16 décembre 2012

On ne s'enlace pas.

Il lui arrivait parfois de se demander: Mais pourquoi moi? Qu'ai-je donc fait de si terrible pour en être arrivé là où j'en suis? Quelle punition ai-je mérité?
Ça lui venait surtout certains soirs de grande fatigue et le plus souvent c'était des soirs d'hiver où il n'avait rien vu du jour, enfin, aucune lumière solaire. Que des néons électriques ou des ampoules au tungstène. Ça lui venait les soirs de grands froids, de ceux qui serrent les coeurs et enfouissent les mains au fin fond des poches, de ceux qui mordent les nez, font relever les cols et disparaitre les cous. Ça lui venait et puis ça finissait par passer. Mais en attendant, c'était là, il lui fallait vivre avec et vaguement tenter quelques ébauches de réponses.
Un peu plus de vingt ans (20) que ça durait. Vingt ans, maintenant qu'il n'avait pas cohabité avec quelqu'une dans un même espace et pour une durée prolongée. Il se le disait comme il le pensait: Il en avait parfois marre de vivre seul.
Ces jours là, ces heures là, ça ne le faisait plus sourire. Il trouvait ça lourd. Injuste voire injustement lourd.
Et pourtant, il les voyait dans les rues ces couples improbables se donnant la main, s'attrapant le coude, marchant côte à côte. Il les regardait bien au restaurant ces gens ensemble, en têtes à têtes plus ou moins silencieuses, plus ou moins souriantes. Il les voyait s'engueuler pour un rien et se parler comme on ne parlerait pas à son pire ennemi. Il les voyait, ces femmes qui s'adressaient à leurs hommes comme s'ils étaient des enfants de maternelle. Il sentit bien la tension qui pouvait faire fondre le goudron de certains parkings à propos d'un créneau plus ou moins réussi.
Il avait parfois envie de ça, lui aussi. Il avait envie de rentrer chez lui et d'avoir quelqu'un à attendre. Ou même d'être, un peu attendu. Hé bé non!
Qu'avait-il de moins que tous ceux là qui avaient trouvé une chaussure, même si elle n'était pas tout à fait de la bonne pointure, mais, au moins, ils n'allaient pas nus pieds? De quelle tare était il, lui, atteint pour subir cette malédiction?
Sentait-il si mauvais? Etait-il si moche, dépravé, alcoolique, mauvais, impatient envahissant, irrespectueux, violent, insatisfait, égocentrique, superficiel, exigeant, intransigeant, colérique, insensible, bestial, avare, menteur, stupide, inconséquent, sinistre, borné, moyen-ageux, demeuré... Où donc était l'obstacle, le frein, l'empêchement?

Comment se faisait-il qu'avec lui on ne s'enlace pas? 
Certains soirs, lui, s'en lassait...


6 commentaires:

Brigitte a dit…

Ahhhh va savoir pourquoi ???...

M a dit…

"Il est des soirs où on tente de noyer certains chagrins dans la vodka, et où on se rend compte que ces salauds savent nager" Sylvain Tesson
Il y a aussi des jours, avec leur gueule moche, qui font des chansons qui visent juste.
Il y a des moments où parler des trains qui arrivent à l'heure ferait un bien fou...
Mais la palette est si large que colorer de ces couleurs blues rend le tableau encore plus délicat.

chri a dit…

@ M Sacré Sylvain! Sacré Allain! Sacré Loco! Sacré Vincent!

Anonyme a dit…

On s'enlace pas,mais on s'entoure, on s'entraide.
Joli texte doux amer.
cr

véronique a dit…

comment dit on déjà ? mieux vaut être seul que mal accompagné .. un truc dans le genre !

large débat !

encore une histoire triste Chri, vous êtes terrible

chri a dit…

@ Véronique: Une pas très drôle et une rigolote, j'ai équilibré!

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