02 septembre 2018

Ils savaient

Ils n’étaient pas dupes, ils savaient que depuis quelques années, déjà, le monde en général et les médias en particuliers se foutaient pas mal des tentatives de ce genre. Tout avait été atteint plusieurs fois partout par tous dans chaque saison possible dans toutes les configurations possibles. Légers, lourds, avec ou sans air, seuls ou en groupes, en binômes, de nuit, de  jour, en famille... Alors, à force, les gens avaient fini par se lasser de ces aventures pour se tourner vers d’autres exploits et les sponsors si généreux aux débuts avaient quitté le navire pour s’en aller arroser d’autres doux dingues et espérer des retombées plus enrichissantes. 
Ils savaient que, financièrement, ils n’avaient pas le droit à l’erreur. Ils avaient été obligés de s’endetter plus que de raison pour mener à bien leur affaire. Les billets d’avion coûtaient une blinde, l’hébergement, les droits, les salaires de l’équipe, les portages, la nourriture, la location du matériel, une autre. Et les imprévus une troisième. Pour ces deux gars c’était lourd. Sans la certitude de réussir. C’est dire s’ils ressentaient une pression particulière. Ils avaient hypothéqué leurs baraques, les principales et les secondaires. S’ils échouaient, et s'en sortaient vivants, ils se retrouveraient sur la paille et leurs familles avec. Leurs nuits étaient blanches depuis plusieurs semaines.
Ils savaient que ce ne serait pas une simple partie de plaisir, ils le savaient parce qu’ils avaient déjà échoué à trois reprises. Ils y étaient déjà allés, là-haut. Ils en avaient même ouvert des voies Ils s’étaient coltinés à toutes les difficultés et elles étaient nombreuses. Il fallait être dans une forme optimale, tant mentalement que physiquement. Ralf y avait laissé trois orteils du pied gauche lors de la deuxième tentative. Tout bien considéré, il s’était dit qu’il ne s’en était pas si mal sorti. Deux orteils au lieu de la vie. Ça valait le coup de tenter une quatrième fois. Ses proches dont sa femme avaient bien essayé de l’en dissuader, mais elle avait échoué, elle aussi.
Ils savaient les traces que les précédentes tentatives avaient laissé dans leurs esprits et dans leurs organismes et quand certains soirs ils se regardaient avec honnêteté, ils savaient qu’ils n’étaient plus les mêmes qu’il y a dix ans lors de leur premier échec. Ce qu’ils avaient perdu en fougue, ils disaient l’avoir gagné en expérience et en maturité mais est-ce-que ça s’équilibrait VRAIMENT ? Ils savaient qu’ils n’étaient plus de la toute première jeunesse, ils avaient laissé en route des forces, des enthousiasmes, des déterminations.
Ils savaient que la fenêtre météo serait extrêmement réduite, qu’ils ne disposeraient que de deux, trois jours favorables tout au plus, qu’il faudrait viser juste ces jours là. Peut-être n’en auraient-ils pas tant. Peut être que cela se compterait seulement en heures. Peut-être même que la fenêtre ne serait qu’un minuscule soupirail qu’il ne faudrait surtout pas manquer.
Ils savaient parfaitement tout ça. C’était très clair dans leurs deux esprits.

Alors, bordel de merde, est-ce que quelqu'un peut m'expliquer pourquoi il a fallu qu'ils y montent quand même ?


4 commentaires:

Brigitte a dit…

Non !L'appel de la montagne plus fort que tout ?...

chri a dit…

@ Brigitte J'imagine ça comme ça, oui.

M a dit…

Mis à part qu'ils ont dû remplir un gros plus la colonne positive, jusqu'à y loger une bonne dose d'égo, c'est aussi une jolie métaphore de tout ce qu'on sait être mauvais dangereux ou malsain et qu'on fait quand même...

chri a dit…

@ M oui c’etait L’idee du dessous!!!

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