02 février 2013

Salut, les amoureux.


Elle venait de me tourner le dos, définitivement. Je l’ai regardée s’éloigner un peu dans la froideur du soir. Elle, sa valise dans une main sa cage à chat dans l’autre et des larmes dans les yeux. Nous venions de mettre un terme à deux ans de vie commune et ça ne nous rendait pas particulièrement joyeux. Elle repartait en province, vers chez elle, par l’avion du soir. Elle n’avait pas souhaité que je l’accompagne jusqu’à l’embarquement, elle avait justifié:« Désormais, je ne le suis plus, ta compagne » avait elle soufflé dans un sourire attristé. Je ne me souviens plus si nous nous étions embrassés mais je n’ai pas le souvenir d’une de ses lèvres sur mes joues, comme si j’avais déjà tourné la page. J’ai regardé encore une fois sa silhouette s’avancer vers les lumières du Terminal F, F comme fin. Jamais un endroit n’avait été aussi bien choisi pour une séparation. On aurait souhaité le faire, elle aurait pris le train. Je la trouvais toujours magnifiquement belle de dos, du reste la première fois que je l’avais vue, c’était ainsi.
Nous étions dans la même queue d’un cinéma. Elle y était seule. Nous allions voir le même film mais nous ne le savions pas encore. Je me souviens, c’était un dimanche, la séance de onze heures au MK2 Grande Bibliothèque. C’est elle qui m’avait adressé la parole la première. Elle m’avait lancé : « Mais vous ne pouvez pas faire attention ? Vous m’avez fait mal ! » quand je lui avais marché sur le talon en avançant… Ça ne c'était pas bien engagé entre nous. Mon « je suis désolé » l’avait laissée de marbre. A l’intérieur, j’avais pensé gentiment : « Sois pas conne, aussi, Trompette, avance, quand la queue avance… » mais je n’avais rien dit. Puis nous nous étions installés côte à côte et son sourire en disant « Décidément, vous m’en voulez ! » lorsque je m’étais assis sur sa veste, avait dégelé notre rencontre. Nous avions passé le reste du dimanche devant des verres, à parler de nous comme nous allions biens, du monde comme il allait mal, de la vie de couple comme c’est impossible. Quinze jours après elle emménageait chez moi. Pour en arriver là où nous en étions. Maintenant, il nous fallait être adulte et voir la vérité en face. Le couple que nous avions formé avait épuisé tout son carburant, Il y a bien longtemps que nous avions basculé sur la réserve et nous étions secs. Nous ne nous entendions plus, nous n’y arrivions plus, nous expérimentions ainsi l’impossible. Mais nous trouvions quand même la force de nous amuser à constater combien il était injuste que tout ce qui peut nous séduire chez quelqu’un est exactement ce qu’on finit par lui reprocher quelques années plus tard… Quand elle a été happée par la porte automatique, j’ai attendu qu’elle ne se retourne pas pour monter dans ma voiture. Une marche arrière brusque et j’ai touché le pare-buffle du gros 4.4 noir brillant garé derrière. Un type énorme en est sorti, dans une colère de la même couleur que sa bagnole. Je suis sorti aussi. Je ne faisais pas le poids. Nous nous sommes engueulés un peu, juste pour la forme. Je lui ai demandé de garder son calme. « Je ne suis pas énervé, je ne suis pas énervé, c’est une colère saine ! » gueulait-il en s'approchant de moi. Encore un qui fait de la politique, j’ai pensé dans un sourire léger en lui tournant le dos. Il était à deux poings de m'en coller un et, à cet instant précis, j'avais besoin d'autre chose.
Alors, coupant court, refusant, par instinct de survie, le débat contradictoire, je suis remonté dans ma voiture. Et j’ai foncé dans la banlieue grise. Du  poste, la voix de Joe Dassin finissait de chanter « Salut les amoureux ».
J’ai éteint et j’ai regardé droit devant moi.
Les larmes qui coulaient de mes yeux me gênaient un peu pour conduire, heureusement que  ma bagnole connaissait bien la route...


14 commentaires:

odile b. a dit…

Pourquoi :
"ça pue les amoureux" ?
ça sentait la naphtaline ou la violette ?
Pardon si c’est une mauvaise blague… mais je découvre ce billet aussitôt après avoir commenté le précédent… ("le-dessus-de-la-crème-du-dessus-du-panier") :D
Bon week-end au cinéma. Mais quand même, faites attention à côté de qui vous vous asseyez… :
si c’est du vison ou du Hermes… n’y mettez pas les fesses !

odile b. a dit…

Ah vous alors !
Je jure d’avoir lu un autre titre tout à l’heure qui disait :
"ça PUE les amoureux »
Me suis à mon tour posé des questions…
Jurez moi que vous en avez changé sinon… j’en parle à mon ophtalmo !!!

odile b. a dit…

Nan mé, c’est vous qui poussez, là !

chri a dit…

@ Odile Oui, oui, j'ai changé!

M a dit…

J'arrive après la bataille des titres ! Merci Odile pour le sourire !
Pour la route (celle qu'on connait par coeur...) Parfois on aimerait tant emprunter les chemins de traverse.
Tiens, ciné, si ma sciatique voulait bien se calmer, je m'y interesserais volontiers moi...
Bon we Chri

chri a dit…

@ M Ah mince... je compatis à votre douleur... Une sciatique au ciné? C'est pas ça...

chri a dit…

Marie Rennard (http://rennard.canalblog.com/) a dit:
Et une dose d'optimisme avec le café du matin... Tu le fais exprès, hein?

Anonyme a dit…

Pas de panique,c'est un chagrin sorti de la naphtaline pour le coup ! Mais le texte garde sa vérité et sa fraicheur.
Il na faudra pas oublier d'oublier, Chris!
Ch

Brigitte a dit…

Pareil j'ai loupé la batailles des titres, mais j'ai souri, c'est agréable dès le matin ...
Un texte très réaliste c'est triste une telle fin ...Mais bon parfois c'est bien pire !!!

chri a dit…

@ Ch c'est la photo qui a fait le larron...

@ Brigitte Oui, parfois ils s'arrachent les yeux!

Anonyme a dit…

J'y ai pensé! J'ai failli dire que la photo m'épatait ! Mais ne rien dire sur le texte eu été impoli,d'autant que je l'aime bien, il est juste;
Ch

chri a dit…

@ Ch: Merci Ch...

Slevtar a dit…

Conduite en état de tristesse, ça fait des points en plus sur le permis de sourire.

chri a dit…

@ Slev Tu sais ce qui m'accompagne? Le Détroit de Magellan!

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