03 avril 2017

Mon ami que j'aurais.

J’aurais traversé l’Aubrac en pirogue à voile s’il me l’avait demandé.
Non seulement j’aurais caché le cadavre, mais en plus, avant qu'il ne le soit, je lui aurais collé un bon coup de bougeoir sur la tête, dans le débarras s’il avait fallu.
J’aurais déchiré mon manteau en deux s’il avait été assis dans un courant d’air frais. Je lui aurais donné volontiers les clés de ma voiture même s’il n’avait pas eu son permis. J’aurais échangé avec lui ses acouphènes contre tous mes Bach, sa polyarthrite contre ce qui me restait de souplesse, sa scoumoune contre mes anges gardiens s’il l’avait demandé. J’aurais aimé être à ses côtés pour bien me taire, pour s’en dire, pour s’en boire, pour s’en régaler, pour y être, simplement, entièrement, définitivement. Je lui aurais offert des fleurs à chacun de ses anniversaires. Je me serais tenu là où il aurait eu envie que je sois, à côté, distant, éloigné, proche… Je me serais oublié, je me serais rappelé à lui, je l’aurais laissé tomber du balcon du sixième ou d'un pont puis j’aurais été là pour le ramasser, pour lui dakiner ses plaies, pour réduire ses fractures et plâtrer ses membres brisés. Je lui aurais lu des livres s’il avait perdu un oeil, j’aurais goûté ses plats si on lui avait coupé la langue, je lui aurais coupé sa viande s’il n’avait pas été végétarien. J’aurais été, pour lui, mieux que son frère, mieux que sa sœur et bien au-dessus de ses cousins même les germains. Je lui aurais dit du mal des femmes si une l’avait quitté, du bien des hommes si un l’avait aidé, du bien de Dieu s’il avait eu la foi, de notre terrible condition s’il avait été athée. Je l’aurais secoué s’il avait été apathique et calmé quand ses nerfs lui auraient joué des tours. Je l’aurais appelé Jeff ou L’Auvergnat ou Train-Train enfin, j’aurais fait comme il voulait, je me serais foutu un peu de son nom, de son surnom, de savoir s’il en préférait un à un autre. Pour moi, c’était LE mien. 
Je lui aurais donné mes coins à champignons si j’en avais connu, j’aurais adopté son chien s’il n'avait plus voulu du sien. J’aurais arrêté de fumer si on lui avait repéré une sale tâche au poumon…  Je serais mort après lui pour pouvoir être à son enterrement. Et bien sûr, je lui en aurais voulu de mon attachement. À qui voudrait l'entendre, je dirais: Non mais, avez vous vu ce que j'ai fait de moi?

Ce gars là, cette perle, ce joyau, celui que j’appellerais pudiquement mon bon copain, avec une manière de ne pas trop vouloir en faire, ce  serait en vrai un ami, MON ami à moi. Pour la vie. Ce genre de type, ça ne se trouvait même pas dans une botte de foin, ça ne se croisait pas à tous les ronds points de coins de rue, ça ne s’inventait pas d’un coup de mallette magique, cet humain il ne me restait plus qu’à le reconnaître… 
Ce ne sera pas le plus facile.


9 commentaires:

Pastelle a dit…

Une définition ambitieuse et magnifique de l'amitié.
Je veux bien le même. :)

chri a dit…

@ Pastelle Si je le trouve je vous le prête mais je pense aussi que c'est plutôt exclusif une amitié comme celle-là... Je n'aimerais pas trop qu'il en ait d'autres!!! :-)

odile b. a dit…

La perle rare... un point de mire, en quelque sorte... pour ne pas dire... un mirage...
"Je serais mort après lui pour pouvoir être à son enterrement"
Ah, du coup, j'ai le hoquet face à une telle image de l'amitié :-/

odile b. a dit…

PS
Je vois qu'elle repousse, la verveine, dans le pot, sur le vieux trognon :-) Je la sens d'ici.
C'est un excellent anti-mouches :-)

chri a dit…

@ Odile, zavez l'œil! Elle est sortie de sa léthargie et s'en donne à cœur joie!

odile b. a dit…

L'œil c'est vrai. Et le nez aussi, pourtant : z'avez vu le flair pour la verveine !...
Mais je redis que je ne me sens toujours pas l'attirance pour cette amitié au conditionnel... ???
Mes amis à moi, et des vrais, sans condition, c'est le printemps, les fleurs, les zoiseaux et les nez curieux
(un écureuil => des nez curieux... Ha ha ha !
Bon dimanche au soleil.

chri a dit…

@ Odile Merci à vous je suis à Antibes en famille et c'est Bon!

Brigitte a dit…

Et ça c'est un ami ,un vrai de vrai . Faut pas le lâcher lorsqu'on le ou la trouve .
Belle semaine en famille et au soleil, j'imagine bien

chri a dit…

@ Brigitte Enfin, le vrai c'est comme ça que je le vois!!!
Merci de vos voeux. Oui, c'est l'été, presque, l'eau est à 16° et... le soleil donne de belles couleurs aux gens, gentiment...

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