18 janvier 2017

L'interrupteur à double zeugma.

Pour Les impromptus littéraires. Le texte devait commencer par: Il posa son doigt sur l'interrupteur.

Il posa son doigt sur l'interrupteur. C’était un interrupteur qu’il chérissait, un vieux modèle oriental qu’on ne fabriquait plus que très rarement. C’était un interrupteur à double zeugma. Il l'avait trouvé dans un bazar d'Istanbul où il s'était évadé quelques jours pour s'offrir un repos plutôt mérité et des baklavas.
Cependant, il n’appuya pas de suite, il garda le doigt dessus sans le presser, comme s’il s’agissait un bouton de déclenchement de la force de frappe nucléaire, comme si le fait d’appuyer ou pas allait changer la face du monde, l’avenir de la planète, de l’humanité, voire  même de l’univers. Le fait de retenir son index, de ne rien lui laisser tenter, fit monter en lui un sentiment de puissance extrêmement violent d’une puissance presque divine. Allongé sous sa couette, là, le doigt sur son bouton il était Dieu, son fils et l’esprit malsain réunis. Il était immortel, invincible, il était celui qui décide, qui choisit, qui tranche, qui dépèce, qui a  le droit de vie ou de mort. Il n’avait jamais de sa vie éprouvé un telle force, excepté quand il s’était trouvé plusieurs fois devant une fourmilière animée. Là oui il avait été envahi pas une toute puissance déferlante, saisissante puisqu’en un seul coup de pied, il pouvait tout anéantir.
Il n’en fit rien mais n’en pensa pas moins. Cet extravagant orgueil !
Mais ce soir il n’était pas vraiment à son avantage, à moitié nu, sous une couette d’hiver en plumes d’oies, un doigt sorti de dessous les plumes, prêt à appuyer, fourbu de fatigue…
Il attendit encore quelques secondes, une petite minute qui lui sembla durer une éternité, puis enfin, les yeux déjà mi-clos, il pressa l’interrupteur et  la lumière se jeta hors de la pièce.

Alors, au même instant, sa chambre plongea dans le noir et lui, dans un sommeil profond.




12 commentaires:

M a dit…

On peut dire qu'il passe en off avec énergie!

Anonyme a dit…

c'est presque le même sentiment quand on ferme son compte fb...
Lou

chri a dit…

@ M Ah oui, on peut dire qu'il ne mégote pas celui là. L'endormissement est une chose sérieuse c'est après que ça se gâte!!!

chri a dit…

@ Lou: Oui, je suis allé voir et... je n'ai plus rien vu...

chri a dit…

PS Avalée, Lou. Ça va Lou?

Tilia a dit…

Parfait !
"un doigt sorti de dessous les plumes" c'est tout moi. Et il ne me reste plus qu'à en faire autant... vu l'heure :-)

chri a dit…

@ Tilia Ah mais oui, c'est le froid qui vous tient éveillée!!!

Anonyme a dit…

Ca va Christian. Juste un pti truc à régler. Vous souhaite une bonne soirée
Lou

Anonyme a dit…

Une amusante illustration de notre humaine liberté si puissante,mais qui réside aussi dans si peu.
Bravo Chris !

Papy

chri a dit…

@ Papy Merci Papy!

Nathalie H.D. a dit…

Lumière ! On tourne !
Ah non, c'est le contraire. Bien joué, le jeu sur l'attente, tu nous as mené en bateau et moi je n'y ai vu que du feu... je voulais dire, du noir !

chri a dit…

@ Nathalie Oh merci!!!

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