29 septembre 2014

Night mer.

Pour les impromptus littéraires. Le thème imposait de raconter une histoire en lien avec la Mer de la Tranquillité.

___ Tucson ! Tucson ! On a un gros blême !
On vient de passer pour la troisième fois au-dessus de notre zone d’alunissage prévue dans l’aire sud FB 3B et nous n’avons rien vu ce que nous devions voir ! On nous avait promis un endroit plat, tranquille, sans vents de sable, une région paisible, sans aucun danger apparent, quasiment déserte, en tous les cas non-habitée et croyez nous sur parole, ce que nous venons d’entre voir ne ressemble pas vraiment à ça ! Des villages, oui, je dis bien des villages, paraissent à feux et à sangs, des hordes de ce qu’il pourrait être des colonnes armées vêtues de noir entassées dans des convois de pickups géants les parcourent en tous sens, ce qu’on pense être des puits de forage brûlent en libérant de denses fumées noires qui montent jusqu’à la hauteur de nos orbites, partout on aperçoit les lueurs violentes de ce qui nous fait penser à des explosions d’une violence incroyable, sur tout ce qui ressemble à des routes on voit des hordes de gens qui fuient ces explosions. On se demande même s’il n’y a pas plusieurs armées qui s’entretueraient au grand malheur, la malchance. Ce qui à l’air d’avoir été des églises ne sont plus que des tas de gravats déniapés, mais ce qu’on peut  prendre pour des mosquées, est du pareil au même. Les centre-ville sont dévastés, les banlieues détruites, les fermes isolées du moins ce qu’il en reste, finit de se consumer, les routes sont défoncées, les ponts écroulés, les immeubles réduits en bouillie, les champs retournés… D’après ce qu’on voit on ne saurait dire qui tire sur qui ou qui défend quoi. On y égorge des types qui aiment la montagne et les oiseaux, on y trucide à la main des femmes et des enfants qui, simplement, étaient là.  Bref, ici, en dessous c’est comme une bataille géante, comme une guerre tous azimuts, en tous les cas un vrai, sacré, foutu, bordel. L'homme c'est la mort de la Tranquillité.
Et figurez vous, Tucson chéri qu’on n’a plus du tout envie de se poser, nous ! Enfin pas dans ces conditions. Nous n’avions pas signé pour ça nous. Nous sommes des astronautes pas des kamikazes. Nous venions, à l’origine, je vous le rappelle pour ramasser des cailloux, pas recevoir ni des balles, ni des obus, ni des missiles. Alors Mon Tucson d’amour, appelez nos avocats, nous avons deux mots à leur dire. En attendant de leur parler, on remonte un peu en altitude et on attend de voir gentiment comment les choses évoluent. Mer de la Tranquillité vous aviez dit ? Mer du Bazar Sans Nom, oui, plutôt… Tucson, Tucson…
___ Bill, réveille-toi, on va passer en phase d’alunissage, tu t’es pas mal agité ! Houston, Houston, Big Bill de Tucson est enfin revenu à nous !
Bill en s’étirant du mieux qu’il peut dans sa combinaison rouge :

___ Ouh ouh ! Gosh j’ai fait un de ces cauchemars, moi ! Imagine, ils allaient nous poser en plein milieu du kurdistan… La trouille que j'ai eue...


23 septembre 2014

L'arme à l'oeil.

Pour les impromptus littéraires. La consigne: Qu'elle soit d'eau, de vin, de rosée, de miel..., une goutte tombe et vous éloigne de la photo que vous contemplez depuis une semaine. Racontez-nous qui elle est, d'où elle vient et où elle va.


Au tout début, une boulette se forme. Comme un noyau d’avocat. Un truc dur, qu’on sent à l’intérieur de soi. Qui grossit. Dedans. Qui monte. Du bas. Et qui s’étend, étreint, oppresse et envahit.  Qui prend toute la place dévaste et dérange ce qui était là avant, paisible au calme. D’emblée, quand la boule nait, l’humeur change. Vous pouviez être en train de lire, de recoller les morceaux d’une porcelaine, d’éplucher des carottes pour les râper, de jouer, de sourire, de peindre une aquarelle, d’éclater de rire, tout bascule d’un coup, d’un seul. En une demi-seconde, c’en est fini, vous êtes pris, attrapé, dans les phares, serré au col, étouffant, submergé. Vous manquez d’air, vos poumons en cherchent, ils rétrécissent et finiraient par pouvoir tenir dans une main. Il n’y a plus une molécule d’oxygène dans la pièce où vous êtes, vous en essayez une autre. Vous êtes mal. Vous avez mal à la poitrine et ça ne fait que commencer. Ça c’est le début, parce qu’il y a un après.
Il suffit de trois notes. D’elles, de ces trois accords de piano, naissent trois sanglots contenus. Ils vous font cet effet là à chaque fois, où que vous soyez, quoique vous fassiez. Alors vous regardez autour de vous pour voir si on vous a remarqué, si on peut vous voir ou bien si vous allez être tranquille et si vous allez pouvoir vous abandonner.
On ne peut vous voir. Vous êtes dans le noir, dans un angle mort, dans un endroit surpeuplé, bref vous êtes seul. Vous pouvez y aller. Le derrière des yeux vous pique, votre regard s'embrume et puis, elle arrive. Elle vient d’abord et toujours de l’œil droit. De son coin. Elle y prospère au bord avant de s’écouler. Elle est salée au delà du raisonnable. Du reste, elle même n'est pas raisonnable. Et d’un coup, elle glisse le long de la narine. C’est toujours pareil, toujours le même effet à chaque fois qu’il attaque : Si tu aimes les soirs de pluie, Mon enfant mon enfant, Les ruelles de l’Italie… Ça te fait la même chose. S’emparent de toi, une tristesse infinie mêlée à une petite honte aussi… Depuis le temps… Il poursuit : Et les pas des passants, L’éternelle litanie des feuilles mortes dans le vent… 
Alors, la première goutte s’écoule, c’est fait, c’est mort, tu es ridicule, mon pauvre vieux, cherche un mouchoir, un bout de tissu, quelque chose pour m'essuyer ça, empêcher la prochaine, je n'y peux rien, cette chanson, à chaque fois, elle me fait le coup, aussi sec, dès le tout début, ça monte, ça coule...
Ça y est, je pleure.

21 septembre 2014

Le revenant.

Ainsi doncques, il va revenir, il revient, il est revenu...
Le secret de Polichinelle est sorti de son tiroir. Mais au fond du fond, tout le monde le sentait que cela allait se passer comme ça, et puis à vrai dire, entre nous, était-il jamais parti ?
Ne le savions nous pas qu’il allait revenir ? Nous faisions comme si nous l’avions oublié, mais au fond de nous, intimement, nous en étions convaincus. Un jour, c’est sûr, il frapperait à nos portes, à nos carreaux, un jour, c’est certain, il se manifesterait, un jour, il se rappellerait à notre bon souvenir. Un jour, un soir ou un matin, il choisirait son moment, et nous, nous ferions semblant d’être surpris, étonnés, interloqués. Nous nous exclamerons peut-être, familièrement : Tiens le revoilà, lui? Il revient déjà, celui-là ? À peine parti, déjà de retour! Le revoilà, piaffant, tonitruant, bousculant, dérangeant, effeuillant.
Que n’est-il resté où il était ? Que ne nous fiche-t-il pas la paix ? Que ne nous oublie-t-il pas lui aussi? Nous étions pourtant presque bien tout ce temps sans lui, nous étions au calme, en douceurs, en bienveillances attentives. Il va nous falloir nous réhabituer aux fraîchissements, au tohu bohu, au barouf, au bazar, aux bourrasques, aux coups de dés, à l’agitation, aux draches, aux grains. Nous avions pris l’habitude de trainailler un peu le soir avant de rentrer, nous nous étions vautrés dans celle de prendre notre temps, de ne pas nous presser, d’étirer les heures, de les faire durer, de reprendre un verre, gentiment, d'en profiter quoi. Sans être bousculé, balayé. Fini tout ça. Tout allait de nouveau s’accélérer, nous allions de nouveau devoir nous lever, marcher plus vite, tête baissée, cols relevés. Nous avions parfois, ces derniers temps, gommé quelques heures dans les après midi pour nous allonger et vaguement somnoler, partir en rêveries cotonneuses… Fini tout ça ! Debout tout le jour, actif, en mouvement, ici, là, ailleurs, partout et tout le temps, courant après les minutes comme des dératés. Et le soir nous trouverait harassés, épuisés, exsangues, essoufflés, fatigués, prêts à tout entendre pourvu que ça se taise. Il serait là, sous nos yeux grands ouverts, à droite, à gauche, devant, derrière à se montrer, toujours, en permanence… Là, ici, ailleurs comme un furet sauvage, à faire le coup de feu, les coups tordus, les coups fins, les coups en douce, les coups bas, les coups de coude, les coups de folie, les coups d'éclats, les coups de grisou, les coups de force, les coups courroux coucou, les coups de sang, les coups de vent, les coups de froid, les coups de tabac  et quelques autres...

Il fallait s’y résoudre, quel que soit l’avis qu’on en avait, quelle que soit même l’envie qu’on en avait, le versatile automne était bel et bien revenu.


17 septembre 2014

Jusqu'à la cave.

Pour les impromptus littéraires de la semaine. Le texte devait s'inspirer de cette image:



« Quel que soit le chantier, si t’as pas touché à la cave, t’as rien fait. » Valérie Damidot.

Je ne comprends pas ce qui se passe s’est-il dit.
J’ai tout pour n’être pas malheureux. Tout, et je n’y arrive quand même pas…
 Alors, comme à chaque fois qu’il avait un souci, il avait décidé de monter voir le soleil se coucher du haut de Thouzon. Une colline de terre qui dominait le plat de la plaine et sur lequel se dressait encore les ruines d’une ancienne abbatiale. Il l'avait garée en bas, au pied puis il avait pris le chemin enpierré qui monte droit dans la garrigue parmi les chênes verts, les buis, les cistes  et les ronces. Il n’y en avait pas pour longtemps, à peine une dizaine de courtes minutes, quelques gouttes de sueur et on était au sommet. Là haut, une tour chancelante, un bâtiment qui, en son temps de splendeur avait été une abbatiale et tout autour quelques murs en train d’être remontés tous les étés, pierre à pierre par des jeunes gens plutôt volontaires mais sans doute pas très maçons… De quelque côté qu’on se tourne la vue était splendide, lointaine  et dégagée. Au Nord, on apercevait le sein du Ventoux avec son téton d’antenne pointé droit dans l’étincelant du bleu électrique. Par ici, on voyait, dans le fond, sur la guche, les découpes rocheuses des Dentelles de Montmirail et, dans le lointain, le tout début des montagnes de la Drôme provençale.  Au Sud c’était la plaine vers la ville de Cavaillon et ses tranches de champs découpées par les haies gigantesques des cyprès les protégeant du mistral. À l'Ouest, que des endroits qui chantent avec les collines de Châteauneuf de Gadagne, Jonquerettes ou Saint Saturnin lès Avignon. C’est simple, là-haut, l’œil ne savait plus ou donner de la pupille. Il fallait voir certains soirs d’Automne les colonnes grises des fumées montantes des feux de feuilles mortes, il fallait être là certains jours d’hiver où la neige avait recouvert le pays d’une immense et douce couette blanche, il fallait y monter les soirs de Printemps où la terre dans son entier tremblait toute de renaître. Lui, il y venait à chaque fois que nécessaire et ce soir là, il en avait besoin.
Il avait emménagé depuis quelques mois déjà et les travaux avaient bien avancé pendant l’été. Il en avait mis un sacré coup et il avait été bien aidé par quelques amis fidèles qui étaient venus lui prêter main forte. La toiture avait été consolidée puis isolée, des cloisons étaient descendues, des pièces avaient retrouvé de l'espace et des couleurs, des ouvertures avaient été créées pour qu'entre davantage la lumière du soir, des terrasses avaient été  carrelées, des sols avaient retrouvé leur jeunesse, une salle de bain avait été rénovée, bref, c’est sa baraque presque en entier qui avait été transformée. En trois mois. Seule, la dernière petite cave voutée derrière les deux autres avait été épargnée. On n'y avait pas touché. Personne n'y était allé voir.
Et puis, tous  ses amis étaient partis retrouver leurs vies et lui était resté, seul. Petit à petit, cet endroit qu’il avait désiré, qu’il avait transformé à ses goûts, dont il avait conçu les changements lui était devenu dérangeant presque hostile. Il avait mis cela sur le compte de la nouveauté. Une région nouvelle, des gens nouveaux, une vie nouvelle, des murs neufs. Il faut s’adapter, prendre son temps, attendre un peu avait-il tenté de se persuader. Mais rien d’agréable ne s’était passé. Aucune lumière n’était descendue du ciel, aucun liquide sucré ne s'était mis à couler dans ses veines, aucun apaisement de son âme ne s’était manifesté en chantonnant. Je ne comprends pas ce qui se passe, je n’y arrive décidément  pas...
C’est assis sur le muret face au feu dardant du couchant qu'enfin quelque chose  me fut donné. Je n’ai plus les moyens de fuir, je dois m’y coller, je dois faire face, s’était-il résolu:Il faut que je descende au fin fond de ma cave et que je la débarrasse de ce qui encombre. 
Je dois descendre et nettoyer ce coin sombre où s'agitent encore les saletés de fantômes qui enchagrinent la vie…



10 septembre 2014

Hey petit mousse...

Pour les impromptus littéraires de la semaine. La consigne était plutôt précise:
Lors d'un voyage dans une ville étrangère ou d'une promenade dans celle où vous vivez depuis toujours (ville ou village) vous découvrez une maison étrange, qui vous semble un peu particulière sans que vous en compreniez la raison.
Et même si votre histoire se situe dans votre environnement familier vous ne l'avez encore jamais vue.
Vous êtes fascinés, attirés irrésistiblement. Cette bâtisse vous prend le cœur, l'esprit, le corps et vous décidez d'y entrer malgré la crainte insidieuse que vous ressentez.
Et là, l'aventure commence ...

Le soleil et la chaleur s’étaient donnés rendez-vous dans le pays. Bien qu’on soit au cœur de Septembre, il faisait chaud comme en été ougandais. Il en souffrait. Il venait de faire en courant son tour habituel qui partait de chez lui et l’y ramenait en longeant ce qu’ici on appelle sorgue. Un brin de ruisseau qui court entre les champs bordés de cyprès et qu'il arrose. La chaleur était écrasante, suffocante et lui donnait bien de la peine. Elle lui troublait aussi un peu les sens car il finissait pas ne plus savoir s’il avait chaud ou s’il était gelé. Il frissonnait, même. Sur le retour, il allait descendre dans la sorgue et s’y tremper. Comme elle était à treize ou quatorze degrés toute l’année, ça lui ferait un bien fou. Mais avant d’y arriver il fallait encore avaler la longue ligne droite des platanes dont l’ombre tentante couvrait... l’autre côté du chemin. Il soufflait, il transpirait, il suait, il tremblait.
Ce n’est pas qu’il aimait courir, non, ce qui le motivait c’était d’avoir couru. Il en avait encore pour une belle demi-heure avant de se plonger dans le frais. C’est alors qu’il la vit.
Il ne l’avait jamais vue auparavant et pourtant il passait là deux à trois fois par semaine. À l’âge qu’il avait atteint il lui fallait ça mais pas plus. Ses genoux regimbaient, ses chevilles se plaignaient, son dos protestait, ses mollets le regardaient de travers et, quand il enfilait son short, ses cuisses le battaient froid. Il reposait le tout au moins une journée entre chaque sortie.
Elle se dressait là. Il s’arrêta, il s’essuya le visage de la sueur, et il regarda sans comprendre. Comment se faisait-il qu’il ne l’ait jamais remarquée ? Elle était au bout d’une allée bordée de cyprès, massive, imposante. Nulle grille ne barrait le parcours de l’allée. Il pensa qu’il s’était trompé de chemin mais non, il était bien sur l’habituel. Je devais passer là la tête dans l’herbe se dit-il.
Il décida d’aller voir, et il emprunta le chemin de terre. Après une trentaine de mètres il était devant la bâtisse. Il fut surpris qu’elle n’ait aucun des caractères des maisons d’ici. Ce n’était pas ce qu’on appelle un vieux mas. Plutôt une vaste maison bourgeoise anglaise de trois niveaux jusques aux tuiles qui étaient plates et en ardoise. A l’abandon, ou presque. Les ronces agressives et les herbes folles s’en donnaient à cœur joie. Un perron après un escalier de quelques marches et une lourde porte en chêne ouverte. Il monta les marches et entendit une voix qui chantait mais c’était diffus comme très éloigné. Il entra dans un long couloir sombre et le chant se fit plus précise. C’était bien une mélodie. Au bout du couloir un grand escalier qui menait au premier niveau il monta quelques marches et écouta. Le son s’éloignait. Il redescendit et entra dans la première pièce à gauche du hall. La mélodie venait de là. Une comptine ? Il s’enfonça dans le sombre de la pièce seulement éclairée par les rais de lumières entre les lames des lourds volets de chêne. Au fond de la pièce, sans doute ce qui avait été un salon, ça chantait. Il reconnut même l’air. Une chanson enfantine où il était question de mousse. Il s’approcha se faisant le plus discret possible. Il passa le premier salon et entra dans la deuxième pièce. Plus de doute c’est d’ici qu’il venait. Il s’efforçait de faire le moins de bruit possible en marchant malgré l’antique parquet de bois. Il devait bien se débrouiller puisque la voix ne s’interrompait pas.
Il poursuivit…
Alors, dans le coin le plus reculé de l’immense pièce toute vide et presque noire, il se pencha et là, au plein milieu d’une flaque d’eau comme un lac, sans doute le reste d’une fuite de tout là-haut le toit, il aperçut, à genoux sur une boite vide d’allumettes comme sur un canoë, une pagaie empoignée ferme, un bandeau noir masquant son œil droit, une frontale sur la tête qui diffusait devant elle un minuscule trait de lumière, ramant de bon cœur pour rejoindre la rive, un minuscule mulot semblant chanter à tue-tête :


"Hey petit mousse ! Va comme j’te pousse ! Sur les flots bleus… "



Merci Marie-Pierre pour la photographie...


03 septembre 2014

La paix, dit cure.

Pour les Impromptus littéraires de la semaine. Il fallait construire un texte comprenant les mots ou locutions suivants: rosier nain, pédicure, insomniaque et pipe à opium.


Une petite pièce close, un bureau dans un des coins, un fauteuil, un vieux divan au confort divin chiné à Bali, une lampe en bois flotté, comme une attention, seul, plaqué au mur face au divan, le portrait d’un vieil homme barbu aux lunettes rondes et son mystérieux sourire... Ils sont deux humains dans la pièce, l’un est assis dans le fauteuil à la tête de l’autre qui est avachi sur le divan. D’une voix monocorde sans musique, presque en chuchotant, celui qui est assis :
___ Rosier nain ? C’est bien ce que vous avez dit ?
L’autre surpris :
___ Heu oui, c’est ce que ma femme voulait que j’achète pour le massif à l’entrée du jardin…
___ Et ça vous fait penser à quoi, rosier nain ?
___ Heu… Ben, dites, je ne suis pas plus bête qu’un autre, ni moins, vous savez… Dès qu’on va quelque part et qu’on dit rosier, forcément, on pense belles épines…
Il est coupé.
___ Je ne sais pas, moi, c’est vous qui savez, on peut penser fleur, senteurs, parfums, couleurs, vase, serres, cadeau, rouge, guerre, poésie, Ronsard… C’est vous qui parlez d’épines… Vous pourriez vous demander pourquoi il aurait  des épines ce rosier nain, là ?
___ Heu… mais c’est ma femme qui me l’a demandé nain, le rosier, c’est à elle qu’il faudrait poser la question…
___  Si je ne me trompe, ce n’est pas elle qui est allongée là, sur ce divan. Ce qui est intéressant, voyez, c’est savoir ce VOUS en pensez.
Il laisse planer un long et lourd silence dans la pièce, pendant lequel un nuage visible de pensées se forme au-dessus de la tête de l’allongé, puis reprend :
___ Oui ?
___ Heu si ça peut aider, je me souviens même du prénom du rosier qu’elle m’a demandé d’acheter. Oui, parce que ma femme donne des prénoms à ses plantes, elle les baptise avant de les planter et décide de les nommer. Le rosier, elle voulait l’appeler Somniak. Ça la faisait beaucoup rire :
___ Le rosier nain Somniak… Elle est bizarre, parfois ma femme, non ? Ça dort un rosier ?
___ Qu’est-ce-que vous en pensez, vous ?
___ Heu rien, juste ça me rappelle le jour où j’ai arraché son dahlia, dans le massif du fond, son dahlia Opium, elle était en colère, je m’étais trompé c’est le bouleau qu’elle voulait que j’arrache à cause des glands. Elle hurlait dans la maison mais pourquoi as-tu cassé la pipe à Opium, je l’aimait beaucoup, lui… Elle en a eu pour quinze jours à s'en remettre. Des fois, ma femme,  elle m’agace un peu avec ses plantes, son jardin et son chat. Cure. Cure qui ne semble dire qu’une chose puisque dès qu’on l’approche, il siffle, souffle et fait mine de mordre. Ah qu’il n’aime pas les gens, lui ! Fiche moi la paix dit Cure à tous et à chacun.
Il est à nouveau coupé et sèchement, cette fois :

___ Bien, nous allons en rester là pour aujourd’hui, nous nous revoyons mardi prochain. Vous me direz ce que chat Cure évoque pour vous… Une remarque: dites, quand vous écrivez: " Opium, je l’aimait beaucoup, lui...", vous me direz aussi pourquoi avez vous mis un thé à aimait... 
Et une dernière chose, les glands ce sont les chaines pas le boulot…



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