03 juillet 2015

En salade...

J’ai tout fait pour le sauver. Tout. Et malgré tous mes efforts, je n’y suis pas parvenu. J’ai supplié, menacé, intimidé, j’ai joué la colère, l’effarement, la naïveté, j'ai tenté la roublardise rien n’y a fait, son sort était scellé. Je ne l’ai pas sauvé. Désormais, il est cuit, mort, décédé, pire, digéré.
___ C’est ce matin qu’on y va ? Oui, oui, on petit déjeune et après on part. Finis tes tartines.
Ce besoin qu’ils avaient de prendre leur temps… Ça me mettait dans de ces états, je me demande si ça n’est pas ça qui les faisait rire, je me demande s’ils n’en rajoutaient pas un peu, s’ils ne ralentissaient pas exprès.
Bon d’accord, ils étaient en  vacances mais est-ce-que c’était une raison ? Et vas-y que je reprends un bol de café (s’il n’y en a plus, laisse, je vais le faire, on a tout notre temps, on est pressé de rien…) Clin d’œil à peine visible… Une fois qu’ils avaient englouti à peu près tout ce qui pouvait se tartiner sur une tranche de pain frais, ils se sont levés et se sont mis à débarrasser la table… Comme si on ne pouvait pas partir en laissant tout en plan. On le ferait en rentrant voilà tout. Hé bien non, ils allaient quitter l’endroit en laissant une maison impeccable. Ils sont même allés jusqu’à balayer sous la table, sur la terrasse. Dehors. Comme si les miettes pouvaient gêner quelqu’un. Soit disant à cause des fourmis. Ne me dites pas qu’ils ne le faisaient pas exprès. Alors, ils se sont tous éparpillés. Certains sont allés  se laver les dents, d’autres iront après eux, quelques uns ont filé dans la remise prendre le matériel et c’est en fin de compte et de matinée que toute une petite troupe a pris le chemin du port.
Pour une fois, il faisait une journée magnifique. Les pluies de la veille avaient cessé et c’est sous un bleu d’un seul tenant qu’ils marchaient.
Le port était à deux pas. Le gonflable posé, retourné sur le quai lié à un mat avec un câble. Une pince un peu solide en serait venue à bout en deux secondes mais ici, on ne craignait pas les voleurs. Il n’y en avait, soit disant, pas. On n’est pas à la ville. Comme s’il n’y en avait qu’en ville…
On a fini par grimper à bord, un au moteur deux sur les boudins et le quatrième bien au fond. On était beaux flambants avec nos gilets rouges…
On a dépassé le rocher du phare, puis on a longé la côte pendant un certains temps. Pour moi, ça a duré celui d’une transatlantique. On était un peu secoués par les retours de houle se brisant sur les rochers mais on a aimé ça. Et puis on est arrivé près d’un petit drapeau rouge orange accroché au bout d’une tige en bois, plantée dans un flotteur de liège.
L’aplomb d’un casier. On a mouillé une ancre, on était pas loin des rocs, il fallait surveiller  qu’on ne s’en approche pas trop. Deux d’entre nous, les plus costauds ont remonté le casier. C'est là qu'on l'a vu la première fois. Il était là perdu au beau milieu. Ils en ont  un peu bavé pour le sortir de là. C’est que ça s’accrochait partout et que ça lui était facile. On a fini par le fourrer comme on a pu dans un sac plastique qu’on e fermé à double tour et puis on a levé l’ancre. Et lui, aussi...
C’est à partir de cet instant que j’ai commencé à plaider sa cause, à dire que c’était peut-être un grand  frère qui gardait les petits et que vont-ils devenir sans lui… J’ai tenté le père attendu par la maman et la fille, j’ai évoqué une maman et ses trois enfants désormais seuls au monde. J’ai dit qu’on avait assez à bouffer que si on le relâchait ça ne nous enlèverait rien… Rien n’y a fait.
___ L’avait qu’à pas entrer dans le casier. Maintenant il est là, on va le bouffer et puis c’est marre. Tant pis pour lui, pas de pitié.
J’ai tout fait pour le sauver. Tout. Je n’y suis pas parvenu.
Mais, Bon Dieu, ce qu’on s’est régalé. On l’a fait en salade. À l’italienne.
Et oui, il a fallu le battre et tout ça…

Tu (on se tutoie, c'est plus facile) épluches un oignon rouge  et tu le coupes en deux. 
Tu coupes une branche de céleri en trois. 
Après avoir enlevé ce qu'il faut enlever (oui, les yeux, le bec, tout ça...) tu  mets  le poulpe dans un faitout, tu ajoutes le laurier, un tiers du céleri, l'oignon et tu recouvres d'eau. 
Tu portes à ébullition et tu laisses mijoter pendant une heure. 
Tu éteins et laisses refroidir le poulpe dans son eau de cuisson. 
Tu l'égouttes et le passes sous l'eau pour enlever les ventouses les plus coriaces (celles près de la tête), puis tu le coupes en petit morceaux.
Ensuite, tu coupes les branches de céleri qui restent en petit dés et tu les mets dans un grand saladier. 
Tu y ajoutes le jus d'un citron et une pincée de sel. 
Mets-y les morceaux de poulpe, un peu d'huile d'olive, sel et poivre. 
Tu laisses mariner plusieurs heures (même toute la nuit c'est encore meilleur) à couvert, au réfrigérateur. 
Tu goûtes pour ajouter éventuellement encore un peu d'huile, de sel ou de citron. 
Au moment de servir, tu parsèmes d'un peu de persil frais ciselé et ouvre une jolie bouteille de blanc que tu auras mise au frais. 
Cette salade se garde bien deux jours au réfrigérateur…
Mais ça m’étonnerait qu’il en reste...

Je n’ai même pas été fichu de sauver UNE ventouse…





6 commentaires:

Brigitte a dit…

Ah la non, j'aime décidemment pas cette bestiole ! Et encore moins pour la manger ...

M a dit…

Pour changer l'option "battre" selon les puristes, il y a celle-là : "refroidir". Plutôt que de donner le lamentable spectacle des gourmands acharnés pas jolis jolis, il suffit d'agir en douce et de le glisser au congel ! D’accord ce n'est pas mieux mais l'image est plus douce, de toute façon quelqu'un l'a tué déjà, alors... Cette méthode a l'avantage certain d'attendrir la bête pour mieux régaler la tablée !
Pour rire un peu :
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LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS a dit…

Bon, après tout, il n'y a que l'intention qui compte et comme tu ne l'avait pas, cette intention de manger cette pieuvre, il te sera beaucoup pardonné. Je me souviens en avoir pêché dans les années 50, celles de ma jeunesse, à Dinard. Qu'est-ce-qu'on leur foutait comme rouste, et aux ormeaux aussi, avant de les manger, avec de la mayo. Le pire, c'est que je ne me suis jamais senti coupable de les manger, c'est tellement bon..Je me suis régalé aussi à te lire, mais là, je sais être toujours bien servi. Suffit d'attendre le prochain billet, et ça continue.
Amitiés.

Roger

Tilia a dit…

Même pas peur des représailles du Kraken? :-))
À mon goût, la recette manque de légumes pour accompagner le poulpe.
Le céleri seul ne me suffit pas, j'y mettrais des pommes de terre en salade.

chri a dit…

@ M Quelle bonne idée... En plus le froid anesthésie, non?. Paul a dit non... Doigts croisés pour les grecs...

@ Roger Dautais: Merci! A chaque fois je me demande si cela ne sera pas le dernier...

@ Tilia: Ce qui est bien avec une recette c'est qu'on peut y mettre son... grain de sel et l'améliore à sa convenance! Bon appétit.

chri a dit…

@ Brigitte Essayez... Vraiment...

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