02 décembre 2008

Certains soirs. On monte à la Chaume?



Nous n’y allions pas tous les soirs, mais quand nous y partions, c’était fête. Jusqu’aux murmures de l’air nous y accompagnaient. Un frais parfum de thé fumant nous dansait autour. C’est en général vers cette heure là que nous y allions. Quelqu’une de la maison lançait : On monte à la chaume ?
Qui l’aime la suive. Nous quittions la maison sans même fermer la porte. Une tête noire de chienne énervée se penchait sur le côté en nous regardant, des points d’interrogation dans les oreilles, semblant dire : » Vous y allez ? Hein dites, vous y allez ? Vous m’emmenez ? » Elle n’attendait pas la réponse ! Il suffisait de dire : « On y va… » Elle filait trace noire sur le vert de l’herbe. Elle savait tout du chemin à prendre. Il fallait sortir du hameau entre deux rangées de murs s’effondrant, laisser à main gauche la croix de pierres branlantes qui, si elle n’avait encore tué personne, n’en avait sauvé aucune. Il fallait saluer, plus haut, trônant dans son enclos le cheval de garde, Ernest et parfois sa maîtresse, toute étonnée de ne pas l’entendre aboyer.
Ensuite, le pas s’allongeait dans une descente légère. Alors, nous étions sur la voie de la Chaume.
Un étroit chemin comme un doigt tendu entre deux longs prés. Nous passions dans l’ombre du tilleul sentinelle et l’index étendait ses phalanges mollement. Oh, ce n’était pas une côte, à peine une pente et pourtant, l’horizon, de là, nous était encore masqué. Une fois là haut, il nous éclaboussait le visage avec ses poussières d’or fin. Parfois, nous dépassions le sommet juste pour goûter à la tentation de l’autre côté…
Le plus souvent, nous faisions demi-tour et nous regardions l'alentour. Trois cent soixante degrés, pas une fausse note, pas un écueil où l'œil s'égare, pas une tâche à gratter. Un endroit où mourir, là, maintenant puisque rien d'autre au monde n'est plus beau à embrasser de son regard.
Oui, certains soirs, nous nous y sommes embrassés, l’un dans le cou de l’autre, nos mains et nos deux cœurs mêlés. Rien d’autre. D'inavouable... à moins que la torture soit douce. En fait, nous attendions que la lumière baisse, que le soleil descende des étages puis se couche.
Il était, alors, l’heure, pour nous, d'en faire de même. Silence.
Nous étions montés à la Chaume.
C’était une courte balade.
Certains soirs, nous y serions bien restés.
Si possible éternellement...
Mais tout ce qui a une fin n’est pas long…

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Parfois, nous dépassions le sommet juste pour goûter à la tentation de l’autre côté…
ça me rappelle Mount des Parpaillouns, expliquant au petit Marcel que c'était ça qui faisait le malheur de l'homme, l'envie d'aller toujours voir de l'autre côté.
Marie

chri a dit…

Hé oui, Marie, c'est ainsi que Christophe Colomb et Vasco de Gama...

Slevtar a dit…

Celle-là aussi, un vrai plaisir à nouveau. C'est l'avantage du texte sur le moment qui l'a crée : il dure, quelque soit la fin.

Nathalie H.D. a dit…

Bienvenue dans le monde des blogs, Chriscot. Je n'ai eu le temps de lire que la première histoire, bien jolie. Il faudra que je revienne plus longuement lire le reste!

Longue vie à C'est pour Dire.

chri a dit…

Merci a vous Nathalie! Revenez quand vous voulépouvez! Vous serez bienvenue!
Ce blog est un déménagement de http://chriscot@20six.fr

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