18 juin 2016

Mon voyage en train avec Romain D.

Deux heures quarante. 
Deux heures quarante pour passer des babouches du Rhône aux pieds du zouave, pour aller du pastis en terrasse au ballon de côte sur le zinc, pour plonger des monts bleutés balayés de mistral au ciel gris plomb humide de bruine. Même pas un voyage, tout juste un déplacement. Le pays traversé en un éclair. Tu es dans le suppositoire d’Avignon TGV, tu montes dans la rame, le temps d’un souffle, tu descends en face du Train Bleu. Tu petitdéjeunes place de l’Horloge, tu apéritises à l’Européen. Cette ligne aussi rapide qu’un jet de lance, je l’emprunte assez souvent depuis que je vis en bas. Elle me monte à Paris. Elle est bien plus rapide, moins fatigante et plus sûre que l’auto. Le temps de lire un journal, de boire un café, de s’assoupir dans l’ennuyeuse traversée du Morvan, d’apercevoir la butte de Thil et son donjon et la machine ralentit déjà dans la Beauce. Voilà deux siècles, il fallait dix jours et six chevaux pour que quatre personnes s’exténuent sur un tel trajet.
Cette fois je faisais une visite éclair de trois jours pour voir mes petits, juste les voir.
La veille, j’étais allé à Venelles dans la banlieue d’Aix en Provence, assister à un concert de Romain D. Quelqu’un qu’on entend nulle part ailleurs que dans les salles où il se produit. Et encore, il ne se produit pas si souvent dans le sud. On peut se demander pourquoi. Les Christophe M. on les entend partout, toujours et tout le temps et le Romain D. presque nulle part. À part une ou deux îles un peu perdues... C’est très injuste mais c’est ainsi et, du reste, je ne suis pas certain  qu’associer les deux noms soit si flatteur pour l'un des deux. Je suis même persuadé du contraire. C’était son nouveau spectacle que j'ai vu: Dans ce piano tout noir. Virtuose et sensible, brillant et poignant, joyeux et mélancolique. Une mélancolie gaie de quelqu'un de bien élevé à l'heure où le monde est de plus en plus peuplé de malotrus mal éduqués. Enfin ce sont eux qu'on entend le plus. Heureusement les salles dans lesquelles on applaudit le Romain sont pleines et enthousiastes. J’avais, donc, comme d’habitude avec lui, passé une soirée formidable. Une de ces soirées qui vous grandit, où l’on n’a pas honte d’être ému, touché, enthousiaste… Une jolie soirée et puis j’étais rentré, le lendemain, j’avais un train à prendre.
Neuf heures trente deux le train arrive voie quatre, il vient de Marseille et d’Aix en Provence. Voiture trois, place cinquante six en première. Il arrivait que les places en premières soient moins chères qu’en seconde allez comprendre. Nous n’étions pas dans une période de grands déplacements, il n’y a pas grand monde dans la place. Une fois la porte ouverte, j’entre dans le wagon et cherche ma place. Je suis normalement dans un carré à droite. C’est bien là. Un homme est assis en face de moi. Au moment où je m’installe, il lève la tête, me salue et je le reconnais. J’ai passé la soirée avec lui la veille mais lui ne le sait pas, bien entendu. Il a des écouteurs dans les oreilles reliés à un portable à pomme allumé posé devant lui. Il m’adresse un sourire sincère et il replonge dans son écran. J’allais lui dire : Merci pour hier soir mais la phrase m’est restée dans la bouche. J’ai essayé tout le trajet d’entendre ce qu’il avait dans les oreilles, je me disais une nouvelle chanson, un nouveau spectacle, des arrangements pour d'autres, une cantate, mais je n’ai rien réussi à saisir. Seul, un bourdonnement lancinant sans trop de variations, un peu comme un moteur d’avion... De tout le voyage, il n’a pas décollé de son écran excepté pour être charmant avec le contrôleur.
À l'arrivée en Gare de Lyon, en rangeant son portable dans sa housse, en enlevant ses écouteurs des oreilles, en enfilant sa veste, il m’a seulement dit : Vous connaissez Flying simulator? J'adore ça,  je viens de me faire un vol Marignane-Orly en temps réel, avec un Robin DR-300, tout s’est bien passé, quelques turbulences au-dessus du Morvan, un peu de trafic sur Paris, mais sinon, l’atterrissage était parfait, je suis content. Je vous souhaite une bonne journée.
___ Bonne journée à vous, j’ai répondu poliment.

J’ai ajouté : Merci pour hier soir! 
Mais c’était surtout pour moi... 
Profiter d'un trajet en TGV pour simuler un vol en avion, quelle belle idée...




À suivre: Ma plongée sous marine avec Vanessa P.



4 commentaires:

Brigitte a dit…

Alors là c'est plutôt original ...
Bonne semaine

chri a dit…

@ Brigitte Merci, à vous aussi.

Nathalie H.D. a dit…

Noooon, avec Romain D., vraiment ???

chri a dit…

@ Nathalie: Lui-même!

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