27 juin 2013

Les vérités tues.

Pour les impromptus littéraires de la semaine. Le thème était:

On fait semblant d'être à la table. Et d'écouter.
Mais ....... » ( Guillevic )
Repas ennuyeux ? Préoccupations ? Vis-à-vis particulièrement séduisant(e) ou très désagréable ?... Et voilà que, sans crier gare, votre imagination vous transporte très loin de la table et de ses convives...


Il m'est venu ça:

Les vérités tues.

___ Hum, Monique chérie, ta blanquette est une fois encore, une absolue merveille !
___ Merci mon Paul, mais voilà vingt ans que tu fais l'éloge de ma blanquette, tu devrais être habitué depuis tout ce temps...
___ C’est parce que tu la fais bonne un point c’est tout…
___ Toi aussi tu es gentil, Do…

À cet instant un ange, les ailes alourdies de taisance, entre par la fenêtre ouverte, volète au-dessus de la table et des cinq convives, disparaît un moment dans l’odorant fumet s'échappant du faitout et, sur son passage, laisse planer un silence seulement troublé par le bruit des fourchettes dans les assiettes et ceux de Paul qui n’a jamais su manger sans eux. Vingt ans qu’il irrite Monique, vingt ans qu’elle a très envie de lui dire qu’on peut très bien déguster sans faire tout ce sale bazar avec sa bouche… À chaque repas elle repense à la chanson de Brel qui fait des grands slurp...
En vrai, ce qu’il peut l’agacer, celui là, avec ses compliments doucereux et tout ce miel dont il englue ses adresses… Ma mignonne, ma douce, ma jolie… Est ce que je lui parle comme ça, moi ? Est ce qu’un jour je l’ai jamais complimenté sur une chose qu’il aurait faite et qui soit remarquable ? Non, jamais et pourquoi donc ? Hé bien parce que Paul, mon Paul tu es un fieffé imbécile… Un triste crétin plein d’assurance et de morgue, un sinistre individu imbu de ta personne à l’ego démesuré… Tout cela parce qu’il passe ses journées dans les bouches des gens à réparer ce qui ne va pas. Mais oui, Paul tu es mon ami... 
À quel prix? 
Ouh que ça fait du bien  de penser vrai, de ne se cacher derrière rien, que c’est bon… Vois tu Paul, je n’aime pas ta façon hautaine d’être avec les gens puis avec les femmes en général et avec moi en particulier… Je ne peux pas m’empêcher de penser, mon pauvre  Paul que tu as épuisé mon amie, ma si chère amie qui aurait mieux fait de se casser les deux jambes plutôt que de devenir ta femme, que  tu l’as vidée de ses forces comme on nettoie un poisson mort, que tu lui as fait subir les pires humiliations, que tu n’as eu de cesse de lui gâcher la vie tout ça pour qu’elle reste à tes côtés comme un faire valoir, une potiche Ming, une plante d’ornement au service de ta misérable grandeur, je t’en veux de ça, Paul si tu savais… Elle qui était tellement plus brillante, tellement plus intelligente, que toi, pauvre misérable benêt… Je suis certaine qu'elle te la doit, la saleté qui l'a emportée l'an passé, à toi seul et, peut-être à ta si grande petitesse... Tu ne l'emporteras pas au paradis, Paul...

En ressortant la cuillère pleine de sauce blanche du faitout, Monique l’a lâchée des mains et le contenu, tout le contenu, est venu faire une jolie tâche claire  sur la chemise et la cravate en soie de notre cher Paul…
___ Pardonne moi, Paul, elle m’a glissé (merci Marie) des mains…
___ Ce n’est rien a-t-il dit, écumant de rage contenue… Ce n’est rien ma douce  Monique, dit-il en s’essuyant comme il pouvait avec sa serviette, il n’y a qu’à ceux qui ne font rien, qu’il n’arrive rien… Et Do, le gentil Do de penser dans sa barbe:
___ En voilà un qui ne l'a pas volée, la blanquette...



12 commentaires:

Anonyme a dit…

Tout vérité bue... ou les petites chronique de violence ordinaire...
brr.
Lou

Anonyme a dit…

chroniqueS. Lou. Chroniques. sorry.

chri a dit…

@ Lou Very têtue, aussi.

Brigitte a dit…

Quelle violence silencieuse ...c'est terrible !!!
Bon week-end Chri

chri a dit…

@ Brigitte Ah oui ça ronge!!! Bonne fin de semaine à vous zaussi.

odile b. a dit…

Me font penser au tandem Jojo et Lulu / Villeret-Balasko dans "Un crime au Paradis"... Z'avaient pas suivi les conférences de CNV (Communication Non Violente) de Marshall Rosenberg, Thomas d'Ansembourg ou Jacques Salomé :
"Les mots sont des fenêtres ou bien ce sont des murs"...
"Apprivoiser la tendresse"...
ou z'avaient pas bien compris :
"Parle-moi, j'ai des choses à te dire"...
"Cessez d'être gentil, soyez vrai"...

Une vilaine invective en parler vendéen d'un couple meunier-meunière, entendue, parmi d'autres, au village du Puy du Fou :
"Espèce de failli charançon d'mougettes rancies"
ou encore :
"Aut'fois, ma femme, tchaté ine (c'était une) abeille,
à c'theure, tché un veson" (bourdon)

Le silence des taiseux est souvent aussi ravageur que les quatre vérités violemment et salement balancées.
La vérité tue, le silence tue, le tort tue...
"Totor t'as tort, tu t'uses et tu te tues"

"Tortue, pourquoi te tais-tu ?
Tortue, tu es têtue !"...
Anne Sylvestre

odile b. a dit…

PS
Belles, très belles éclaboussures d'ombres sur le visage peint ! Plus joli que les taches de blanquette sur la chemise et la cravate de soie :(

Tilia a dit…

Dans un couple quand l'amour fout le camp, le couvercle du puits sur lequel il était assis valdingue et la vérité en jaillit, éclaboussant tout le monde au passage.

Au sujet des vérités explosives, je viens juste de terminer un excellent polar : "La princesse des glaces".

chri a dit…

@ Odile Quelle forme!!!

@ Tilia C'est le bon moment pour moi de citer Claude Roy: En amour il serait préférable d'aimer qui on aimera encore quand on ne l'aimera plus...
De qui La princesse des glaces?

Anonyme a dit…

c'est marrant, à mi course déjà, je me suis pensé qu'il allait se la prendre, la blanquette.
Marie.

chri a dit…

@ Marie Il ne l'a pas volée sa blanquette...

chri a dit…

@ Marie Merci Marie Elle glisse plus proprement comme ça!

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