09 décembre 2012

Galante Marie.



Il n'y avait que trois liaisons par jour, une le matin, une le midi et une le soir. Nous y sommes arrivés par celle du matin.

Pendant la traversée, nous avions eu une bonne heure pour la voir d'abord se dessiner sur l’horizon, puis exister tout en s’en approchant lentement. Il n’y avait pas grand monde sur le pont et la mer était calme. Une bande de dauphins joueurs nous a même accompagnés en sautant hors de l’eau pendant un long moment puis ils sont partis jouer ailleurs. La vitesse du bateau provoquait une légère brise qui nous empêchait d’avoir trop chaud bien que le soleil soit déjà assez haut au dessus de nos têtes nues. Le ciel était habité de troupeaux de nuages qui disparaissaient et se reformaient aussitôt. 
À cause du bruit du moteur personne ne se parlait. Tout le monde avait plus ou moins les yeux dans les vagues. Certains au fond des sacs en papier... Moi, j'essayais de mémoriser le plus possible de secondes de ce que j'étais en train de vivre et je me les collais dans les bajoues de la mémoire comme un hamster avec ses graines, en prévision des longs mois d'hivers qui, malheureusement, ne manqueraient pas de venir...

Nous avons accosté dans une manœuvre limpide et le débarcadère a été envahi. Les rhétais qui étaient là depuis la veille avaient pris possession du bateau qu’ils avaient loué pour trois jours et nous attendaient au mouillage. Ils avaient dormi dessus et d’après leurs premiers commentaires il dormait bien. Nous avons déposé nos sacs à bord et nous sommes allés faire un tour au marché de Grand Bourg.

J’y ai acheté un bob. J’étais venu sans et le jour en bateau aux Antilles sans avoir la tête couverte c’était un coup à peler du cerveau. Je l’ai choisi rose pour qu’il se détache bien sur le bleu, j’ai évité la demi-mesure, le bob honteux. En fait, je n’ai pas acheté un bob, je me suis offert LE beau bob. On a voulu voir ce que ça donnait. Je ne le mettrais que sur le bateau j’ai dit en le fourrant dans mes poches… Nous avions suffisamment l’air de touristes comme ça. Nous avons acheté quelques fruits, une ou deux bouteilles de rouge, et de quoi manger pour les jours à venir. Puis, nous avons regagné le bateau et nous avons appareillé. L’alizé était établi, la mer calme, nous avons longé la côte vers Saint Louis. Dans l’air, s'est mis à flotter une odeur de caramel qui venait de la sucrerie de grand anse. Plus loin, vers Folle Anse, M. nous avait promis qu’il y en avait quelques unes sous la troisième pile du ponton qui servait aux vraquiers à accoster pour être gavés de de cannes et s'en aller remplis jusqu'à la bouche. 
___ Elles sont à environ sept huit mètres de fond. Il y en a toute une bande.
___ Tu connais leurs prénoms? On a demandé. Rigolez, rigolez a-t-il dit... Si tout va bien on devrait se régaler ce soir... Ça n'était pas une forfanterie et ça avait le ton d'une promesse.

On a jeté l’ancre à quelques battements de palme de là. On s’est équipé, on a sauté à l’eau et on est allé voir… On en a remonté trois de bonnes tailles. Maintenant, il n’y en a plus que des petites. Les nôtres, elles reposent dans la glacière du bord alors que nous faisons route vers la plage de Grand Anse. Une longue moquette de sable blanc bordée en haut par quelques cocotiers penchés par les vents et en bas par un turquoise frisottant. Comme sur google images! Nous avons mouillé à une bonne distance de la plage à la verticale d’une roche plate. 
___ Dessous la pierre, en principe, il y en a aussi a dit M. 
Et trois qui font six. L’apéritif du soir serait somptueux. Il le fut. Après quelques bains, une ou deux bières, quelques plongeons, un débarquement en annexe juste pour fouler le blanc de la moquette et ramasser des coquillages comme des trésors ensevelis, le soleil a commencé à s'approcher l’horizon. Ils se sont mis à flirter tous les deux.  Le ciel s’est poudré de rose comme les joues d'une ingénue et le jour est tombé d’un coup comme une mauvaise idée de la tête d'un imbécile. La nuit s’est installée maintenant chez elle. De la plage, nous arrivaient les chants lancinants des crapauds et, si la température avait baissé, elle restait bien au dessus de désagréable. Un tee shirt suffisait à nous éviter de frissonner.

Celles qu’on avait attrapées elles aussi, oui, frissonnaient mais dans un faitout. L'odeur qui montait de la cambuse nous aiguisait les papilles. Nous étions six. Parfait. Une chacun plus une pour le cuisinier. Avec les ti-punch, du riz pilaf, puis du rouge. La nuit, sous ce ciel des caraïbes étincelant d’étoiles, s’est annoncée... supportable.

Et les jours qui viendraient, pareil…

En se léchant les doigts, d'un air détaché, l’un a dit : Bien sûr, elles sont bonnes comme ça, mais moi, je les préfère grillées, les langoustes…




16 commentaires:

Tilia a dit…

Histoire vraie, LE bob témoigne :)
Réjouissante en tous cas, vu la grisaille actuelle sur l'IDF !

Voulu ou non, je trouve très poétique le bateau qui "dormait bien". Quant au "comme " de trop, je vous laisse juge ;-)

chri a dit…

@ Tilia Parfois on a le nez dessus et on ne voit pas les tâches!
Histoire vraie?

Tilia a dit…

Rêve ou réel souvenir
ça fait du bien à lire :)

chri a dit…

@ Tilia Et ça réchauffe a écrire!

M a dit…

J'aime bien l'idée d'aller se réchauffer avec un confeti antillais, du moins les souvenirs qui s'y collent !
Joli bob !

chri a dit…

@ M N'est ce pas que c'en est un beau de bob?
On se réchauffe comme on peut!!!

odile b. a dit…

Ah qu'il est beau
au bord du beau bateau
le bob du beau Boby ! :D

chri a dit…

@ Odile Donc, vous le froid ça vous met d'humeur joyeuse!

odile b. a dit…

Non ma foi , c’est pas le froid qui me met en joie...
célebobacriii ii !!!... :D)

Brigitte a dit…

Et quel bob ... Superbe ,surtout ne pas peler du cerveau !!!

chri a dit…

@ Odile Pour le même il faut aller au marché de Grand Bourg sur Marie Galante!!!
@ Brigitte Il était idéal pour ça mais je me demande s'il n'a pas échoué!

véronique a dit…

c'est exactement ce que j'avais envie de lire aujourd'hui Chri ! en regardant par ma fenêtre le ciel gris, le petit froid sec qui file sous les portes, la nuit déjà tombée .. les tristes lumières de noël :o(
bref l'hiver s'est installé !
alors votre petit chapeau rose (qui fera une heureuse peut être bientôt ! ) et les parasols me réchauffent le coeur
Merci Chri, merci !

odile b. a dit…

Je viens de passer commande sur le net
Cétoubon : je l'auwé pou la Nowël !
Waooohh !!... :D)

chri a dit…

@ Odile Soyez prudente l'abus de beau bob à bibi peut être nuisible à la santé...

@ Véronique Pour une fois! comme je suis content!!!

Laurence a dit…

Et bien moi j'adore la simplicité et l'évidence du bien-être qui transpirent de ton histoire ! Mmmmm, quel plaisir alors qu'il fait déjà nuit et froid ici !!!

Merci Chri !

chri a dit…

@ Laurence Merci! C'était bon à vivre ces moments là...

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