14 janvier 2024

Feeling Good

 Pardon ! Pardon ! Pardon ! 

Chargée comme une mule d’Oia, elle fendait la foule compacte en ce jour maudit pour la sérénité de grand départ. À côté d’elle sa valise, au bout de chaque bras un enfant, leurs sacs sur son dos et pour couronner le tout le sien de sac à dos gonflé comme un noyé accroché sur son ventre… Pardon ! Pardon ! Pardon ! 

On va le rater c’est sur marmonnait elle. Quai trois, quai trois, voiture douze vous savez un un et un deux… Vite, les enfants, on grimpe et elle tirait sur les bras de ses deux  qui semblaient trouver toute cette excitation très amusante. Ce petit équipage énervé est monté voiture douze pile au coup de sifflet des agents de quai, derrière eux la porte s’est refermée, alors le train s’est mis en route. Entassés dans le minuscule espace engoncée des sacs de voyage il lui a fallu monter à l’étage pour trouver leurs trois places. Une fois les sacs sous les sièges, une fois les enfants assis, une fois les jeux, les livres, les revues, les crayons de couleurs, les tablettes sortis enfin tout ce qu’il faut pour qu’un petit se désennuie et surtout, surtout fiche une paix royale aux autres passagers, elle a pu souffler un peu. Elle a cherché dans son sac à main les billets pour les présenter au contrôleur lors de son passage. Une coulée de sueur a glissé le long de sa colonne vertébrale, elle a enfoui ses deux mains dans son sac et n’a rien trouvé de ce qu’elle cherchait Pire, non seulement  les billets qu’elle avait glissés dans son portefeuille de cuir rouge avaient disparu mais son portefeuille aussi. Et dedans bien entendu un peu d’argent liquide mais également l’éventail de ses cartes : Identité, bleue, vitale, conduire etc

Elle n’a plus rien retrouvé. Elle a fait comme on fait tous dans ce cas là, on cherche à se rappeler le dernier moment où l’objet perdu a été aperçu pour la dernière fois. Elle n’a pas retrouvé cet instant là. Ce pouvait être en sortant de la voiture, dans la gare,  sur le quai juste avant de monter en train, dans le train, ce pouvait être partout. L’affaire était mal engagée. 

Et un stress supplémentaire, un. En avait elle besoin ? Si on lui avait demandé, sur qu’elle aurait répondu non, merci.

Après réflexion, elle souhaitait aller à la rencontre du contrôleur et ne pas attendre qu’il déboule dans le wagon. Mais elle ne pouvait pas laisser ses petits seuls, ils allaient se mettre toute la voiture à dos. Alors fumante de colère rentrée, elle a décidé de l’attendre sagement.

Il n’a pas tardé. Il est arrivé dans la voiture en appelant un nom. Le sien. Où êtes vous criait-il ! Elle qui détestait se faire remarquer c’était réussi. Alors comme à la maternelle, elle a juste levé le doigt. Le gars à casquette s’est approché, il était flanqué d’une petite dame toute en soixantaine blanche, un large sourire illuminant son visage. 

Bonjour Madame, je viens vers vous parce que cette pette dame a retrouvé tous vos papiers et billets par terre sur le quai juste avant de monter. Elle les a ramassés pensant que vous étiez à bord et elle est venue me voir avec. Alors nous venons vous les rendre.

Un large sourire de soulagement lui est tombé du plafond, elle s’est avancée vers la dame et l’a enlacée avec des grappes de merci en bouche.

Vous me sortez d’une belle galère vous savez !

Le contrôleur n’en loupait pas une miette. Et vous savez quoi ? A-t-il dit aux deux femmes. Comme Madame n’a eu de cesse de vous retrouver, je lui offre son billet.

 

Alors dans la voiture, pendant qu’une pluie de confettis multicolores et joyeux dégringolait du plafond, un passager a lancé sur une enceinte wifi Feeling Good par Nina Simone et tous les autres, debout dans les allées, l’ont reprise en choeur en essuyant les premières larmes devant tant de bisounourserie partagée.

En vrai, si nous étions moins épais, c’est à cet instant que le monde devrait toujours ressembler.

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