Ce sont trois jeunes jeunesses qui, dix minutes avant le départ ont pris le wagon d’assaut. Elles ont déboulé salle haute, adolescentes, volubiles, souriantes, enthousiastes, excitées et américaines. Elles pouffaient pas mal, parlaient fort, éclataient de rire souvent, surjouaient tout le temps avec cette agaçante énergie que peuvent avoir parfois les nords américains, en étant souvent trop tout. Tout, pour elles semblait merveilleux, amazing, crazy, cute à nous faire redécouvrir l’émerveillement insensé d’être assis terré dans un wagon Ouigo en fin de vie.
Ici, la vérité, enfin la nôtre, c’est que c’était vieux, sale, abimé par le temps, les allers retours innombrables, le ménage rare et les voyageurs indélicats. Ici, c’était terne et pour tout dire objectivement moche. Nous aurions pu, tous voyager dans un wagon de première que ça nous aurait procuré un plaisir inouï. Et ces trois jeunes filles là, en quelques éclats de phrases avaient rendu cet endroit lumineux et embelli le trajet à venir. Et puis une fois leurs bagages rangés, une fois leurs vestes enlevées il y eut cette annonce : En raison de problèmes techniques : que le conducteur va s’empresser d’essayer de résoudre nous ne partirons pas à l’heure. Nous nous excusons pour cette gène occasionnée bla bla bla… Alors ma voisine a gentiment expliqué aux adolescentes ce qui se passait dans leur langue.
Il n’y eut qu’elles dans tout le compartiment pour trouver ça cute, formidable. Dans l’air flottaient des relents de rougne et commençaient à monter des : Ah bravo Ouigo, ça commence, pas déjà partis qu’on est déjà arrêté, comme d’habitude on sera en retard, en somme l’habituel, le commun, le banal, le rien venant. Nous étions aussi prompts à râler qu’un coureur de cent mètres à arriver. Alors une autre annonce est venue troubler leurs gazouillages : « Mesdames et messieurs les voyageurs, l’attente avant le départ sera sans doute plus longue que prévue vous pouvez descendre sur le quai mais ne vous éloignez pas. » Elles piapiataient fortement quand elles ont commis l’erreur qu’il ne fallait pas commettre. Elles ont décidé de descendre pour aller acheter de l’eau. Elles n’ont pas compris ne vous éloignez pas, nous allons repartir sous peu…
Quelques minutes après, le silence revenu dans le wagon du fait de leurs absences, le train, d’un coup, s’est ébranlé. Nous allions partir, nous partions, sans elles à bord. Leurs bagages désormais seuls, abandonnés. Nous nous les sommes imaginées revenir leurs bouteilles à la main ne trouvant plus leur train le long du quai. Leurs désarrois, leurs inquiétudes leurs paniques. Une vague d’empathie nous a douché. Les pauvres. Puis le réel est revenu. Heureusement elles n’étaient pas parties sans leurs sacs à mains, donc pas sans portable, ni passeport. Elles allaient pouvoir communiquer, on allait pouvoir les joindre. On a regroupé leurs sacs et valises et on a couru en toucher deux trois mots avec les contrôleurs. Les choses se sont organisées et cette fois on peut ne pas bavouiller sur l’entreprise. Les contrôleurs ont été parfaits. Elles ont été jointes, elles ont été placées sur le train suivant, leurs affaires ont été surveillées puis débarquées à leur arrivée et trois billets ont été émis pour atteindre leur destination. Leur voyage ne serait bientôt plus qu’une péripétie à raconter, qu’un souvenir joyeux qui, cependant fait un peu peur, qu’une aventure qui se termine bien mais pas un scénario niais d'un film de Liam Neeson.
Et qui plus est, il faut quand même avouer que, dans le wagon, leurs absences n’ont pas fait de tort à grand monde, certains qu’elles allaient bien nous casser les oreilles avec leurs enthousiasmes énervés.
Trois heures de trajet dans un wagon calme semble déjà long, alors les oreilles vrillées... Enfin calme... Il y eut bien cet épisode de début de bagarre avec interventions des contrôleurs puis de la police des trains pour une conversation téléphonique trouvée trop bruyante...
La magie des voyages qui, parait-il, la forment, la jeunesse, mais à condition qu'elle monte dans le train...
2 commentaires:
Du vécu bien raconté, comme toujours ;-)
Bravo et merci
Oh merci à vous Tilia!
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