15 août 2011

Cette sale nouvelle...

on la prend, et dans le coeur, au détour d'un clic, comme une gifle, elle claque. Un fouet... Alors, de suite, on se dit: Merde, non... et, très vite, on essuie une larme qui  s'est laissée couler, en douce, furtivement... 


Puis, on pense à lui, à ses proches et on se tait.



Allain Leprest s'est "donné" la mort, la nuit dernière.

Cette nuit, et toutes les autres nuits ne cherchons pas, là haut mais on peut toujours lever les yeux, il n'y aura pas une étoile en plus... En revanche, ici, par terre, pour tous les autres jours, il y aura un bel humain en moins.
Pour le lire, lui:

Sarment.
Je reviens chanter doucement
Sans bruit, sans applaudissements
Dans ton oreille doucement
Maman, 
Juste dix mots, juste un moment
Ma mirabelle au bois dormant
Je sais que tu dors pas vraiment
Maman

Là-bas, au pays des sarments
On va toujours docilement
De mariage en enterrement
Maman, 
On mange toujours goulûment
L'olive noire et le piment
Sur des tartines de froment
Maman

Ici, même le vent nous ment
C'est tout requin, tout caïman
C'est tout en toc, c'est tout ciment
Maman, 
Je veux pas te faire du tourment
Mais dis-moi pour qui ou comment
On se fait un tel châtiment
Maman

Je reviens chanter doucement
Sans bravos et sans boniments
Dans ton oreille doucement
Maman, 
Paisiblement, furtivement
Ma mémoire comme un aimant
Remonte ta source en ramant
Maman

Que la terre jalousement
Garde tes larmes et tes serments
Le nom de ton plus bel amant
Maman, 
Sous tes yeux clos brûle un diamant
Je suis sûre que le firmament
T'a couchée sur son testament
Maman...

ALLAIN LEPREST.

BILOU.

Qu'est c'que t'as franginette ? C'est drôle, t'es plus la même
Celle qui tachait ma piaule d'éclaboussures de robes
Qui s'gavait de Beatles et de choux à la crème
Qui lisait les Claudines à ch'val derrière ma mob
Dans ton blouson d'marlou
Bilou

Pourquoi t'as maquillé tes lèvres à la craie blanche ?
Ta bouche où fleurissaient des musiques si rouges
Des gros mots merveilleux, des rires en avalanches
Des internationales pour emmerder les bourges
Des baisers pour les loups
Bilou

Qu'est c'que t'as ma jumelle ? C'est-y ça l'mal du siècle ?
Se fuir du mal à cause que d'avoir mal aux autres
S'arracher tant de larmes qu'on se retrouve à sec
Voir un été pourri, se dire que c'est d'sa faute
Crécher dans un igloo
Bilou

Bilou ma belle idiote, ça s'rait trop moche, dis
Si ça couvait aussi chez toi cette langueur
Qu'est comme une maladie qu'est pas une maladie
Qu'on croit qu'ça vient du coeur et qu'on n'a rien au coeur
Qu'un invisible clou
Bilou

Bilou, le feu follet la plus courue d'mes boums
Le bonheur sur ta peau a retourné sa veste
Le bar du Saint-Amand, le café aux loukoums
Le temps se fait la paire en accrochant les restes
Au clocher d'Saint-Maclou
Bilou

Qu'est c'que t'as ma jumelle, qu'on croit inguérissable
Qui use les regards dans des boîtes de kleenex
Qu'enlise chaque pas sous des tonnes de sable
Qui sert du bouillon fade dans des verres en pyrex
Qui rend les photos floues ?
Bilou

Bilou fais un effort, je te jure que tu ris
Rire, c'est ça, tu t'rappelles, tu vois c'est pas si dur
Regarde la pluie s'barrer au cul du car-ferry
Le vent lèche tes joues peintes de confiture
Pour un peu j's'rais jaloux
Bilou Bilou... Bilou...

ALLAIN LEPREST.

13 commentaires:

LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS a dit…

Bien sûr, les poètes, ça intéresse moins de nos jours.Les médias sont ailleurs!
Quelques pensées pour lui en voyage vers le grand tout.

Roger

chri a dit…

@Roger: Malheureusement. Et lui c'en était un beau.

Anonyme a dit…

Bien triste sale nouvelle en effet…
Oui, il n'y a plus qu'à se taire et l'écouter pour entendre encore et encore la musique et l'écho de ses mots en nous...

Bien à vous
Coquelicot

(Merci de vos pensées, je réponds à votre mail très vite, promis !)

amichel a dit…

our n'en pas perdre une goutte :

"Le temps de finir la bouteille
J'aurai rallumé un soleil
J'aurai réchauffé une étoile
J'aurai reprisé une voile
J'aurai arraché des bras maigres
De leurs destins mille enfants nègres
En moins de deux, j'aurai repeint
En bleu le coeur de la putain
J'aurai renfanté mes parents
J'aurai peint l'avenir moins grand
Et fait la vieillesse moins vieille
Le temps de finir la bouteille

Le temps de finir la bouteille
J'aurai touché la double paye
J'aurai ach'té un cerf-volant
Pour mieux t'envoler, mon enfant
Un lit doux et un abat-jour
Pour mieux l'éteindre mon amour
Dans une heure, un litre environ
J'aurai des lauriers sur le front
Je s'rai champion, j'aurai cassé
La grande gueule du passé
Ca s'ra enfin demain la veille
Le temps de finir la bouteille

Le temps de finir la boutanche
Et vendredi sera dimanche
J'aurai planté des îles neuves
Sur les vagues de la mère veuve
J'aurai dilué la lumière
Dans la perfusion de grand-mère
J'aurai agrandi la maison
Pour y loger tes illusions
J'aurai trouvé du pain qui rime
Avec des pièces d'un centime
Rire et pleurer, ce s'ra pareil
Le temps de finir la bouteille

Le temps de finir la bouteille
Et chiche que la poule essaye
De voler plus haut qu'un gerfeau
Chiche que le vrai devient le faux
Que j'abolis le noir, le blanc,
La prochaine guerre et celle d'avant
Les adjudants de syndicats
La soutane des avocats
Les carnets bleus du tout-Paris
Le dernier-né du dernier cri
La force, le sang et l'oseille
Le temps de tuer la bouteille
Le temps de tuer la bouteille

(Le temps de finir la bouteille
Je t'aurai recollé l'oreille
Van Gogh et tué le corbeau
Qui se perche sur ton pinceau
Encore un pleur, encore un verre
La rue marchera de travers
Le vent poussera mon voilier
Je serai près de vous à lier

Tout au bout de la ville morte
Des loups m'attendront à la porte
J'voudrais qu'mes couplets les effrayent
Le temps de tuer la bouteille)"

chri a dit…

@Coq Chic!
@Amichel: Un grand bonhomme n'est-ce-pas?

Tilia a dit…

J'avais vaguement entendu à la radio qu'un homme atteint d'un cancer du poumon s'était suicidé, mais je n'avais pas compris que c'était de lui qu'il s'agissait.

Sûr que Nougaro, Ferrat et compagnie lui auront fait la fête.

chri a dit…

@Tilia De ça je suis moins certain... Qu'on puisse réentendre sa voix, le relire, le revoir y penser... ça oui.

nathalie a dit…

Sublime chanson, amichel - merci pour cette addition.

Tilia, moi aussi j'ai entendu dire à la radio qu'il s'était suicidé parce qu'il était atteint d'un cancer du poumon. J'ai trouvé bien que ce soit dit. Je voudrais que la fin de vie "choisie" soit enfin admise : quand la camarde vous a fait signe, qu'on ait le droit de devancer un tout petit peu l'appel, qu'on ne soit pas obligé de se remettre pieds et poings liés au bon vouloir des médecins qui choisiront ou non de pousser un peu l'aiguille le jour où ils auront décidé que vous avez assez souffert.

(désolée je me suis un peu éloignée du sujet)

odile b. a dit…

Je l’ai découvert grâce à vous, Chriscot
Allez savoir si son étoile n’est pas montée dans le bleu du ciel… en tout cas, c’est dans un grand champ de blé qu’il mériterait, lui aussi d’être enterré.
Merci pour lui !

odile b. a dit…

PS
et... bravo pour le bleu breton !!!

chri a dit…

@Odile: Merci à vous!

Olivier B a dit…

Merde alors, j'ai pas suivi la news depuis la Réunion....j'ai découvert Leprest par Yves jamait et je l'ai vu deux fois en concert à l'invitation d'Yves, merde, merde, oui, fait chier....!!!!

chri a dit…

@ Nathalie Bien tardivement je réponds à ton commentaire. Ce n'est pas le cancer qui l'a tué c'est le désamour... Le cancer, il l'avait combattu, le désamour était un adversaire plus coriace.

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