30 mars 2009

Avant,

oeildulionee2[1]

Avant, j’étais là:

http://chriscot.20six.fr/

Printemps de chien.


























16 Mars. Le cœur du Vieil Antibes. Petit matin.
Nicolas avait recroquevillé son immense carcasse, encore amaigrie, sur un tapis fané, dans un coin de l’atelier. Il s’en était enveloppé. Mais il n’a pas dormi à cause de l'humide et du froid. Hier soir, Jeanne, l’amour, qui avait promis de passer n’était pas venue. Il s'était refusé à penser: Elle ne viendra plus, pour éviter que son ventre se torde. Mon Dieu, que ce printemps qui débarquait avait mal commencé, malgré les odeurs des mimosas en fleurs qui flottaient sur la ville, malgré les températures qui, le jour, redevenaient chaleureuses. Malgré les amandiers en fleurs de Ménèrbes, dans le Lubéron d'avant. Il y possédait une maison et il en revenait à peine . Ses joues mal rasées le piquaient. Il s’est levé, s’est servi un verre d’un alcool russe qui trainait par là et deux ou trois pilules. Puis il s’était recouché. Effondré serait plus juste.
Il avait sombré comme une masse alors que le noir n’en finissait plus de survoler la vieille ville. Juste avant de plonger dans le sommeil, il avait fini de rougir avec acharnement une bonne partie du fond de cette immense toile qu’il avait eu la folie de simplement commencer. Un ogre: monstrueux: six mètres par trois cinquante… posés sur le carrelage en terre ocre. Il avait entamé le piano noir, puis la contre basse imposante au premier plan, sur la droite. Il s’était laissé attraper par le sommeil, les avants bras, la chemise, les mains et l’âme rougis du sang du rideau de ce Concert auquel, au sens propre, il s’était attaqué.
A l’aube, transis de froid, fiévreux, embrumé, il s’était relevé. Il était allé se poser face à l’est , là où le ciel commençait à rosir. Depuis qu’il avait loué cet atelier au sommet d’un immeuble en béton coffré du vieil Antibes, il lui arrivait souvent de se relever pour saluer le jour comme un nouvel arrivant. Les hauts des montagnes au loin étaient encore recouverts du blanc d’une neige étincelante, le bleu sombre de la mer, à ses pieds s'enrosissait comme l’ensemble. Sur la gauche, la masse d’un vert profond, du Fort Carré se détachait, menaçante. Là bas, dans le fond, vers l'horizon, les taches minuscules et blanches tremblantes de voiles gonflées. Au dessus des gris en vracs grossissaient. Il s’est allumé une cigarette, une brune, forte qui lui a déchiré la gorge. Il a appuyé ses coudes sur le gris de la barrière en métal qui entourait le balcon. Sa grande taille l’a obligé à se plier vers l’avant. Son mégot de cigarette lui a échappé des mains, il s’est penché pour le rattraper. Trop.
Il a basculé dans le vide. Il n'a pas cherché à se rattraper. Nicolas, le grand, s'est envolé ce seizième jour de Mars 1955, dans l'air humide de ce matin de printemps de chien.
Avant de s’écraser dans la ruelle en contre bas, celui qui avait brûlé sa vie à chercher au plus vrai, au plus profond des couleurs, avait juste eu le temps de penser :”Savoir celles de la mort… “
Après sa chute, de dessous sa tête, un sang presque noir, épais, comme sa vie, s'est mis à couler…


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Nicolas De Staël Le Concert 1955 .





28 mars 2009

Ma toute belle…

Gwad Fév 04 Morne 2
Ma réjouissante, ma surprenante, mon importante…
Te le souhaiter quand même, ici, ou là… Comme les vingt trois autres fois...
Pourquoi?
Mais, parce que tou lé vô bien...
Les cerisiers en fleurs, les pierres des restanques, le bleu du ciel et l'eau vive des Sorgues me chargent de t'embrasser.
Ce que je m'empresse de faire...

A deux bras...
Li a valberg
Dire que notre toute première rencontre a été placée sous le signe du malentendu...
Quand il y a vingt quatre ans, vers deux ou trois heures du matin, par une douce soirée de fin Mars, dans un hôpital parisien, une sage femme m'a mis un frêle cri rougeaud dans les bras, je lme souviens de lui avoir dit: "Oh, c'est un garçon!"
La femme sage a souri, m'a regardé, amusée et indulgente à la fois, puis en me poussant vers l'endroit où on allait faire la première pesée, elle m'a glissé sur le ton de la confidence: "Faites moi confiance, je m'y connais un petit peu, ce que vous portez, là, ce n'est pas un garçon mais une... fille..."
Elle avait entièrement raison!

27 mars 2009

Tout c’qui est magnifique…

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Utopie, Nadège, outarde et motrice,

Energie vitale , Merteuil et matrice,

Pieds paquets, farcis, endives et poivron.

Tout c'qui est magnifique porte un vilain nom.

Exutoire, Vespa, Ockrent, Mykonos,

Surinam, guimauve, retraite et Sifnos,

Mixité, appât, parité, cornichon.

Tout c'qui est magnifique porte un vilain nom.

Cacahuètes, pistaches, solvable et franchise,

Accouch'ment, terrasse, balcon et devises,

Callipyge, écluse, pétoncle et Boston.

Tout c'qui est magnifique porte un vilain nom.

Concorde, conchier, piscine, Pécuchet,

Cuirassé, Duras, Dylan et hochet,

Ségolène, Athènes, cuba, Rémission.

Tout c'qui est magnifique porte un vilain nom.

Périgord, épithète, Sénèque et Saignon,

Corridor, caillette, bavette et grattons,

Rigolade, Robert, Larousse et canon.

Et toi c'est quoi ton p'tit nom ?

...Pour sourire et en clin d’oeil à Allain Leprest et Romain Didier qui ont écrit "Tout ce qui est dégueulasse porte un joli nom" d'abord chantée par Jean Louis Foulquier puis par Olivia Ruiz, que vous pouvez entendre ici:

http://www.deezer.com/track/2922758


Sinon, Allain Leprest sera en concert à Paris à l'Alhambra le 11 Avril au soir à 20h30 et vous manqueriez ça si vous étiez parisien?

26 mars 2009

Le profond…

Bleu Aix
Le profond qu'à l’homme sans ses oripeaux
L’homme et la femme sous leurs chapeaux
Douce, carressable, sucrée salée ou séropo
Le plus profond en l’homme, c’est sa peau...
Peau d'pêche, peau douce, peau d’orange
Peau d’âne, peau d'balle, et peau d’ange
Peau d'phoque, peau d'fer et peau d'crin
D'abricot, d'banane ou peau d'chagrin
Peau de l’ours, l’avoir dedans, vendre la
A fleur de, peau rouge, bien dedans sa
Blanche peau, de peaurcelaine ou peau d'zébi
Claire peau, mate, ou d'chien pour la Nini
Cuivrée, ridée, irritée, épaisse ou gercée
De velours, soyeuse, moite ou crevassée
Peau des fesses, du cul, des couilles et du cou,
Peau dure, peau lisse ou peau d’voyou
Etre si mal dedans, peau d'bête ou de tatou
Coller à, peau d'vache, peau d’assise ou de boue
Douze balles dedans la, peau neuve ou vieille peau,
L’avoir sur les os, peau rêche ou balle peau
Le profond qu'à l’homme sans ses oripeaux
L’homme et la femme en toute science peau

Douce, carressable, sucrée salée ou séropo
Le plus profond en l’homme, c’est sa peau...
De yaourt, Lichinelle ou luttion
Litique, tache, terne, ou lisson
Len, belge, lyamide ou lochon
Tassium, chade, lémique ou tiron…

20 mars 2009

Début de Grand Soir…

La température était retombée de quelques degrés. Dans l'après midi, on avait donné de la voix, on avait fait nombre, on s'était montré. Maintenant, on avait rangé les derniers slogans, ceux qui étaient restés en travers des gorges, on avait replié les banderoles, on s’était recouvert les épaules parce que le froid, d'un coup, s’était amené…
Et puis, j'avais filé vers le silence et le calme. L’étang du Prévost à la sortie de cette ville en flots. L’air vibrait doucement, le soleil allait tirer sa couette. Ce jour là était entré en souriant en phase terminale. Je suis allé perdre un quart d'heure, pour fêter l'équinoxe, pour voir, pour m'en mettre plein les yeux. Car devant ça, que faire d’autre que jeter un œil? Voire deux?

18 mars 2009

Parce que...






















 



Parce que le mistral voyou a balancé son blouson noir,
Parce que les merles se sont réinscrits à la chorale,
Parce qu'on a donné un coup de blanc aux amandiers,
Parce que la nuit n’arrive que passée la dix neuvième heure,
Parce que l’estragon, le persil, la ciboulette étoffent leurs silhouettes,
Parce que les canards énervés volent dans les plumes des canes,
Parce que les forsythia (l'écrire, celui-là...) se sont habillés en Avril,
Parce qu'ils sont fiers comme des premiers communiants,
Parce que sur presque tous les visages, les sourires refont surface,
Parce que les têtes sortent des cous enfouis sous les écharpes,
Parce que les ours vont aérer les tanières et inviter les marmottes à danser,
Parce que les odeurs reviennent aguicher les narines,
Parce que les terrasses sont à nouveau fréquentables,
Parce que les chiens remettent leurs truffes dans le cul des chiennes,
Parce qu’on a attendu obstinément que ces jours là arrivent,
Parce que les anoraks sont repartis vers les pôles,
Parce que les tourterelles se la roucoulent douce,
Parce qu’en moto on recommence à fermer la bouche,
Parce que le jour se lève, maintenant, avant qu’on nous réveille,
Parce qu’enfin, le soleil sert à autre chose qu’à éclairer les ruelles,
Parce que le linge et les draps sèchent, désormais, sur les fils,
Parce que nous sommes aussi des mammifères sensibles aux températures,
Parce que les pies ont repris le chemin des cours de jacassage,
Parce qu’on va ressortir les vases des placards et les valses des couloirs,
Parce que les chats chahutent à nouveau sous les balcons des juliettes,
Parce qu'on remonte du rouge de la cave et qu'on remet du blanc au frais,
Parce que les courses des lézards sur les murs en chaleur,
Parce que ça bourge au bout des branches des figuiers,
Parce que temps clair, nuageux en fin de journée,
Parce qu’on peut reposer nos fesses dans les verts de l’herbe,
Parce qu'on va chanter "Le temps des cerises" à plusieurs et à tue-tête,
Parce que ça ne change rien à rien mais que ça l'adoucit, la vie, un peu quand même,

Parce qu’on est le vingt de Mars et qu’on va s’en servir un verre,

Parce que demain c’est le vingt et un et que si tout va bien, il se repointe,
Parce qu'on finissait par trouver le temps long, mine de rien, neuf mois d'attente...

Neufs ou presque...


16 mars 2009

Noir pétrole.











C’était un jeudi soir. Un jeudi de Novembre. Le vingt du mois. Je m’en souviens pour d’autres raisons. J’avais pris des places deux bons mois avant, pour être certain d’en avoir, pour pouvoir le fêter là et n’en plus parler. Il n’y a pas de quoi se réjouir de ces moments là, on n’y est pour rien. On ferait mieux de fêter les évènements pour lesquels on est un peu responsable.

Qui a dit qu’on ne ferait jamais la fête, si c’était ça ?
Ce n’est pas tout à fait exact. Pas tout à fait faux non plus, tu me diras…
De plus, je ne voulais pas manquer son passage dans le coin. J’avais entendu parler du mal qui l’atteignait et contre lequel il se battait. En chantant. Entre parenthèses , s’il fallait en convaincre certains qu’une ou deux chansons peuvent devenir des armes redoutables, ils n’avaient qu’à le voir faire. Qu’il était beau, qu’il était émouvant… Comme une porcelaine dans une boutique d’éléphants… Comme un cristal de bohème sur un chantier d’autoroute, un coquelicot au chemin des Dames…
J’aurais donné cher pour être une pilule, un sirop, un pansement, une pommade, un anti quelque chose, moi aussi, un peu comme tous ceux qui étaient là. Après avoir fait la queue une bonne heure dans la nuit congelée par un mistral qui faisait son voyou en nous donnant de furieux coups d'épaules, nous sommes entrés dans la salle comme on entre en cathédrale. Puis, la nef bondée, le noir fait, IL est arrivé, comme un roseau penchant. Un roseau malingre et élégant et il s’est mis à chanter. En trois temps, deux mouvements de ses mains dessinantes, il nous a emportés.
On a, j'espère comme lui, oublié cette saloperie qui le minait. Il nous a choppé l’âme et ne nous a plus lâchés jusqu’à ce : "Faites de beaux rêves…" bienveillant dont il nous a couvert les épaules…

Malade ? Mais, ce soir de magie, qui nous l’a passée la pommade, qui nous l’a injecté l’elixir, qui nous les a servis, les vers, qui nous a apaisés, qui nous a réparés? Qui nous a bordés? Malade ? Lui ? De quoi donc ? D’où ?

L'escroc! Ce soir là, le vingt de Novembre deux mille huit, dans la banlieue d’Avignon, un soir de mistral gelé, un soir de bougies à souffler, ce n’était pas du pétrole qu’il nous a versés, c’était du coeurosène…


Aujourd'hui, alors que les réservoirs sont, depuis peu, tristement à sec, ça donne encore...

14 mars 2009

Jour de chien... 4.


Au revoir, Monsieur...
Il y a des gens avec qui le monde est plus fréquentable que... sans.

05 mars 2009

En attendant,


Une merveille dont je n'ai QUE le texte, pour la musique, il faudra acheter le tout dernier Leprest, celui qu'il a enregistré avec Lemonnier: "Paroles de manchots"... C'est édité au Chant du monde.

Quand les gars d'Paris montaient sur la côte
Brillants et bronzés de la tête aux roues
Chantal et Marie, Françoise et les autres
Quittaient nos genoux.
Ell's couraient s'mirer, se rouge-à-lèvrer
S'coiffer dans les chromes des voitures de sport
Qui s'décapotaient à leur arrivée,
Devant l'hotel du port. 
Nous les cons du coin, le coeur en cal' sèche
On courait draguer les grands chalutiers
Louer nos bras vides aux patrons de pêche
Les trois mois d'été.
Les trois mois d'été où les gars d'Paris
Dans les casinos faisaient un sans faute
R'montant dans leurs filets Chantal et Marie
Françoise et les autres. 
Nous pendant c'temps-là, poisseux de poissons
Qu'est c'qu'on pouvait faire, attendre et attendre
Essouffler l'soleil au bout d'un hameçon,
Jusqu'aux froids d'Septembre. 
Au premier brouillard, on touchait la côte
Les rues étaient vides, le ciel était mort
Chantal et Marie, Françoise et les autres...
Guettaient sur le port.

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