01 novembre 2016

À deux mains.

Grâce au Ciel et à quelques autres trucs moins ébouriffants, demain sera encore un jour nouveau. 
Il commencera sans doute comme les quelques autres que nous vivons depuis notre rencontre voilà maintenant deux mois, par une de ces embrassades à deux corps dont nous avons percé le secret. Ce n’est que notre troisième nuit partagée mais à peine éveillés, ces deux là ont un besoin fou de se retrouver et de s’enlacer, de s’enfouir l’un dans l’autre.  Alors dans ces moiteurs, nos voix se parlent et se demandent avec une toute  douce bienveillance  si nous avons bien dormi, si nous ne nous sommes pas trop manqués, si de beaux rêves nous avons fait. Elles se demandent et se répondent, sur le même ton pendant que nos deux mains s’activent à nous réapprendre. Ce sont elles qui s’en disent le plus. 
Et le désir renait, puis s’endort puis renait à nouveau comme de longues séries recommencées d’intimes ultimités. Des mains en caresses,  des paumes de connivences, des doigts de découvertes comme une escouade d’explorateurs espagnols au cœur  des forêts amazoniennes. Bien entendu, j’avais été surpris quand un Pierre t’était venu au sommet de nos ébats. Paul, moi c’est Paul avais-je cru bon de rectifier puis nous avions repris nos assauts. Et de plus belle nous y étions retournés. Nous avions fini vaincus, épuisés, en sueur, l’échine courbée, les flancs battus, hagards.
C’est la faim qui, plus tard, nous sortira du lit, enfin de ce qu’il en resterait, un champ de douces batailles devrait-on écrire si on voulait tenter, un tant soit peu, de s’approcher de la vérité. Puis douchés, repus, nous avions remis les pieds dans le monde réel. Je m’étais rhabillé, je l’avais embrassée tendrement quelques fois encore, comme pour garder son gout d'amande verte sur mes lèvres et j’avais replongé dans la rumeur et l'agitation sans frein de la ville. Nous étions sortis ensemble de l'immeuble. Je ne lui avais pas demandé ce qu’elle avait bien pu fourrer dans son immense sac. Je lui avais seulement murmuré: Vivement ce soir, mon bel amour.
En attendant, au soir, mon amour si neuf, tu n’es pas encore rentrée. Tu devrais l’être depuis, environ une heure. Ton portable reste silencieux. Mes sms ne semblent pas t’atteindre. Se perdent-ils dans l’air ?
Tu as pourtant quitté ton bureau. Une demi heure avant l’heure m’a-t-on dit. Une voiture t’attendait, paraît-il. Une berline noire.
Tu t’y es engouffrée. On t’a vue. Un homme la conduisait. En trombe, elle a démarrée, la berline.
Depuis, rien. J’attends. Dans le silence.
J’attendrai, jusqu’aux jours d'après demain. 
S’il le faut.





8 commentaires:

Anonyme a dit…

A tous ceux qui attendent désespérément le retour d'une âme aimée,qu'elle soit perdue dans les eaux méditerranéennes, dans les terres d'Ombrie, au Bataclan ou dans nos plus intimes demeures, je livre ces mots de Simone de Beauvoir:

"La plus haute des tâches, celle à laquelle on ne peut se soustraire,c'est vivre et être soi.Mais vivre n'est pas une passion simple, c'est un devoir,un travail,une épreuve,une oeuvre."

Papi René

chri a dit…

@ Papi Je suis entièrement, intimement, d'accord avec Madame Simone.

Anonyme a dit…

Moi aussi. dans ton texte on sent que l'amant sera une sentinelle éternelle. C'est bien d'avoir renouvelé ce thème et d'avoir allégé la charge émotionnelle de la journée en choisissant l'ellipse de l'amour éternel.J'ai failli faire une allusion à Tristan.
Chapeau !


Papi- qui- jardine

chri a dit…

@ Oh Papy... Tu me ravis!!!

Anonyme a dit…

Exceptionnellement, je n'ai pas la moindre connerie à dire, alors je me tais -)
Marie

chri a dit…

@ Marie Je ne sais pas comment le prendre! :-)

Tilia a dit…

Son bel amour a été kidnappé, ligoté et bâillonné sur la banquette d'une berline qui fonce à vive allure vers la frontière.. L'amant, désemparé par le silence d'un portable éteint, espère un miracle.

chri a dit…

@ Tilia Ah oui c'est aussi possible. :-)

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