08 mars 2017

Trente cinq tonnes.

Tu vois Cat, pour moi, désormais,  l’amour n'a pas plus d'importance qu'une poussière dans l’œil…
Ça gène, ça dérange, mais ça n’empêche pas de voir…
La vache, tu ne vas vraiment pas bien toi ! Qu’est-ce que c’est que cette connerie, Paul ? Tu en as d’autres comme celle-là en magasin ? L’amour une poussière dans l’œil ? Qu’est-ce-qui t’arrive, mon Paul ? Tu traverses une mauvaise passe, tu nous fais quoi, Paul ? Toi, d’ordinaire si enjoué, si prompt à partir en goguette, si enclin à la légèreté. Depuis combien de semaines es-tu dans cet état lamentable, Paul ? Depuis combien de mois  pleures-tu pour un oui, pour un non, ne nie pas, je t’ai vu en verser une à un épisode de Plus belle la vie l’autre soir… Depuis des semaines tu larmiches à la moindre mauvaise nouvelle et Dieu sait qu’on en entend davantage de mauvaises que de bonnes en ce moment. Je les vois tes hoquets, que tu veux cacher, je les vois ces larmes essuyées, vite fait, à la fin des films, avant que la lumière revienne et ces pauses que tu prends entre deux pages d’un livre... Tu as consulté, tu es allé voir quelqu’un, comme on dit pour un psy ? Tu t’es demandé ce qui t’arrivait, au moins ? Hé bien, figure-toi que moi, je sais ce qui t’arrive mon petit Paul, je vais te dire ce que je crois qu’il t’arrive et je pense n’être pas très éloignée de la vérité vraie: Excuse moi d’être si crue, si directe : Tu es seul depuis bien trop longtemps, voilà ce qui se passe. Tu tournes en rond entre toi et toi. Tu ne t’occupes que de tes petites affaires, tes humeurs, tes petits rhumes, tes ridicules douleurs articulaires, tes rituels, tes habitudes, tes manies. Tu es devenu une manie à toi tout seul, Paul. Il te faut sortir, voir du monde, aller au devant des autres et même des ennuis Paul. Il ne faut pas que tu restes là, éteint, muet, comme un ours en décembre. C’est mauvais pour ta santé mentale, Paul. Bouge toi les fesses mon Paul, sinon tu vas mourir, tu vas te dessécher, te rabougrir, te racornir, te recroqueviller comme une pomme qui pourrit. Tu vas te fermer et n’être plus accessible à personne Paul. Voilà ce qui t’attend. Et je ne parle même pas d’huitres.

L’amour,  mon pauvre Paul, ce n’est pas juste une poussière, fût-elle dans le milieu de l’œil, l’amour, c’est un fracas, un tremblement de terre, un tsunami, une éruption volcanique, l’amour c’est un tanker  rempli à ras bord qui ne freinerait pas au port, c’est un train de marchandises qui ne s’arrêterait pas au terminus, c’est un trente cinq tonnes bourré jusqu’à la gueule de sable blanc qui manquerait le virage devant ta maison, traverserait ton séjour, arracherait tes barrières, défoncerait tes murs, dévasterait ta pelouse, et finirait sa course folle en s'affaissant, fumant, suintant, couinant aux pieds d'un bouquet de pivoines. 
Bienheureux celui qui sort dans son jardin pour assister au spectacle. 
Il est, alors, si vivant.


16 commentaires:

Anonyme a dit…

Ca c'est l'amour romantique. C'est fatiguant et ça ne dure pas. Hélas je n'en aime pas d'autre ! Mais je vois que la tendresse pépère et routinière sans trop de libido dure très longtemps :)
C'est d'un triste, n'est-il pas ? :)

Papy


PS: j'aime bien la phrase de Claude Roy que tu as citée jadis :" Il faudrait pouvoir aimer qui on aimera quand on n'aimera plus." Je l'enseignais à mes élèves dans mon cours sur l'amour. Je leur citais aussi cette formule de Lacan :" Aimer c'est donner ce qu'on n'a pas à qqn qui n'en veut pas". Ils avaient de quoi remplir leur sac à dos et discuter le soir à la maison avec leurs parents au lieu de regarder Pujadas ou Hanouna :)

chri a dit…

@ Papy Il y a aussi, que j'aime bien pour sa drôlerie: Dans un couple il y en a toujours un qui souffre et un qui s'ennuie. :-)

Tilia a dit…

L'amour, l'amour, toujours l'Amour...
Et la tendresse ? Bordel !
1979, je sais bien que c'est loin maintenant (gros soupir) et en plus j'aimais bien Bernard Giraudeau (snif-snif) et voila que j'ai la larme à l’œil, c'est malin ça !

chri a dit…

@ Tilia L'une n'empêche pas l'autre... Et votre main?

M a dit…

C'est bien la première fois qu'une série de catastrophes me fait sourire ! J'en profite pour dire qu'un 30 tonnes qui s'arrête devant le bosquet de pivoines ne peut qu'attirer tout mon respect !!!

Cal ? Comme Œil de Perdrix ?

Sinon, ici on parle d'amour, pas de couple (je dis ça....) et si on parle de couple il y a celle-ci : "Dans un couple, tous les sacrifices sont possibles et acceptables, jusqu'au jour où l'un des deux s'aperçoit qu'il y a un sacrifice "
Et si on parle d'amour : " plus l'amour est nu, moins il a froid "

chri a dit…

@ M Je suis bien d'accord Vive les pivoines!!!
J'aime bien tes deux citations, aussi!

Tilia a dit…

Ma pattoune, j'en touche deux mots dans le 22e écho de mon billet. Et depuis aujourd'hui je commence la gymnastique des doigts en faisant des "grattouillis" comme me l'a recommandé le toubib, mais les tendons du dos de la main renâclent et c'est un peu douloureux. Enfin, dans l'ensemble je n'ai pas trop à me plaindre, cela aurait pu être pire !
Merci pour votre attention et bonne fin de journée

chri a dit…

@ Tilia De bonnes nouvelles alors! Bon courage pour la rééducation...

odile b. a dit…

"Bienheureux celui qui sort dans son jardin pour assister au spectacle. Il est, alors, si vivant"... Même derrière les carreaux, ce spectacle exerce son pouvoir.
J'ai peut-être rien compris encore au symbole qui se cache sous vos trente tonnes de sable. On le sait, ceux qui "tombent amoureux" en font parfois "des tonnes"... Je n'aimerais pas, pour ma part, que ça m'amène "un trente tonnes de sable au pied de mes pivoines" ! Une tonne, c'est trop, ça les enfouirait, les pauvres... Et puis... le sable ça pique les yeux... et même, ça endort... Plutôt, alors, avoir l'œil ouvert et regarder ça à travers un filtre de son choix, un filtre qui adoucit... ;-)

"Mais la nature est là qui t'invite et qui t'aime ;
Plonge-toi dans son sein qu'elle t'ouvre toujours ;
Quand tout change pour toi, la nature est la même,
Et même le soleil se lève sur tes jours."
qu'il disait Alphonse, dans ses méditations poétiques ("Le Vallon")
C'était même tellement fort, pour lui, que ça lui faisait couler des larmes de grand romantique... Mais ces larmes de contemplation, on le sait bien, c'est le plus puissant "dacryosérum" qui protège de l'irritation. Pas besoin de vider le flacon qui, pourrait, du coup, rendre aveugle pour de bon :)

odile b. a dit…

PS
J'ai la berlue, ou quoi ?
En passant vite, j'avais cru lire : "Trente tonnes" et là je vois : "Trente CINQ tonnes"...
CINQ de plus, ça fait un peu beaucoup, non ???... N'en jetez plus... Faut pas charrier, quand même !!!... :)))

chri a dit…

@ Odile Peut-être que quand le marchand de sable passe on s'endort alors qu'en amour c'est ce qu'il faut éviter...
Trente, trente cinq on n'est pas à cinq tonnes près, non? (Et puis il m'a semblé qu'on parlait d'un trente cinq tonnes, aussi...) Promis je n'en rajoute plus...

chri a dit…

PS Il s'arrête pile devant les pivoines, ce sont elles qui l'arrêtent, en fait. Un bouquet de fleurs contre une dévastation... si ce n'est pas du pacifisme, ça!

odile b. a dit…

Je dirais même plus : c'est un miracle !
Vous alors... Toujours la répartie salvatrice... :-)
On se calme, on se calme ! Aux pieds Médor ! Sage ! Couché, Médor ! Gentil, Médor !... :)))


chri a dit…

@ Odile je préfère ne pas savoir qui est Médor!!! :-)

Pastelle a dit…

Une très belle note.
Mais avec l'âge l'amour, même fou, s'arrête devant les pivoines avant d'avoir dévasté la maison. Du moins je l'espère.
La première partie me fait penser à Jeff. C'est beau, l'amitié, aussi.

chri a dit…

@ Pastelle: Oh Merci...
Jeff, le Jeff de Brel? Belle référence, merci!!!

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