14 février 2019

Chez lui

Celui-là, se disait-il sans doute, en lui tournant autour, c’est un humain qui m’appartient. 
C’est le mien. Il me nourrit, me loge selon mes besoins, il veille à mon bien être, à mes plaisirs, il devance mes désirs, il me cherche et m’appelle quand je disparais, il m’accueille sans reproche quand je reviens. Il me touche quand l’envie me vient, il me parle même et je fais mine de comprendre pour satisfaire son égo. Il m’ouvre la porte, me laisse entrer en premier, il me sert ma nourriture dès que je lui demande et souvent même bien avant que je réclame. Il est à ma botte. Je dirais que je l’aime bien cet humain là qui, désormais, habite chez moi. J’ai essayé quelques années les voisins d’à côté, du reste ils étaient persuadés que j’étais à eux. Encore  des gens qui se sont illusionnés dans les grandes largeurs. Ce que les humains peuvent être naïfs parfois. Pour finir, je me suis installée chez lui. Il vit seul, il n’a pas d’animaux, pas d'espace à partager, donc, c'était pour moi l’idéal. Il n’a pas non plus d’enfants bruyants, joueurs, ou alors seulement de temps en temps, il est  calme et mène une vie tranquille, tout à fait ce qui convient à ma paix intérieure. 
De temps en temps, pour le tester, pour tester sa soumission, je lui réclame à manger, de préférence quand il est en train de faire une chose qui l’absorbe. J’en fais des tonnes, je mets toute ma persuasion à l’œuvre, dieu sait que je suis têtu, jusqu’à ce qu’il abandonne son occupation. Il daigne alors se lever, ils adorent faire comme s’ils nous comprenaient, il me sert et je viens en grignoter un peu en remerciement de son dérangement mais pas plus afin qu’il comprenne, qu’il voit clairement qui mène la danse. Et puis je tourne le dos, le laissant désemparé, vaincu et vaguement énervé. Ce que j'aime aussi chez lui c'est sa totale naïveté, lorsqu'il rentre, je trouve ses jambes très pratique pour me dépoussiérer la fourrure aussi, je me frotte contre lui en des allers retours nombreux. Hé bien figurez vous qu'il prend ça pour des marques d'affection et qu'il se pâme, le niais, le gentil crétin.
Ce que je déteste et que je suis obligé de subir c’est que de temps à autre il lui prend l’envie, l’idée de ma saisir dans ses bras. J’ai horreur de ça. Je me tends comme un câble de Golden Gate, je le regarde en coin l'oeil effaré, je me contracte, j’essaie de toutes mes forces de lui faire comprendre que NON c’est une mauvaise idée, LÂCHE MOI, POSE MOI MAINTENANT mais il me garde là serré au creux des ses bras, souriant. Je lui crèverais volontiers les yeux d'une seule de mes griffes si je pouvais. Puis cet âne me pose au sol avec un air imbécile de vainqueur tordu. Je le déteste quand il fait ça.
Il n’y a qu’une chose à laquelle, pour l’instant il résiste encore. Mais je ne désespère pas, je ne renonce pas à le compter dix là-dessus. Il ne me laisse pas dormir dans sa chambre. Dès que j’en ai l’occasion, je fais mine de rien, je lui jette un œil en coin et je monte direct dans là-haut m’allonger sur sa couette mais il a repéré mon manège, il veille au grain et me traque. Je ne reste sur son lit jamais bien longtemps, il monte, me chasse et ferme la porte de la chambre. Il le fait avec constance et détermination, il est à peu près aussi têtu que moi cet humain là. J'aime ça. Je prends maintenant des chemins détournés, je ne cherche plus vraiment à monter de suite les escaliers, je fais comme si je me contentais de l’assise d’une chaise sous la table de la salle à manger tout près du radiateur et là je lui donne le change, je fais semblant de m’endormir, mais en vrai, je ne surveille que la montée des escaliers que j’ai en ligne de mire et j’y grimpe dès qu’il regarde ailleurs.
Le temps que j’y reste est déjà du temps gagné. 
Je n’en ai pas fini complètement avec lui, jusqu’à ce que j’accède à son lit définitivement, je vais continuer à tolérer, un temps, qu’il s'agite encore sous mon toit.



4 commentaires:

Pastelle a dit…

A croire que tu connais mon chat ! ;)
C'est tout à fait excellent.

chri a dit…

@ Pastelle: Oh merci, Pastelle!

Tilia a dit…

Ce chat s'ennuie et ne pense qu'à aller dormir dans votre lit. Trouvez lui un compagnon et ce ne sera plus la même chanson. :-)

chri a dit…

@ Tilia Ah mais c'est lui qui a choisi! Qu'il assume! Pas sur mon lit!

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