07 août 2015

Pourquoi elles?

Alors que la boutique allait fermer, j'ai reçu ce texte, elle est restée ouverte.

Elle avait beau réfléchir, elle ne comprenait pas. À chaque fois qu’elle y pensait, elle finissait presque toujours par se dire : Je ne comprends pas.
Elle essayait de se consoler en se disant que c’était quand même difficile à comprendre : Quoi, comment une fille comme moi, n’arrive à trouver un type gentil avec qui vivre. Quand je dis une fille comme moi, n’allez pas croire que je me crois sortie de la cuisse de l’autre, là. Mais je me connais un peu, ça m'a coûté assez cher, je vois les autres, je les regarde, elles m'intéressent et je sais que je ne suis pas inadaptée au point de ne pas me trouver un type gentil avec qui vivre. Et je dis bien vivre. Habiter le même endroit, sous le même toit, je ne parle pas forcément de dormir dans le même lit tous les soirs. Juste habiter avec lui, partager le quotidien, faire des choses ensemble. Manger aux mêmes heures, assis à la même table, se demander le soir qui prend la douche en premier, est-ce que tu as des trucs à laver, je fais une machine, on pensera à acheter du sopalin, il n’en reste plus qu’un rouleau, as-tu fait le plein de la voiture, hier la réserve clignotait quand je suis rentrée… Enfin des questions qui se posent à propos de choses de la vie réelle, de celles qu’on évoque ensemble, quand on habite sous le même toit. Dis, demain soir je n’ai pas très envie de sortir on pourra annuler ? Comment peux-tu savoir, ce soir, que demain soir tu n’auras pas envie de sortir ? Et non on ne peut pas annuler, on a déjà annulé une fois, ils vont finir par se fâcher si on continue. Ce serait bien. Ce serait bien quoi ? Qu’ils se fâchent ? Des amis comme eux on n’en a pas douze donc il vaut mieux qu’on les garde, ceux là. Bien sur, ils sont un peu lourds parfois mais crois moi, ils nous ont bien aidé… Ne serait-ce qu'à ne pas devenir comme eux et s'engueuler en public par exemple... Mais il y avait un match demain soir, Hé bien tu le regarderas en rentrant, pour une fois, tu n’en mourras pas. Et puis si ça se trouve, tu vas passer une très jolie soirée… Allez viens, s'il me plait. Bon je viens mais c'est pour être avec toi, alors...
C’est certain tout ça lui était absolument étranger. Quand elle rentrait le soir, elle donnait des croquettes au petit noir qui lui tournait entre les jambes parce qu’il réclamait, qu’il avait faim, pas parce qu’il était content de la voir. Elle n’était pas dupe, non plus. Et puis, c’en était fini de sa vie sociale qui se bornait à dire à un chat : Voilà, voilà ça vient t’es chiant, tu pourrais y mettre les formes. Plus une parole à un autre jusqu’au lendemain. Ensuite, si l’envie, la fatigue de la journée, son souhait de se débarrasser des toxines du jour, sa volonté de se changer ne l’obligeait pas à passer sous la douche, elle n’y allait pas, voilà tout. Elle ne devait sentir bon pour personne d’autre qu’elle même. Tout ce qu’elle faisait de l’ordre du domestique elle ne l’accomplissait que pour elle-même et elle ne comprenait pas pourquoi elle. Pourquoi moi disait-elle souvent.
Je ne suis pas moche à ce point là ? Je ne suis pas stupide à ce point là ? Je ne suis pas chiante à ce point là ? Je ne suis pas exigeante au point de n’en pas trouver UN seul, quand même. Il fallait croire que si.  Elle en voyait bien certaines  dans la rue,  le sourire un peu niais,  bras dessus bras dessous avec des types vaguement quelconque. Oui, sans doute, mais avec un gars au bras. Elle se demandait bien, parfois mais celle là qu’est ce qu’elle a de plus que moi, elle là qui passe ? Comment fait-elle ? Pourquoi pas moi ? Oui, même avec ce type là, il a l’air plutôt gentil, celui-là.
Bien sur, il y avait cet amant qui venait la voir de temps à autres, de moins en moins souvent maintenant que sa femme était en préretraite… Remarque il ne lui avait pas menti, jamais, il lui avait toujours dit qu’elle ne serait jamais qu’une parallèle, une merveilleuse parallèle, même avait-il cru bon d'ajouter… Le jour où je m’attache, je me détache avait-il poursuivi tout fier de son mot. Elle avait pensé : Cause toujours. Et puis, elle n’avait jamais changé de trajectoire, elle était restée une parallèle. Une de celles qui ne se rencontrent jamais.
Juste un qui me parle gentiment, qui soit prévenant mais indépendant, qui ne soit pas le petit garçon à sa maman, qui partage les tâches, qui soit foutu de s’habiller seul, de faire un menu et pas qu’un, qui sache où se rangent les couverts, qui puisse changer les draps sans qu’on lui dise, repasser ses chemises, choisir un vin, décider d’un soir pour sortir, téléphoner à la compagnie pour des billets de train, changer le sac poubelle, en mettre un vide, aller voir un film polonais en noir et blanc sans souffler, passer l’aspirateur, payer le gaz avant la date limite, connaître ma date d’anniversaire, savoir quel jour nous nous sommes rencontrés, le temps qu’il faisait ce jour là, savoir quel métier je fais et où je travaille… Et quelques autres trucs qui pourraient facilement me revenir si je me mettais à y réfléchir un petit peu…
Un peu de prévenance, de bienveillance, d'attention, de finesse de drôlerie et de douceur mais dans certaines circonstances suivez mon regard, je ne suis pas contre un peu de poigne, un soupçon d'intelligence, un brin de curiosité, quelqu'un capable de prendre des décisions, d'étarquer une balancine aux petits oignons, qui ne soit pas engoncé dans ses rituels mais presque débarrassé des fantômes de son enfance, qui peut réparer un robinet qui fuit, cueillir un bouquet de fleurs des champs qui se tienne, repeindre une pièce en deux jours , monter une armoire suédoise sans jurer et préparer un tajine de poulet pour six sans lire la recette c'est trop demander? Enfin quoi, est-ce-que oui ou non, je réclame la lune ?
Je vais finir par croire que oui se disait-elle, des larmes pas loin de ses DEUX yeux.





8 commentaires:

Brigitte a dit…

Mais non ce n'est pas la lune, par contre c'est quand même difficile à trouver un homme pareil ...
au bout de quelques années les attentions ne sont plus toujours là ...Tadam et pourquoi?
Lequel des deux fait preuve d'égoïsme ...Les deux vivent-ils un peu chacun dans leur monde? Je n'ai pas de réponse ...
Ahhhh l'amour ...

chri a dit…

@ Brigitte Du moment qu'on a les questions... Toujours l'amour...

M a dit…

J'ai bien quand c'est ouvert !!!
Et oui mademoiselle, la perspective des parallèles n'est qu'un trompe-l’œil
J'ai tout de même un peu l'impression qu'une certaine part féminine a trouvé celui qu'il lui faut, non ?
Sinon, je demande Mademoiselle sur le pont, il y a du vrai !
C'est bien beau tout ça , n'empêche... il a dit aussi
"Faut jeter des filins, fabriquer des pass'relles
Et répondre aux avances, aux gestes maladroits
A tous ces petits riens que la vie vous envoie"
mais bon même quand on aime les poètes, on n'est pas toujours à la hauteur. Et comme dirait l'autre je sais un peu d'quoi j'cause !!!

M a dit…

oups ! J'aiME bien....

chri a dit…

@ M

Ce n'est pas resté fermé très longtemps, mais j'ai reçu cette note d'on ne sait où...

Qui a écrit ça? Ça ne me dit rien.

Faut jeter des filins, fabriquer des pass'relles
Et répondre aux avances, aux gestes maladroits
A tous ces petits riens que la vie vous envoie"

M a dit…

Mince alors et "répondez aux p'tits anges" non plus ?

chri a dit…

@ M Oups... Je vais effacer ma question!!! :-)

véronique a dit…

je suis bien certaine qu'il y a des hommes qui cherchent des femmes qui sachent faire tout ça !

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