belle, Bonne, Douce.


Pour nos amis québécois, la traduction:

''Dieu nous fasse la grâce de voir l'année qui vient.
Si nous ne sommes pas plus, ne soyons pas moins...
''


29 décembre 2008

Quel dommage...



Images de Rémi Cottard

Que vous n'ayez pas le son...

Entendue sur la route entre Montréal et Québec, deux cent cinquante km d'autoroute balayée par un vent venu raide du pôle... Pour la lire, en attendant mieux, munissez vous d'un accent québecquois, d'une Studebaker 59, d'un paquet d'un kilo de smoked meat, d'une cannette de Molson, d'une belle voix de brume rocailleuse a souhait, d'une image d'immense étendue...
Vous voila sur la route avec Richard Desjardins...


''J'ai roulé 400 milles
Sous un ciel fâché.
Aux limites de la ville
Mon cœur a clenché.

Les gros flashes apparaissent
Dans mon âme égarée,
Les fantômes se dressent
À chaque pouce carré.

Revenir d'exil
Comporte des risques
Comme rentrer une aiguille
Dans un vieux disque.

Y a eu ben du progrès,
Ben d' l'asphalte, ainsi d' suite;
J' me demande qui j' serais
Si j'étais resté icitte.

Une peine imbuvable
À qui la faute?
J'étais juss' pus capab'
D' la voir avec un autre.

Mais c'est tout oublié,
Chu r'dev'nu un homme;
Le ti-cœur pomponné
S'en vient voir ses vieux chums.

Salut les apaches,
Salut les crottés.
Vous me trouvez le stash
Moi je paie le party.

J'entends la fonderie qui rush;
Pour ceux qui l' savent pas
On y brûle la roche
Et des tonnes de bons gars.

Les grandes cheminées
Éternelles comme l'enfer;
Quand le gaz m'a pogné
Chu v'nu tout à l'envers.

Entendez-vous la rumeur,
La loi de la compagnie?
"Il faudra que tu meures
Si tu veux viv' mon ami"

J'ai poussé mon p'tit change
Dans l' trou du téléphone;
Sentiment étrange
Je r'joins pus personne.

"Time flies" que j' me dis,
M'en vas faire de mon best.
J'ai marché dans la nuit
En cherchant un orchestre.

J' prends ma chambre à' Capri
J'aboutis dans la même;
Mêmes brûlures su' l' tapis,
Même vue sur la "Main".

Comment dormir dans un lit
Où t'as baisé des anges?
Je sens monter la folie:
Je descends dans le lounge.

Dans la flamme d'un briquet
Un visage intrigant;
C'te gars-là je l' connais,
Bonyeu, mais c'est Satan!

Long time no see
Y fait pas chaud là, mets-en.
J'ai passé proche l'embrasser
À force que j'étais content.

Y m'a dit "La gang est splittée,
C'était rien qu'une époque.
Sa valeur est tombée
Comme le prix de la coppe.

Y s' sont toutes faites buster
L'un après l'autre;
À la fin y est resté
Moi, mon ombre pis son coat.

Les aut' ont farmé leu' yeules,
Y déclarent à l'impôt.
Nouvelle clientèle
Et musique de robot.

Quand les downs de tes highs
Te défoncent l'intérieur,
Tu t'engages comme bétail:
Pas d' malheur, pas d' bonheur.

Y ont vendu l'amour bandé
Pour de la tendresse.
Ils se sont enfermés
Dans la chambre de commerce.

A c't'heure chu quas'ment tout seul
À fournir à' Plaza
Que c'est qu' le monde veulent
Qu'est-ce que la loi veut pas.

A peut v'nir me chercher
Pour m' passer les menottes;
Quarante ans d' liberté
De nos jours, c't' une bonne cut.

Y a personne qui m'encule
J'ai gardé mes bons nerfs;
Comment ça vaut, ça... calcule!
Chu déjà millionnaire.

Côté cœur, ben content;
Y a du monde su' la ligne.
Quand les chums sont en-d'dans
Moi, j' m'occupe des darlings.

Tu t' rappelles, ton gros kick,
La belle Rose-Aimée?
M'as t'en pousser une comique:
Moi pis elle, c'est steady."

(Quand y m'a dit ça...)

C'est rentré comme un clou,
Un couteau dans' patate.
La suture a t'nu l' coup:
Well, let's drink to that!

Le jour s'est l'vé sur Rouyn
'Ec des gros rayons d'or.
J'ai jasé 'ec mon instinct...
Et j'ai couché dans mon char...''

27 décembre 2008

Une idée du Québec, quoi...




Une vue de la rue de Marseille (juré, craché...) de Montréal... après un épisode poudreux... (Photo de Rémi Cottard...)





La magnifique surface toute bien plane du premier plan, sur les quatre autres images est celle d'un... lac, le lac des îles près de Mont Laurier a deux cent cinquante kilomètres au nord de Montréal, au coeur des Laurentides. Une image attrapée ces jours derniers et le coin ressemblera à ca jusqu'en jusqu'en Avril, le québecquois est patient... Il est actuellement, le lac, recouvert de trente centimètres de poudrerie et d'un bon pied de glace... ''On'' a voulu me faire croire qu'il arrive qu'on s'y baigne, dedans, en maillot, l'été venu... donc entre le 13 et le 18 Juillet...
Je veux bien penser que seuls, des poissons à poils longs savent faire ca...
Mais en hiver l'endroit est plutôt cute...

Vous entendriez ce silence qui vient du ciel, nous tombe sur les épaules , très vite, envahit tout l'espace et s'arrange ainsi pour qu'on n'entende plus que LUI...
Heureusement, la nature qui décidément ne doit pas aimer se faire peur, se débrouille souvent, à cet instant précis, pour faire se lever une petite bise qui LE trouble et allège un peu son poids...
Vous verriez, la nuit, l'absolue pureté du noir de ce ciel et ces filantes étoiles qui le partagent d'un trait lumineux en deux parts égales...
Vous sentiriez le jour... ah non, ca ne sent rien... mais comme l'intérieur d'un congélateur, s'il est bien entretenu, finalement.

Un endroit à tomber amoureux d'un ours, d'un arbre, d'un écureuil, d'une paire de flocons ou plus intelligemment d'un... poêle à bois...

Chansons diverses...



Pour en apprendre un peu d'un endroit, on peut en écouter la radio. C'est ce que j'ai fait depuis que je suis là. Je ne sais pas si j'ai bien fait, remarquez...
Ce matin, je m'en suis relevé pour noter ce que j'ai entendu...
Comme je suis assez partageux, voila des extraits véridiques de ce qu'on peut entendre le matin entre 7 et 8 heures comme textes de chansons en francais, donc, sur une radio de Montréal, Rock Détente 103.7:

"Depuis qu'on a laché prise
On voit de la couleur dans les zones grises
Il y a du bon dans la froidure de novembre
Elle nous permet de nous coller plus ensemble
Sous une couette
Tout nus sans bobette...
Tant qu'on aura de l'amour

De l'eau fraiche, de l'air pur
Un toit et puis quatre murs,
Ce sera la joie dans notre cour..."

Celle la serait chantée par les Garcons Vachers Fringants... Une autre!

"Hier derrière et demain devant
Je vis ma prière
Changer, changer
On ne fait que changer
Bouger, bouger
On ne fait que bouger
Malgré nous..."

Une autre! Une autre!...

"Il y a du monde aujourd'hui sur le plateau,

J't'aime fort et faut pas que j't'aime trop
Il y a du monde qui s'embrasse sur la rue
J't'aime fort mais t'es pas rendue
Et je pèse mes mots..."

Comme je sens que vous y prenez gout en voila une dernière!

"Aimes tu la vie
Comme moi
Vois tu la vie
Comme ca
Dis oh oh dis le moi..."

Alors, pour les mélodies... Elles sont... du niveau des paroles... Pas mieux, pas moins bien...
Quand je pense que certains se plaignent que le Québec nous envoie trop de chanteurs et surtout de chanteuses, qu'ils se rassurent, ils en ont gardé quelques un(e)s... Pourvu qu'ils gardent ceux-la...

Ce soir, a la nuit tombée, vers 16 heures, je me baladais dans le vieux Montréal... lmaginez vous plongé dans un Sweeney Todd tendance Picard mais version Pôle Nord... Vous visualisez? Les brumes sortant des bouches a incendies? Vous y êtes... Marcher dans les ruelles de Montréal en décembre, cela veut dire risquer sa peau, ses coudes, ses cols de fémur sur tous les trottoirs ET prendre des baffes givrées a tous les coins de gratte-ciels. Et Dieu sait qu'il y en a des coins... Les rues sont toutes a angles droits... Quand mes oreilles, mon nez et moi en ont eu assez de toute cette violence, je suis entré dans un endroit qui, de l'extérieur semblait chaleureux: "Le Bistrot" rue Saint Paul, tout près du musée de Pointe a Callière, pas très loin du Saint Laurent charriant ses glacons de géant...
J'ai commandé un verre de blanc.(On ne change pas une équipe qui gagne...).
Il flottait dans la salle le son d'une radio.

Quand le gars m'a apporté le ballon, j'ai entendu, a la radio, Romain Didier chanter: ''Je t'aime en braille''...

A Montréal, en Décembre...

J'ai souri, réchauffé...

24 décembre 2008

Blanc, blanc, blanc...













Du Québec ou je magane comme un niaiseux a me pogner avec une poudrerie du diable, hostie d'calice, j'ai paqueté le char a ma guise et je vis, sans m'faire cruiser par une sirene du 4.5.0., la grande quinzaine du blanc avec une bien grosse pige d'avance!


J'm'en vais souhaiter a tous mes chums du blog et des autres provinces de belles Fêtes de Noel...


Meme si ca n'a pas d'bon sens, tabarnak, roucoulez vous la douce!

16 décembre 2008

Allain Leprest

« Amante ma jolie
Rebelle au bois dormant
On r’passera les plis
Douloureux du ciment… »

« Ni les nids d’oiseaux ni les n’hydravions,
les ponts qui enjambent Paris, ni les roses pompon
Du quai des Tuileries, les ombres du Prado
Non plus la pluie battant contre les bow-windows
Et pas ce pas de porte où le jour s’apitoie…
Je n’aime rien tant
Rien ne m’émeut tant
Que toi…"

« Aux grands parapets
La mer m’a coupé
L’algue sous les pieds
S.O.estropié… »

« On vide un café on en touille un autre
Le temps passe de caf’tière en caf’tière
Marins affamés qui rongent la côte
On mang’ la soucoupe et la p’tite cuillère. »

Qu'ajouter d'autre?
(Extraits de son dernier CD "Quand auront fondu les banquises"...)

14 décembre 2008

Soir d'esperluette...

Certains soirs de mauvaise mine, de cœur cogné, de vent debout, ces soirs de mers croisées, tabassé dans les treizièmes ronchonnants... Bref, lors de ces méchants moments de moches déprimes il m’arrive, venues de je ne sais quel hémisphère, de gaies envies d’esperluettes souriantes...
De celles qu’on trouve encore entre Roméo & Juliette, La Hollande & l'amie Mollette , un avocat & la vinaigrette, le roi & la reinette, Sylvain & Sylvette, le bœuf & la palette, les escarres & Paulette*, eux & la poulette, les bijoux & la malette, Toulon & La Valette, Marne & la Coquette, le courtisan & la carpette, Troyes & l'andouillette, le zizi & la bistouquette, l'apéro & les cahuètes, Clo-Clo & les Claudettes, les cow-boys & six Garett, le moulin & la galette, le mitron & sa baguette, la Suisse & la raclette, les cartes & la crapette, Claudine & Colette, le désert & Tamanrasset, les cakous & les gourmettes, l'armée & la Muette, l'amer & les crevettes, les moutons & la moquette, le veau & les paupiettes, le gratin & les courgettes, la sentinelle & l'échauguette, Elvis & les rouflaquettes, le gant & la toilette, le homard & la mobylette, la poêle & l'omelette, l'Espagne & les castagnettes, l'autre & ses talonnettes, le moral & le fond des chaussettes...
Mais aussi entre:


Le désir & le saxo,
Le rhum & le cerveau
,
Le cheval & le sabot,
Le casque & la moto,
Arlette & Chabot.

Le silence & le carme,
L’oignon & les larmes,

Souchon & le charme,
La tranche & le Parme,
Le sang & les armes.

Le quatorze & le pétard,
La ruse & le renard
,
Alchor & Mizar,
Melchior & Gaspar,
L’étoile & Balthazar.

Le caillou & le ricochet,
Boulevard & Pinochet,

Les gravats & le trebuchet,
La chute & le parapet,
La paix & le calumet.

Bernard & le "Manque pas d'air!",
Bogdanov & la paire de frères
,
Zadig & le vieux Voltaire,
Les poux & l’Abbé Pierre,
Dante & l’envers de l'enfer.

Cambrai & les bêtises,
Des soupirs & Venise
,
Trousse & les chemises,
Liliane & les valises,
Londres & la Tamise.

Le dessert & la plonge,
L amanite & l oronge,
La politique & le mensonge
,
Les promesses & les songes,
La vérité & Bébé Donge,
Les flans & l’éponge.

La Seine & Paris
Frankie & Johnny
,
Un broc & au lit,
La dame & le pipi,
Une reine & un parapluie,
Vanessa & le paradis.

Le cheveu & le chignon,
Les semelles & le paillasson,

Une seringue & un hérisson,
Une selle & son canasson,
Un bocal & ses cornichons,
Des mains & une paire de ni...

Ah une bluette... au piment d'Esperluette...


* Merci Slevtar...

10 décembre 2008

Bal à deux.




A peine débarrassés de nos écharpes, de nos bonnets, de nos gants, de nos manteaux, de nos pulls, enfin de tout ce qui pouvait nous éviter de vilaines engelures, elle a filé droit vers la chaîne, appuyé sur deux trois boutons et les premières notes de guitare ont rayonné dans la pièce..." Ya que quand le soleil se coucheu... que le gris de ses yeux s'iriseu... Suffit qu'un rayon la toucheu pour qu'elle rou ou gisse... Y a que quand le vent soufflau large sur l'océan de sa peau salée... Que mes mains s'attardent, que mon corps débarque dans ses baies..." Elle avait eu une envie soudaine d’entendre cette ballade là. Comme on entoure un cadeau d’un ruban quand on veut que ça soit plus joli, alors que sans, c'était déjà bien. Nous venions de passer deux bonnes heures le nez dans le mistral surgelé ponçant les hauteurs de Saumane.
Nous étions allés poser nos deux sur une pierre face au paysage, oh pas bien longtemps, à cause du froid qui régnait là-haut. Un froid à enrhumer un ours blanc. Pour voir. Pour voir et entendre le souffle du vent qui, déboulant de bien plus haut rebondissait sur le Ventoux et tombait en cascades agressives sur nos épaules fragiles et vulnérables. Nous y étions allés pour prendre de la hauteur et nous faire des souvenirs. Peut-être aussi, pour tuer ou bien blesser le temps afin qu’il passe moins vite ? Nos rires sous les assauts du vent, notre équilibre précaire sous les rafales, notre avancée pénible sous les gifles répétées...
Bien sûr, je me suis assis derrière elle pour la protéger du gel, moi qui allait, bientôt l’exposer à cœur fendre. A part nous, il n’y avait pas âne qui vive, là-haut, que nous, nos corps et nos chaleurs mêlés. J’avais posé mes lèvres sur le chaud de son cou, là, oui, dans la nuque, dans le doux de son odeur, j’avais serré les bras autour de ses épaules. Elle m’avait laissé faire, mais elle ne m’y avait pas invité. Tout mon corps lui disait : Je suis là. Tout son corps répondait : "Ben je le sens bien que tu es là". Mais, les nuages fichaient le camp à toute allure comme des moutons sous les poils d'un balai brosse. Nous avons déjeuné d'une ou deux pommes givrées...
On imagine mal, quand on y vient l’été, combien cet endroit peut être hostile en Février.
Les cigales y sont emmitouflées, les sauterelles en sommeil, les écureuils avaient levé l'ancre vers les Tropiques, les oiseaux avaient oublié de se poser. Ici, l'hiver, les pierres s’y fendent, les ciels s’y glacent, les cistes s’y rabougrissent, les bruyères s’y racornissent, les lavandes s’y sèchent, il n’y a que le thym sauvage et la sarriette qui semblent s’en tirer avec un peu de gloire.
La veille, j’étais arrivé par le train à la gare d’Avignon.
J’avais passé un coup de fil dans la matinée : " Si je viens, tu seras à la gare ?"
Elle avait répondu : " Tu verras bien. Essaye toujours..." De sa part, je ne m’attendais à rien d’autre, je savais que toute cette distance qu’elle posait était une manière d'éviter les pièges, puis après un instant :
"Mais si tu venais et si on se voyait tu repartirais quand?"
Droit dans ce qui fâche.
J’avais bredouillé : "Je ne sais pas, deux ou trois jours "
"Alors, épargnes toi le voyage..." Et elle avait raccroché. ELLE AVAIT RACCROCHE. On se sent bien bien couillon avec les bip bip dans les oreilles quand l’autre n’est plus là et qu'on sait qu'il a eu raison de le faire.(Au fait pourquoi dit-on raccrocher au nez? C’est bien aux oreilles qu’on raccroche, non ?)
J’avais rappelé, une fois remis, pour lui donner mon heure d’arrivée :"Et si tu n’es pas à la gare, ce sera tant pis pour moi, je reprendrais le train dans l’autre sens." Le souhait de ne pas perdre totalement la face?
Quand j’étais sorti du hall de gare déjà balayé par un mistral à défriser les taupes, il n’y avait personne. Même quand on y est préparé, cela reste désagréable.
Une heure après, j’étais toujours assis sur mon sac de voyage dans un coin, entre deux murs quand sa voiture a monté la rampe.
Elle est sortie et a juste posé sur le siège où j’allais m’asseoir : "Je voulais que tu vois ce que ça fait d’attendre."
Je n’ai su que bien plus tard le beau sourire à l’annonce de ma venue mais aussi, le terrible déchirement de mon départ. Avec elle, j’avais pu vérifier combien l’amour ce sentiment qu’on ne voudrait que magnifique peut, parfois, nous rendre misérables. Cela reste un abyssal mystère. Pourquoi la joie d'un possible n'est jamais à la hauteur de la déception d'un réél?
Toute notre histoire tenait là, dans le poing fermé de ces mots simples. Un mesclun de doux et de griffes, un mélange de bonheurs profonds et de peines absolues, un méli mélo d’encore et d’assez…
Quand l’eau avait bouillonné, elle avait servi un thé brûlant et j’avais même consenti à une tasse de cette boisson de fille, c’est dire dans quel état j’étais… Sans en ajouter, je crois bien en avoir bu deux. Et j'ai trouvé ça bon. Anéanti.
Dehors, le vent faiblissait, épuisé de sa colère, le jour était, comme lui, en train de mourir. Un de plus, un de moins, un, déjà? Il y a des instants, comme ceux là, où, à part le temps, rien ne se passe et pourtant tout arrive. Pour longtemps. très longtemps puisqu'il s'en parle encore aujourd’hui.
Dans la pièce, maintenant chauffée par le bois brûlant dans la cheminée, Lafontaine qui en avait fini de sa chanson venait de murmurer : " Sur son ventre là, je reste là où elle est… "
C’était sans doute ma place, à moi aussi.
Malheureusement, je n'allais pas y rester.

Nous le savions tous les deux.
(De Marseille).




02 décembre 2008

Certains soirs. On monte à la Chaume?



Nous n’y allions pas tous les soirs, mais quand nous y partions, c’était fête. Jusqu’aux murmures de l’air nous y accompagnaient. Un frais parfum de thé fumant nous dansait autour. C’est en général vers cette heure là que nous y allions. Quelqu’une de la maison lançait : On monte à la chaume ?
Qui l’aime la suive. Nous quittions la maison sans même fermer la porte. Une tête noire de chienne énervée se penchait sur le côté en nous regardant, des points d’interrogation dans les oreilles, semblant dire : » Vous y allez ? Hein dites, vous y allez ? Vous m’emmenez ? » Elle n’attendait pas la réponse ! Il suffisait de dire : « On y va… » Elle filait trace noire sur le vert de l’herbe. Elle savait tout du chemin à prendre. Il fallait sortir du hameau entre deux rangées de murs s’effondrant, laisser à main gauche la croix de pierres branlantes qui, si elle n’avait encore tué personne, n’en avait sauvé aucune. Il fallait saluer, plus haut, trônant dans son enclos le cheval de garde, Ernest et parfois sa maîtresse, toute étonnée de ne pas l’entendre aboyer.
Ensuite, le pas s’allongeait dans une descente légère. Alors, nous étions sur la voie de la Chaume.
Un étroit chemin comme un doigt tendu entre deux longs prés. Nous passions dans l’ombre du tilleul sentinelle et l’index étendait ses phalanges mollement. Oh, ce n’était pas une côte, à peine une pente et pourtant, l’horizon, de là, nous était encore masqué. Une fois là haut, il nous éclaboussait le visage avec ses poussières d’or fin. Parfois, nous dépassions le sommet juste pour goûter à la tentation de l’autre côté…
Le plus souvent, nous faisions demi-tour et nous regardions l'alentour. Trois cent soixante degrés, pas une fausse note, pas un écueil où l'œil s'égare, pas une tâche à gratter. Un endroit où mourir, là, maintenant puisque rien d'autre au monde n'est plus beau à embrasser de son regard.
Oui, certains soirs, nous nous y sommes embrassés, l’un dans le cou de l’autre, nos mains et nos deux cœurs mêlés. Rien d’autre. D'inavouable... à moins que la torture soit douce. En fait, nous attendions que la lumière baisse, que le soleil descende des étages puis se couche.
Il était, alors, l’heure, pour nous, d'en faire de même. Silence.
Nous étions montés à la Chaume.
C’était une courte balade.
Certains soirs, nous y serions bien restés.
Si possible éternellement...
Mais tout ce qui a une fin n’est pas long…

01 décembre 2008

Petit matin.


Il m’avait déjà sorti du sommeil vers quatre heures trente, environ. J’avais réussi à me rendormir sans trop de difficultés, mais d’un sommeil plus léger. Pour m’y aider, j’avais allumé la radio. Romain Didier chantait Petit Matin, ça m’avait étonné, on l’entend si rarement. Dès les dernières notes j’avais replongé.
C’est vers six heures trente qu’il s’est remis à l’ouvrage. Une quinzaine de fois cinq ou six notes.
Dans une demi conscience, je me suis dit : Tu la voulais la campagne ? Alors de quoi te plains-tu, exactement ? Tu l’as. Il n’empêche que des recettes de coq au vin me sont passées par la tête… Je me suis étiré en repoussant la couette au bout du lit, puis j’ai essayé d’entre voir quel serait le temps de la journée. Nous allions vers du grand beau. Le mistral qui avait soufflé la veille en se gonflant les joues comme un trompettiste fou était arrivé à ses fins. Le ciel était débarrassé de la chape grise de nuages lourds qui, hier encore, déguisait l’endroit en Bretagne sud. C’était un ciel de fond d’écran. D’un bleu irréel. Extrêmement bleu. Si tant est que cet adverbe est approprié à une couleur, enfin vous voyez ce que je veux dire ? Il allait faire chaud, aussi, ça se sentait aux odeurs qui sont entrées dans la chambre quand j’ai ouvert la fenêtre. C’était des odeurs mêlées de chèvrefeuille dont la floraison se terminait déjà, de rose et d’herbe humide. Je me suis levé, j’ai mis un peu de temps à le faire à cause de quelques courbatures. Un cadeau de la soirée dernière… J’ai secoué la couette, je me suis entouré les reins d’une serviette de bain bleu marine, je me suis passé les mains sur la tête et le visage comme on défroisse une feuille de papier oublié dans un portefeuille. Mes deux pieds se sont enfilés dans la paire de tongs abandonnée auprès du lit. Ils ont fait ça seuls comme des grands, sans que j’y sois pour rien. Le secret c'est de les éduquer le plus tôt possible. Je suis descendu par l’escalier ... (par quoi d'autre aurai-je pu descendre ? ) Je suis arrivé dans la pièce principale. Il y faisait plus frais qu’en haut. J'ai maîtrisé un frisson et attrapé un tee-shirt qui traînait sur le dossier du canapé. Je l’ai enfilé. Je m’en fichais pas mal qu’il soit à l’envers et la couture pouvait bien me gêner un peu, il n’était pas question que je recommence la gymnastique dans l’autre sens. Mon épaule droite me faisait encore souffrir surtout dès que j’essayais de la lever un peu. Je suis allé vers la porte fenêtre. Je l’ai ouverte et j’ai poussé les deux battants des volets verts. J’ai pensé que je les accrocherais plus tard. Ce matin, ce ne sera pas le vent qui les refermera. Le jour s’est alors installé les deux pieds sur la table basse. Il savait pourtant combien je détestais ça, mais il ne s’est empêché de rien. Je lui ai bien lancé un regard que j’ai voulu le plus noir possible mais il s’en est moqué. "Rigole, rigole, petit jour, on en reparlera ce soir..." j’ai dit dans ma barbe naissante… Avant de passer dans la cuisine, j’ai fait un détour par les toilettes, puis la salle de bains. J’ai mis un bon moment à reconnaître le type dans la glace. Pas de doute, je connaissais ce visage mais ce matin là, je trouvais qu’il avait pris un sacré coup de vieux. Je lui ai passé de l’eau sur le visage et puis je suis revenu à moi. Je suis sorti, vite fait. Après tout s’est à peu près fait sans que je m'en occupe. C’est comme ça que je me suis retrouvé une tasse de café fumante dans les mains en train de remonter les escaliers. Ces marches étaient quand même plus raides que la moyenne. Surtout en montant. Penser à les mesurer…ou à me laisser pousser les jambes... Je suis entré dans le bureau, j’ai chassé, du revers de la main le jour qui s’était avachi sur les accoudoirs du fauteuil, posé la tasse de café près du clavier. Avant de plonger sous le bureau pour allumer l’ordinateur, j'ai envoyé la chanson de Romain et la valse de Dvorak est venue s'installer gentiment dans la pièce. Alors, j'ai bu une ou deux gorgées de café et, après la deuxième j’ai senti que j’étais, enfin, en train de me réveiller. Les trois ou quatre notes de la machine ont retenti dans le bureau. J’ai ouvert ma messagerie, viré les quelques spams qui disaient: viagra, Rollex ou autres conneries. Dans Mes documents, j’ai ouvert Textes en cours, puis "Petit matin" et j’ai commencé à relire ce que j’avais écrit avant de me coucher.
C’est à cet instant qu’elle est venue derrière moi, perdue dans un seul peignoir blanc bien trop grand pour elle. Elle m’a entouré les épaules de ses bras, elle a posé sa joue contre la mienne, son regard sur l’écran et, après avoir lu, elle a seulement laissé tomber, vaguement moqueuse:
___Ben dis, c'était pas la grande forme, hier! C'’est d’une banalité rare ce que tu as pondu…
Comme je la savais dans le vrai, j’ai eu une forte envie de la gifler, alors, je l’ai attirée vers moi et lui ai déposé dans le cou un baiser d’une tendresse interminable.

J’en ai profité pour lui murmurer à l’oreille, à la fois tendu et souriant :
___ Fais ta maline... Dis, tu ne t’habilles pas, toi, ce matin ?
Quand elle a quitté la pièce, j'ai lu la citation du jour sur un site rangé dans mes favoris. D'ordinaire, cela n'apportait rien à la journée, mais là, pour une fois tout était raccord: "Quand tu ne connais pas ton chemin, ne demande jamais à celui qui sait. Tu risquerais de ne pas te perdre." Encore une à ranger au rayon de celles dont on se dit qu'elles pensent vraies sans très bien comprendre où, comme : "Quand on hésite, c'est qu'on a déjà choisi" ou bien " ce qui te manque cherche-le dans ce que tu as".
Une belle journée à vivre s'annonçait. Tiendrait-elle, jusqu'au soir, toutes ses promesses ? Ca changerait, pour une fois.
Et s'il était là, LE secret de ce qu'on appelle bonheur: Avoir, au réveil, sous la pogne, une joue à gifler... Ou à caresser, selon...


Sacré Vic...

"Que peut-il ? Tout. Qu'a-t-il fait ? Rien.
Avec cette pleine puissance, en huit mois un homme de génie eût changé la face de la France,
de l'Europe peut-être.
Seulement voilà, il a pris la France et n'en sait rien faire.
Dieu sait pourtant que le Président se démène : il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète ; il cherche à donner le change sur sa nullité ; c'est le mouvement perpétuel ; mais, hélas ! cette roue tourne à vide.
L'homme qui, après sa prise du pouvoir a épousé une princesse étrangère est un carriériste avantageux.
Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots, ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir. Il a pour lui l'argent, l'agio, la banque, la Bourse, le coffre-fort. Il a des caprices, il faut qu'il les satisfasse. Quand on mesure l'homme et qu'on le trouve si petit et qu'ensuite on mesure le succès et qu'on le trouve énorme, il est impossible que l'esprit n'éprouve pas quelque surprise. On y ajoutera le cynisme car, la France, il la foule aux pieds, lui rit au nez, la brave, la nie, l'insulte et la bafoue ! Triste spectacle que celui du galop, à travers l'absurde, d'un homme médiocre échappé ".

Victor HUGO, dans " Napoléon, le petit "
Réédité chez Actes Sud

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