09 mai 2016

Mais, tous les lilas de Mai...

Je venais de faire le plein de gas-oil. 
J'avais de cette sale odeur plein les doigts, rien que pour ça on devrait rouler à l'électrique ou mieux, au jus de rose, et j’avais garé la voiture devant la boutique où l’on devait se rendre pour payer son dû. On était un dimanche, la route avait été sans encombre, j’aimais bien rouler le dimanche, la plupart des camions restaient à l'arrêt forcé sur les aires d’autoroute et je me sentais plus en sécurité quand ces énormes masses roulantes ne circulaient pas sur le trajet que j'empruntais. J’étais environ à la moitié de mon chemin, j’avais encore trois bonnes heures de conduite, le dos en compote et l'envie de boire un café. Je me suis étiré longuement puis extrait de la fournaise, ma carte bleue à la main,  la chemise trempée, je ne mettais plus la clim à cause de ce que j’avais lu sur ses méfaits mais je maudissais les conséquences de cette décision. On en était tous un peu là. À maudire la plupart du temps ce qu'on faisait mais à le faire quand même.
J’ai refermé la porte de la voiture et je me suis avancé vers la caisse.
C’est là que je l’ai vue. Debout, près de la porte, une cigarette dans des doigts, longue, fine, habillée élégamment d’une robe qui semblait si légère, un énorme bouquet de lilas mauves et blancs en bras, qu'elle avait dû couper chez une grand-mère, les lilas sont bien des fleurs de jardins de grands mères, en partie protégé par un vulgaire sac plastique  et un minuscule sac de voyage à ses pieds chaussés de talons assez hauts. Je lui ai juste dit bonjour en passant à sa hauteur, elle m’a renvoyé un bonjour vaguement souriant. Je suis entré et j’ai payé mon carburant, j’en ai profité pour prendre un double expresso malgré la machine récalcitrante qui m’a avalé trois fois le prix. Comme je me suis, évidemment brûlé les lèvres et les doigts avec le gobelet en plastique, j’ai reposé le tout et je suis allé aux toilettes. Un type les occupait déjà. Il venait de se rebraguetter après une longue pose satisfaisante devant un urinoir, quelques gouttes avaient même noirci son pantalon. Je l’ai dévisagé pendant qu’il s’aspergeait la nuque de flotte. Il était mal rasé, bedonnant, débraillé et faisait des bruits épouvantables avec sa bouche. Un vilain. J’en ai profité pour me rhabiller, me passer de l’eau fraîche sur le visage ce qui m’a fait un bien fou. C’est un homme quasi neuf qui est sorti, avant de récupérer mon gobelet encore fumant, j’ai regardé vers l’entrée. Elle était toujours là. Cette fois je la voyais de dos, elle m’a semblé encore plus élégante et remarquable. Toute une ribambelle de gens entraient et sortaient mais on ne voyait qu’elle, enfin, je ne voyais qu’elle. J’ai avalé mon café et je suis sorti.
Le type des toilettes me suivait de près. Il l’a attrapée par la taille et l’a embrassée dans le cou comme un tigre affamé se jette sur un morceau de viande. J’étais dégoûté, effondré.  Qu'une telle merveille puisse s'acoquiner avec un gars pareil m'a déprimé d'une force! Sous les assauts du goujat, elle souriait bêtement. À propos du bouquet, j'ai entendu le type lui dire : Tu veux pas les laisser là ? Ça pue tes trucs, c’est pas supportable.
Quand ils ont levé le camp, j’ai récupéré les lilas dans la poubelle et je les ai posés délicatement sur mon siège arrière.

Eux deux, si mal assortis, je ne les reverrais jamais mais ses lilas, tous ses lilas de Mai allaient embaumer le reste de ma route.






21 commentaires:

véronique a dit…

ah ! les beaux lilas de Mai ... vous les avez mérités Christian ! seront mieux chez vous !
Oh ! mais quel goujat.

chri a dit…

@ Ah lui, je l'ai détesté!




M a dit…

Déjà que, définitivement, le pantalon noirci ne donne pas la moindre chance de le garder quelque part au creux de la mémoire des beaux souvenirs, le voir suggérer de jeter les lilas... JETER LES LILAS
Et elle, bon, elle a dû avoir peur de finir la route à pieds... Mais j'en connais un qui se serait proposé !!!
Quand je suis arrivée, La Falèche était une ruine de ferme provençale, un régal. Dans sa cour, s'épanouissait un lilas magnifique, autant dire que je me suis sentie "à la maison". Quelques années plus tard tout a été rasé, à la place un mas à bobos Hollandais, une flopée d'oliviers, de lavande ET de clôtures bien sûr, bref ils ont remplacé le poème par un magazine... ma balade préférée est devenu mon détour favori !

chri a dit…

@ M On ne dira jamais assez le mal que font les hollandais bobos argentés à l'authentique!!! :-)

chri a dit…

@M Si c'est la maison à laquelle je pense il y avait dans l'angle un figuier qui donnait les meilleures du coin... Arraché le figuier... Finies les figues.

M a dit…

Elle est bardée, cernée que dis-je Fortknoxisée par des kilomètres d'une clôture de 3m de haut, on peut difficilement la rater !

chri a dit…

@ M Alors, ce n'est pas elle mais une autre aussi vient d'être "rénovée" Là où le figuier a été coupé... Elle fait l'angle avec le stop riquiqui au beau milieu du chemin de la Falèche côté Velleron.
Il y a une terrasse en bois surélevée dans la cour et une piscine creusée...

M a dit…

Je vois bien, on ne peut pas dire que ce soient de grands amis des arbres au vu de la coupe du beau platane pfff
Sinon la Faleche est dans la colline après le pont du même nom à environ 150m sur la droite facile à gougueliser :-)

chri a dit…

@ M Je m'en vas y faire un tour!!!

Anonyme a dit…

Quelle tristesse ! Pauvres lilas !
Un camarade syndicaliste Cégétiste de haute volée me racontait récemment avec quelle peine il voyait des salariées,des syndiquées " à la colle" je cite,parce que la vie est trop dure avec un seul salaire ou une allocation chômage(je le crois bien volontiers au regard des 400 divorces chez les Contis ou les Goodyer- je ne sais plus,mais ça revient au même hélas). Je ne leur jette pas la pierre quand je pense à certaines femmes de mon milieu ou presque qui font la même chose pour s'offrir leur piqure régulière de Botoxsans renoncer à leur zadig et Voltaire. Mais cette remarque n'est pas féministe du tout, car on oublie souvent(intériorisation du patriarcat?) qu'autant d'hommes sont à la colle pour les mêmes raisons.On comprend que ça va être dur de mener l'affaire Baupin à son terme.

Papy René

chri a dit…

@ Papy René comme je comprends qu'on se mette à la colle pour des questions financières... Colle location arrangée...
Baupin va prendre cher comme étendard... si je puis dire...

Nathalie H.D. a dit…

Ta photo est un délice. Ton texte m'a fait penser à "la femme à ce gros dégueulasse" du bistrot de Brassens.
Et pour rouler au jus de rose, je te propose une visite aux jardins de la rose et du parfumeur à l'isle !

chri a dit…

@ Nathalie Merci pour Lou qui a pris l'image,
Oh oui on peut penser à cette femme là.. Celle de Brassens
Je vais y aller, sentir les roses!

Pastelle a dit…

Hier j'ai pensé à vous, il y avait une branche de lilas qui traînait dans la rue. Je l'ai ramassée et mise dans un vase. :)

chri a dit…

@ Pastelle Sauvée, la branche!

Brigitte a dit…

Après la promenade en voiture les lilas ont certainement eu du mal à se remettre ...
Mais je comprends ce geste, les lilas sentent tellement bon !La glycine aussi et avant le vibunum carcéphalum ...Mon jardin embaume et moi je suis ravie et enchantée

chri a dit…

@ Brigitte Et le Pittosporum tobira...

Tilia a dit…

Impardonnable, les lilas dans la poubelle !
Cependant, à qui la faute ? Le type était peut-être allergique...
Ça existe l'allergie au lilas. Mais ce n'est pas une raison pour mettre le bouquet aux ordures.
L'offrir à une autre personne eut-été une attitude plus respectueuse. Quand on y réfléchit bien, si belle soit-elle, une nana qui se conduit ainsi ne mérite guère l'attention.
Bon, ce n'est que mon avis mais je le partage ;-)

chri a dit…

@ Tilia Quelle injustice! C'est LUI, le goujat qui a jeté le bouquet à la poubelle!!!

Tilia a dit…

Si c'est le type qui lui a enlevé le bouquet des mains pour le flanquer à la poubelle, ça ne change pas grand chose. La nana n'aurait jamais dû le laisser faire. Ce genre de comportement autoritaire, c'est la porte ouverte à tous les abus. Certaines femmes très belles sont quelquefois aussi très sottes.
Un mec comme ça, moi je l'aurais quitté sur le champ, avec perte et fracas.. et mes lilas sous le bras. Non, mais ho !

chri a dit…

@ Tilia Bien fait pour lui! Et bim!

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