02 octobre 2011

F r a g i l e.

L’instant est fragile, puisque qu'il n'est plus dès qu’il est.
Une paix est fragile, un bouquet de fleurs d’automne l’est.  
Fragile, aussi, la rage agile qui nous maintient en vie. L’écume blanche d’une  une vague avant la prochaine? Fragile. Un sourire esquissé sur un visage attristé, un bruissement dans les hauteurs d'un tremble, le vol saccadé d’une mésange apeurée, le rouge d’une gorge, le clin d’un œil, un éclat tranchant de lumière à la surface d’une rivière poissonneuse, un lien soluble comme un pari dans les solitudes d'une ville capitale, l'arrogance du mitron apprenti pétri de mépris pour le pain qu'a pas pris, les sauts bruns d’un écureuil dans le vert du tilleul, l'espérance de vie d'un poil sous le passage d'un rasoir trois lames, le contre ut d'une soprane grecque dans un opéra vénitien, le dôme d’une dune devant des envies de vue, des rires d'enfants préservés du temps, le colosse beau molosse de cent vingt kilos,  pilier de combat, puis de bar, qui, rincé par l'annonce d'un départ et quelques litres d'alcool a assasiné sans sourciller une des femmes de sa vie, la beauté d’une clairière face à la cupidité de bâtisseurs de rien, les heures roses arrosant des horizons irisés, le visage lisse d'une vénus tapageuse de vingt ans,  le clair annonçant un jour de moins à vivre, une gorgée d’un  vieux vin devenu vent, un cou sous une corde, la voix rauque et cadencée d’un humain taureau de Toulouse,  le jaune brûlé d’une feuille avant qu’elle ne tombe dans la lumière soyeuse d’une après midi d’automne, le léger de l' utopie rêveuse sous la charge d'un réel d'enclume, la permanence du fauve devant le rouge énervant d'une véronique meurtrière,  un souvenir inutile à une mémoire embarrassée, la sieste d'un chat sous le vert d'un charme, le blanc d’une banquise sous les bras de prédateurs armés de gourdins, l'imposture d'un homme minuscule qui se voudrait géant, le destin d’un De Staël à l’appui d’une fenêtre grande ouverte, l’émotion revécue à l’apparition d’un souvenir vivace, une rage d’ado sous la fraise de l’age, le son électrique d’une guitare saturée dans le silence religieux d’un music hall, la force d’un ours troué par la balle d’un chasseur, le rond d’une paire de cerises à une oreille accroché, la majesté d’un chêne abattu par le tranchant d'une chaîne mécanique, le dos gracieux d’un dauphin dansant près d’une dense coque d’acier, la musique d’une langue qu’on ne parle plus, la flamme vacillante d’une bougie bleue sur le noir du chocolat, une goutte d'eau près d'un thermomètre  approchant le zéro, un abdomen  d'araignée sous une pointure quarante cinq, le rouge de trois trémières avant qu’elles ne fanent, une heure et sa brassée de minutes, le mensonge trop lourd pour la langue qui le porte, l'étoile d'un homme de pouvoir sous les assauts de son désir hystérique, une minute et sa poignée de secondes, une seconde et sa pincée de centièmes, le filet de vie du corps d’une Marie malade au départ de son éternel voyage, le vol ondulé d’un banc de passereaux dans un ciel fugitif, la merveille d’un paysage sous des désirs partagés d’aller plus vite, le doux sucré d’un fruit par une bouche croqué, les ailes d'une mouche sous une tapette bien maniée, le passage tendre d’une main sur un avant-bras dénudé,des promesses d'ensemble, demain, l’équilibre d’un océan sous une envie de queue de lotte, les notes d’une mélodie attrapées au fond d’une ruelle, une tâche de myrtille sous un filet de citron, le souffle léger d’un baiser sur la veine battante d’un cou en attente, les pleurs d’un enfant perdu dans un square désert, cinq colonnes à la une, un paquet de truffes oublié sur un radiateur, une bûche blottie dans le feu ronflant de la cheminée allumée, la puissance d’une baleine sous d’industriels filets, la course d’un vol de nuages dans un ciel balayé par le souffle du mistral d'en haut, deux boules de sorbet pêche dans une après-midi torride, le plaisir évanoui à peine ressenti, la gloire factice d'un soir d'élection, les pages d’un livre que personne ne lit, les dix neuf mille trois cent quarante trois jours déjà passés sur cette terre avec le sentiment étreignant que l'écoulement du temps s’accélère jusqu'au vertige, nos certitudes, ces serments  qui voudraient bien toujours accorder amour avec toujours, une note sur le fragile sans jamais écrire le mot éphémère... mince, raté... une conscience pointilleuse, impérative, rigide, une phrase souriante de boulangère, notre morale, notre humanité, une parole envolée, le monde, le bleu de la planète où nous tentons de vivre, l’avenir, le passé, maintenant...
Fragiles.


Tout, tous  fragiles, comme la vie... si ténue,  si frêle, mais si forte, si têtue, à la fois...






8 commentaires:

Lautreje a dit…

la vie en somme !
somme de vies !

Brigetoun a dit…

beau texte - et très juste dernière phrase (et c'est ce qui fait la beauté de la chose)

chri a dit…

@Lautreje En somme, oui.
@Brigetoun Merci à vous.

clo a dit…

Quel souffle Mr Chris...:) superbe texte..Bonne semaine a vous

chri a dit…

@Clo Merci à vous!

véronique a dit…

je lis et pas envie que çà s'arrête ... on en voudrait encore et encore !

et puis, en vous lisant aujourd'hui, j'ai pensé à une note que vous sauriez aussi si bien faire, sur le contraire, sur toutes ces choses qui "sont" et qui nous font tant de mal !

mais c'est une autre histoire ! restons fragiles nous aussi

et la photo encore ... un souflfe !

Tilia a dit…

Pétales de roses
ailes de papillons
La vie sur un fil
au fil de l'eau

chri a dit…

@Véronique La photo: une moustiquaire aux antilles...
@Tilia Joli Aïe coup.

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