11 juin 2009

Un soir.

C’est le soir...
Dès le matin, la journée s'était acharnée à te coller un sac de sable sur chaque épaule plus un sur la nuque pour enfoncer le clou et, c'est donc en trainant des pieds comme une limace convalescente que tu finis de l'arpenter… Tu as eu beau ouvrir le frigo et engloutir des verres frais, tu n'es pas arrivé à faire baisser la température. Tu as eu beau t'échiner à te perdre dans le sombre de l'ombre, tu n'es pas arrivé à sécher ta chemise. Tu as eu beau t'éventer, comme une vieille andalouse, c'est toujours de l'air d'haleine qui a balayé tes joues...
Il a fait chaud, tout le long des longues heures du jour.
Dehors, les vols des hirondelles sont restés poussifs, ceux des papillons empruntés... jusqu'aux escadrilles de mouches qui n'ont décollé, ni des vitres, ni des abat-jours. Le goudron des rues était comme une glace molle à la réglisse et les arbres penchaient les têtes vers des caniveaux de poussières. N'ont manqué, que les incantations à la fin du monde d'un Philippulus barré... Pour une journée de canicule, ce fut une journée de haute canicule. Et puis, doucement, le soleil a commencé à plier les genoux, baisser la garde et se passer une éponge sur le front, les ombres se sont allongées, l'air est devenu sensiblement plus respirable, un vent léger s'est remis à souffler, on a commencé, de ci, de là, à entendre les gentils glaçons tinter dans les verres, les volets se sont entre ouverts, les persiennes décillées, les ifs ont redressé le faîte, les rouges gorges ont soupiré, les brins d'herbe se sont requinqués, bref, l'univers, un poil apaisé, s'est abandonné au soir naissant.
Un dernier verre et ce fut l'heure. On s'est enfilé un tee-shirt qui trainait, un vieux en coton usé jusqu'à la corde mais qu'on aimait porter parce qu'il faisait comme une deuxième peau. On a glissé ses pieds dans une paire de tongs fatiguée, ses fesses dans un short sans age et sans fermer la maison à clé, on est parti sur la droite du chemin maintenant à l'ombre de la haie. On a tourné à gauche après le grand pin maritime et on a attaqué la montée le mollet presque vif et la cuisse alerte. Le souffle un peu court pour ces premiers mètres, après le corps s'habitue et rembourse sa dette. On en a pour une bonne demi-heure à marcher en grimpant. On en profite pour s'en raconter, un peu. Se moquer, aussi beaucoup. On ne se presse pas, on sait le temps dont on dispose, et là on serait même un poil en avance ce qui nous permet de ralentir et d'attendre les moins rapides. On vérifie plus d'une fois qu'on a rien oublié, mais tout est là. Chacun a pris ce qu'il devait prendre. On se regarde et on se sourit. On est heureux d'être ensemble, à cet instant précis. On éprouve un bonheur profond à l'idée de l'heure qui vient et qu'on va vivre à plusieurs. On le sent à ces ondes qui passent entre nous et apaisent nos dernières inquiétudes. C'est une petite troupe calmement joyeuse qui a pris route et qui ne va pas tarder à arriver. Elle s'est faite silencieuse parce qu'elle sait, exactement, ce qui va se passer...
Elle sait que ce sera un beau moment. Un de ceux dont on se souviendra...
Un de ceux qui marquent, qu'on porte toujours sur soi, qui sert à se défendre contre tous les autres...
Et pourtant, nous sommes juste allés le regarder se coucher.



8 commentaires:

Anonyme a dit…

Bien belle balade en effet dont vous vous se souviendrez pour sûr...
Jolis ciels en Provence en ce moment ;-))
Bien à vous

Coquelicot

Unknown a dit…

les mots pour dire la terre qui revit...
les mots pour dire ce qui déjà sera un souvenir...

chri a dit…

Coq: Bonjour Coq! Ce ciel n'est pas un ciel d'ici, mais un des îles... Il se murmure que c'est le même!

Oui, La Bacchante comme tout, non?

Anonyme a dit…

C'est du lourd. De bien belles images, Chriscot.

chri a dit…

Anne of Nîmes: Lourd? Lourd?!
Merci à vous.

Anonyme a dit…

Vi ! Anne de Nîmes de Frontigoche !
Complétement liquéfiée sous la canicule de Bagnolet!

Anonyme a dit…

Porter ça sur soi, tes mots ont le ton de ce don.

Slev

chri a dit…

Slev: En plus, tu sais, ils sont légers comme des plumes! (Pas les mots, les moments!).

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