12 octobre 2011

Entre nous.

Tout ce silence...
Les années sans se parler commençaient à faire un volumineux petit tas dans le débarras de nos deux vies. 
Tout le silence qui les accompagnait, aussi. Pas un mot. Pas un seul petit mot de rien échangé, pas même un bonjour ou un au-revoir de politesse depuis bientôt trois ans. Plus de neuf cent jours.  On ne s'était plus rien dit depuis juillet d'il y a deux ans. On ne s'était plus parlé depuis tout ce temps alors qu'avant, du temps qu'on faisait encore équipe, nous étions les champions de la parlotte. On en a tapé des discutes pendant  des heures et des heures. On e en a vécu des soirées  à disséquer le pourquoi du comment, à séparer le tu crois du pourquoi pas, à se demander le vrai du juste, le oui du non ou le sur du doute...
Avions nous épuisé notre capital de phrases? Serions nous en train de rembourser tout ce qu'on se serait dit en trop? Etions nous désormais condamnés au silence radical, définitif? Jusqu’à quand ? Serons nous un jour capable de nous redire simplement bonjour, je suis content de te voir, tu vas comment, toi ?
Les derniers mots qu'on s'était échangé c'était: "Au revoir, on s'appelle pour se dire ce qu'on fait..."
Et puis, pas un des deux n'a rappelé l'autre. Pas un des deux n'a même envoyé de signe à l'autre... Heu, ce n'est pas tout à fait  exact, tu m'en as fait un de signe, un jour, j'ai vu passer au dos d'une enveloppe, qui ne m’était pas adressée, quelques mots que tu avais écrit de ta main, du moins, j’ai cru reconnaître ton écriture, je les ai pris pour moi... Tu avais écrit: "Et des nouvelles?"
J'ai encore l'enveloppe sur mon bureau. Et des nouvelles? Juste ces trois mots là et ce point d'interrogation. Rien d'autre. Ç'aurait pu être adressé à mon buraliste, mon pharmacien, un chat, une brouette...
Et des nouvelles? Alors bien entendu, je n'en ai pas donné... Demandées comme ça, l'envie ne m'est pas venue.
Les derniers jours qu'on avait passés ensemble, on n'avait pas bien su comment s'y prendre avec nous et, à dire vrai, cela n'avait pas été une grande réussite. On n'arrivait pas à y arriver. On ne savait plus faire, si tant est qu'on avait su, un jour. Oh nous n'étions même pas fâché, non, ou alors un peu contre nous mêmes et contre cette incapacité à nous dépêtrer de l'alchimie négative qui nous ensorcelait et s'emparait de nous dès que nous étions ensemble. Plus nous avancions et moins nous y arrivions.
Tout entre nous devenait lourd, pesant, inquiétant, conflictuel, dérangeant, déstabilisant alors que tout n'aurait dû être normalement que fête, partage et plaisir. On ne savait plus comment s'y prendre pour s'y prendre bien, alors fatalement on se démerdait mal. On était gauche, faut voir comme. Alors quand ce dernier séjour ensemble s’est terminé, on s’est dit à la prochaine, on s’appelle pour ce dire ce qu’on fait… Sous entendu ce n’est pas la peine de se revoir si c’est pour ça.
On était enfin d’une certaine manière d’accord : Si c’est pour ça, ça ne vaut pas la peine.
Certains soirs j’aurais préféré qu’on se fâche, qu’on soit en colère l’un contre l’autre, qu’on se la soit dite cette rougne… Peut-être qu’il aurait mieux valu des mots qui dépassent notre pensée que ce silence essentiellement silencieux qui dure…
Que nous était il donc arrivé? Oh on en avait aussi débattu de ça, en long, en large, en travers , en biais, en strates, en tas, en isolé, en boisseau, bref de toutes les manières possible et sans rien oublier. Pour finir c'est un écrivain qui nous avait mis d'accord d'une phrase, d'un trait, Sagan, qui avec son immense finesse, son acuité avait su tout débusquer, tout concentrer, tout résumer. Cette phrase faisait: Entre deux personnes, l'enfance c'est pire que trente ans de mariage... Comme on n'avait pas été marié trente ans... Cette vérité compliquait salement les choses...

Comment faire la paix alors qu'on n'a même pas investi le champ de bataille? Comment se réconcilier quand on n’est pas fâché ? Que devrais-je faire si j'étais moins con?
Tandis que nous allions, un nouvel  automne, assister aux dorures des paysages, aux chutes de la troisième génération de feuilles d'arbres... Alors que  que depuis que nous ne nous étions plus dit un mot, des tas de gens que nous avions connus vivants, que nous avions embrassés, serrés dans nos bras, qui avaient fait partie de nos existences étaient bel et bien morts et enterrés... Alors  que, nous mêmes, entrions dans l'automne de nos vies, à l'étage au-dessus, tu peux me croire, ça commençait déjà à tomber comme à Gravelotte...  Alors que, nous mêmes, commencions certains matins à avoir mal partout au réveil et qu'on pouvait percevoir des signes de notre probable déménagement, de notre proche montée d'un étage... Alors que sur terre étaient apparus des gens qui, évidemment, n'existaient pas à l'époque où on trafiquait ensemble, et même qu'ils commençaient, déjà à se tenir debout sur leurs toutes jeunes jambes... Le monde avait drôlement changé depuis notre lourd silence et nous aussi. Chacune de nos cellules avait, désormais, été remplacée, il ne devait pas en rester beaucoup de la vieille époque... 
C'est ce moment précis que nous avions choisi pour ne plus nous dire un mot...
Mais, moi, j'avais bien pensé que je vieillirais avec toi... C'est sans doute la preuve d'un manque certain d'ambition, d'une pauvreté d'imagination mais c'est ce que je souhaitais du temps qu'on se disait encore...
Et, si je ne te demande pas de tes nouvelles ce n'est pas seulement parce que je ne veux pas savoir comment tu vas mais plutôt que je ne suis pas certain de vouloir apprendre que tu vas bien sans moi.
Avec qui tu ne vas pas vieillir...

___ Hé mais Chri chou... Qu'est ce tu fous? Démarre, le feu est passé vert... Y vont gueuler, derrière


13 commentaires:

Tilia a dit…

Première mouture, une amitié qui s'est effilochée. Seconde version, un amour parti en quenouille.
Même conclusion, quand c'est fini, c'est fini.

(La fenêtre publicitaire qui s'ouvre quand on clique sur "Enregistrer un commentaire" est une nouveauté ici...)

chri a dit…

@Tilia: Je vous laisse le choix de décider! Pour la pub, je ne suis pas au courant, je n'ai rien demandé et surtout pas de pub... Je vais tenter de voir ce qu'il en est...

Catherine L a dit…

Voila qui peut paraître simple mais qui nécessite beaucoup de talent pour la trancription!
Quand un tel souffle raconte la vie, faut'il penser que la plume s'est juste trempée dans la vie où que la plume est fine observatrice ? Peu importe la réponse, préservons la pudeur, la lectrice que je suis appécie surtout la vie sans triche qu'il y a dans tes mots Chriscot ! Bravo ! Comme dirait une amie commune, je suis "épatatassée" !!! Je viens toujours me promener chez toi avec plaisir Chriscot, même si je ne laisse pas toujours de com.

chri a dit…

@Catherine L:
Merci à vous.

Nathalie a dit…

En effet, une fenêtre de pub s'ouvre quand on clique sur les commentaires. Je la referme, je recommence, cette fois tout va bien. Voilà un spam bien mystérieux et sans doute difficile à éliminer...

chri a dit…

@Nathalie Je vais aller rouspéter auprès de blogger mais j'ai comme l'idée que je ne serai pas entendu!

Anonyme a dit…

Je me dis des fois que le pire du silence, c'est tous les mots qu'on met dessus sans savoir si ce sont les bons. Ils en écrasent des sommeils, mais parfois aussi, ils font de beaux textes.

Slev

véronique a dit…

"avec le temps...
avec le temps, va, tout s'en va
mêm' les plus chouett's souv'nirs ça t'as un' de ces gueules
à la gal'rie j'farfouille dans les rayons d'la mort
le samedi soir quand la tendresse s'en va tout' seule"....


"avec le temps...
avec le temps, va, tout s'en va
on oublie les passions et l'on oublie les voix
qui vous disaient tout bas les mots des pauvres gens
ne rentre pas trop tard, surtout ne prends pas froid" ....

en fait, vous dites les mêmes choses avec autant la même émotion !

véronique a dit…

effacer autant bien sûr ... j'avais écrit d'abord " avec autant d'émotion " et puis j'ai préféré " la même " ...

autant la même ne veut rien dire, bien sûr !

chri a dit…

@Véronique Autant la même c'est bien pareil la même!

Lautreje a dit…

Emotion pour ce temps qui s'infiltre, se glisse sournoisement, délie les chemins qui s'étaient noués soit disant à jamais, mais jamais n'existe pas, tout comme toujours.

chri a dit…

@Lautreje: Oui, il n'y a jamais de toujours...

chri a dit…

@Slev Je ne t'ai même pas dit que j'étais content de te lire... Je sais ainsi que peut-être tu cours un peu moins de partout...

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