01 janvier 2017

Un putain d'assassin.

Au fond, tu n'es qu'un putain de sale assassin m'a-t-il balancé, méchamment, une fois le dernier mot raconté... 
Ben dis donc, tu démarres fort, toi j'ai dit bêtement. Ça ne m'a pas rendu joyeux mais, intérieurement, j'ai dû finir par admettre qu'il n'avait pas tort.
Depuis plusieurs jours il se passait des trucs bizarres dans la cuisine.
Du bruit quand personne n'y est, oh pas un boucan d'enfer, non, comme des frottements légers, des tic tic tic ou des plif plif suffisamment sonores pour qu'on les entende. J'ai enfin perçu d'où venaient ces bruits. Du placard bas de la cuisine. Je me suis vissé une frontale sur la tête et je suis allé farfouiller dans cet endroit qu'on ne visite que très rarement. D'abord parce que c'est sous l'évier, mal éclairé, ensuite parce que c'est là que se trouve la poubelle. Deux bonnes raisons. Et, sur  l'étagère où je pose la balayette et sa pelle, j'ai  trouvé comme des petits grains de riz noirs, ce que j'ai identifié de suite comme les crottes noires d'une souris, mulot ou engin dans le genre. J'avais ça qui se baladait chez moi! En premier, dès que je l'ai vu, j'ai enguirlandé le gros noir: 
Ben qu'est-ce-que tu fous, toi avec toutes les croquettes que je te donne tu pourrais au moins faire ton boulot!
Sans un regard, chargé de mépris il m'a lâché: T'as qu'à me laisser entrer chez toi! 
Ce n'était pas faux.
Je vais acheter un piège me suis dit. Je voulais me débarrasser de la bestiole mais j'ai eu très vite un problème à résoudre: je ne voulais pas la tuer. Je ne voulais pas de ces clapets qui s'abattent sur les nuques et brisent les vertébrales aussi surement qu'El Hassad est un bourreau. Je suis allé à la coopérative agricole où j'ai trouvé mon bonheur. Une sorte de petite cage en métal dont la porte se referme brutalement quand on touche à l'appât. Un morceau de gruyère généralement mais on pouvait mettre un pois chiche à condition d'être assez intime avec la souris et de bien connaître ses goûts.
J'ai enfoncé un cube de gruyère, enfin d'emmenthal tant qu'à faire, sur la pique qu'il fallait, j'ai bloqué la porte en position ouverte et j'ai posé mon arme pas fatale sur l'étagère sous l'évier.  Le lendemain, j'en avait gaulé une. Toute mimi avec sa jolie moustache et ses deux dents de devant bien droites. Je l'ai mise dehors dans le jardin.
Tu as donné ta souris au chat m'a-t-il dit... Tu lui a fait offrande, tu as sacrifié un être vivant, mais tu es un malade...
Ben non mais je n'allais pas non plus lui payer un garde du corps, qu'elle se débrouille, je ne l'ai pas tuée, après c'est à elle de s'en sortir.
Tu sais bien qu'elle n'a aucune chance!
Oh mais tu m'emmerdes à la fin, elle fait sa vie! Et si le chat la bouffe j'y suis pour rien, je n'ai rien à voir avec la chaîne alimentaire. C'est l'écosystème...
Il n'a plus rien dit mais je suis certain qu'il n'en pensait pas moins.
J'ai remis la piège sous l'évier. Et je l'ai oublié. Une semaine après, environ, je suis parti pour trois jours. En revenant, j'ai jeté un oeil sous l'évier. Dans le piège il y avait une souris minuscule recroquevillée contre la grille aussi morte que Toutankhâmon...
Elle avait griffé, mordu, rogné le fond de la cage et puis elle avait dû mourir déshydratée, d'épuisement, de faim, de stress...
J'ai jamais voulu ça, je disais honteux en enterrant le cadavre dans le jardin.
Tu n'es qu'un putain d'assassin a-t-il répété. Il ne s'en doutait pas mais ses mots me tuaient. 

Et si c'était vrai, si, parfois pour ne pas dire souvent, en pensant bien faire les choses, en s'y collant comme il faut les faire, on se gourait dans les grandes largeurs, si, sans le vouloir mais en toute maladresse on ne laissait derrière nous que cendres et désolation avec les meilleures intentions du monde?






4 commentaires:

Tilia a dit…

"cendres et désolation avec les meilleures intentions du monde"...
Au niveau de la planète, je cherche des exemples mais n'en ai pas encore trouvés.

Par contre, le problème de celui qui fait des dégâts en croyant bien faire est très bien évoqué dans ce conte illustré, une de mes premières lectures, toujours aussi fraîche dans ma mémoire.

Pour la souris, je suis désolée de rajouter quelques grammes au poids de votre culpabilité, mais l'idée du piège n'était pas conçue avec "les meilleures intentions" envers ces pauvres petites bêtes qui vous avaient fait l'honneur de venir s'installer chez vous ;-)

chri a dit…

@ Tilia Merci pour le lien du conte!
Ah ben quand même c'était pour la mettre dehors (où est sa place...) et SANS LA TUER!

Tilia a dit…

Oui, effectivement. J'ai dormi une nuit entre entre ma lecture et mon commentaire d'aujourd'hui, ce qui explique ma méprise sur vos intentions. Vous bénéficiez donc de circonstances atténuantes et d'un sursis pour la peine encourue :-)

chri a dit…

@ Tilia Ouf!

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