Elle venait de me tourner le dos, définitivement. Je l’ai
regardée s’éloigner un peu dans la froideur du soir. Elle, sa valise dans une
main sa cage à chat dans l’autre et des larmes dans les yeux. Nous venions de
mettre un terme à deux ans de vie commune et ça ne nous rendait pas
particulièrement joyeux. Elle repartait en province, vers chez elle, par
l’avion du soir. Elle n’avait pas souhaité que je l’accompagne jusqu’à
l’embarquement, elle avait justifié:« Désormais, je ne le suis plus, ta
compagne » avait elle soufflé dans un sourire attristé. Je ne me souviens
plus si nous nous étions embrassés mais je n’ai pas le souvenir d’une de ses
lèvres sur mes joues, comme si j’avais déjà tourné la page. J’ai regardé encore
une fois sa silhouette s’avancer vers les lumières du Terminal F, F comme fin.
Jamais un endroit n’avait été aussi bien choisi pour une séparation. On aurait
souhaité le faire, elle aurait pris le train. Je la trouvais toujours
magnifiquement belle de dos, du reste la première fois que je l’avais vue, c’était
ainsi.
Nous étions dans la même queue d’un cinéma. Elle y était seule.
Nous allions voir le même film mais nous ne le savions pas encore. Je me
souviens, c’était un dimanche, la séance de onze heures au MK2 Grande
Bibliothèque. C’est elle qui m’avait adressé la parole la première. Elle
m’avait lancé : « Mais vous ne pouvez pas faire attention ? Vous
m’avez fait mal ! » quand je lui avais marché sur le talon en
avançant… Ça ne c'était pas bien engagé entre nous. Mon
« je suis désolé » l’avait laissée de marbre. A l’intérieur, j’avais
pensé gentiment : « Sois pas conne, aussi, Trompette, avance,
quand la queue avance… » mais je n’avais rien dit. Puis nous
nous étions installés côte à côte et son sourire en disant « Décidément,
vous m’en voulez ! » lorsque je m’étais assis sur sa veste, avait
dégelé notre rencontre. Nous avions passé le reste du dimanche devant des
verres, à parler de nous comme nous allions biens, du monde comme il allait
mal, de la vie de couple comme c’est impossible. Quinze jours après elle
emménageait chez moi. Pour en arriver là où nous en étions. Maintenant, il nous
fallait être adulte et voir la vérité en face. Le couple que nous avions formé
avait épuisé tout son carburant, Il y a bien longtemps que nous avions basculé
sur la réserve et nous étions secs. Nous ne nous entendions plus, nous n’y
arrivions plus, nous expérimentions ainsi l’impossible. Mais
nous trouvions quand même la force de nous amuser à constater combien
il était injuste que tout ce qui peut nous séduire chez quelqu’un est
exactement ce qu’on finit par lui reprocher quelques années plus tard… Quand
elle a été happée par la porte automatique, j’ai attendu qu’elle ne se retourne
pas pour monter dans ma voiture. Une marche arrière brusque et j’ai touché le
pare-buffle du gros 4.4 noir brillant garé derrière. Un type énorme en est
sorti, dans une colère de la même couleur que sa bagnole. Je suis sorti aussi.
Je ne faisais pas le poids. Nous nous sommes engueulés un peu, juste pour la
forme. Je lui ai demandé de garder son calme. « Je ne suis pas énervé, je
ne suis pas énervé, c’est une colère saine ! » gueulait-il en
s'approchant de moi. Encore un qui fait de la politique, j’ai pensé dans un
sourire léger en lui tournant le dos. Il était à deux poings de m'en coller un
et, à cet instant précis, j'avais besoin d'autre chose.
Alors, coupant court, refusant, par instinct de survie, le débat contradictoire, je suis remonté dans ma voiture. Et j’ai foncé dans la banlieue grise. Du poste, la voix de Joe Dassin finissait de chanter « Salut les amoureux ».
Alors, coupant court, refusant, par instinct de survie, le débat contradictoire, je suis remonté dans ma voiture. Et j’ai foncé dans la banlieue grise. Du poste, la voix de Joe Dassin finissait de chanter « Salut les amoureux ».
J’ai éteint et j’ai regardé droit devant moi.
Les larmes qui coulaient de mes yeux
me gênaient un peu pour conduire, heureusement que ma bagnole connaissait bien la route...
14 commentaires:
Pourquoi :
"ça pue les amoureux" ?
ça sentait la naphtaline ou la violette ?
Pardon si c’est une mauvaise blague… mais je découvre ce billet aussitôt après avoir commenté le précédent… ("le-dessus-de-la-crème-du-dessus-du-panier") :D
Bon week-end au cinéma. Mais quand même, faites attention à côté de qui vous vous asseyez… :
si c’est du vison ou du Hermes… n’y mettez pas les fesses !
Ah vous alors !
Je jure d’avoir lu un autre titre tout à l’heure qui disait :
"ça PUE les amoureux »
Me suis à mon tour posé des questions…
Jurez moi que vous en avez changé sinon… j’en parle à mon ophtalmo !!!
Nan mé, c’est vous qui poussez, là !
@ Odile Oui, oui, j'ai changé!
J'arrive après la bataille des titres ! Merci Odile pour le sourire !
Pour la route (celle qu'on connait par coeur...) Parfois on aimerait tant emprunter les chemins de traverse.
Tiens, ciné, si ma sciatique voulait bien se calmer, je m'y interesserais volontiers moi...
Bon we Chri
@ M Ah mince... je compatis à votre douleur... Une sciatique au ciné? C'est pas ça...
Marie Rennard (http://rennard.canalblog.com/) a dit:
Et une dose d'optimisme avec le café du matin... Tu le fais exprès, hein?
Pas de panique,c'est un chagrin sorti de la naphtaline pour le coup ! Mais le texte garde sa vérité et sa fraicheur.
Il na faudra pas oublier d'oublier, Chris!
Ch
Pareil j'ai loupé la batailles des titres, mais j'ai souri, c'est agréable dès le matin ...
Un texte très réaliste c'est triste une telle fin ...Mais bon parfois c'est bien pire !!!
@ Ch c'est la photo qui a fait le larron...
@ Brigitte Oui, parfois ils s'arrachent les yeux!
J'y ai pensé! J'ai failli dire que la photo m'épatait ! Mais ne rien dire sur le texte eu été impoli,d'autant que je l'aime bien, il est juste;
Ch
@ Ch: Merci Ch...
Conduite en état de tristesse, ça fait des points en plus sur le permis de sourire.
@ Slev Tu sais ce qui m'accompagne? Le Détroit de Magellan!
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