03 juin 2017

Autrement...


"Après avoir appris la méchante nouvelle, une chape d'infinie tristesse, comme un brouillard épais, une sale mélasse, est venue s'installer au dedans de leurs coeurs rudement malmenés."

Ce soir, plus rien n’est comme avant.
Avant, Bernard était parmi nous… Avec son beau visage, sa belle barbe blanchie, son beau sourire. Nous pouvions le toucher, le regarder, l’entendre, lui répondre. Il nous faudra désormais trouver autre chose pour être avec lui. Nous trouverons.
Bernard, vous savez bien, ce gentil homme calme, souriant, prévenant, pensant aux autres avant lui-même, vérifiant que tous en aient un peu, que chacun soit bien servi, installé, content de voir les autres heureux, servis… Que ce soit en vin dans son verre, en découvertes ou en savoir… Bernard est beau et pas seulement de l’intérieur et discret. On n’a pas besoin de grimper sur les tables, des billets plein les poches, en hurlant à tue-tête pour être un sacré bonhomme.
Bernard à qui la bêtise donnait des boutons et la bienveillance des sourires.
Bernard indissociable de Marie: Quand je parle de toi à des gens qui ne te connaissent pas, je disais : Bernard, le mari de Marie. (On me dit alors : Mais qui est Marie ? Je réponds : La femme de Bernard).
Bernard est un Monsieur…

Les premiers qu’on perd, quand on a malheureusement de la chance, si l’on peut dire, ce sont ses grands parents. S’ils ont vécu longtemps, si on  a eu le bonheur de les croiser longtemps sur cette terre, on le paie assez cher, la vie s’y entend comme une chienne pour reprendre d’une main ce qu’elle a donné de l’autre. Comme on les a connu longtemps, donc, le jour où ils s’en vont,  la peine, le chagrin qu’on éprouve est plus grand. Tu en as eu davantage, hé bien tu souffriras davantage. Pour eux, on le sait assez vite, on s’en doute, on les voit qui s'amenuisent, qui s'affaiblissent, on a compris, on y est presque préparé, on sait qu’ils vont partir avant nous, on s’y attend, ce n’est pas une épouvantable surprise le jour de leur départ. Cela n’empêche pas la tristesse ni la peine. C’est une part de notre enfance s’en va avec eux. C’est le début de l’apprentissage, avec eux tu sais que ceux que tu aimes sont mortels et qu’ils peuvent ou vont partir, un jour. Tu fais semblant d'oublier pour moins ma vivre mais tu sais que c'est là qui rôde.
Ensuite, pour les suivants qu’on perd, ils peuvent d’ailleurs précéder, il n’y a pas de règle très précise, enfin pour les autres qu’on perd la surprise est plus grande, elle sidère, généralement, comme une explosion, un cataclysme violent.  Le monde s'est chargé de nous le rappeler. On n’y est certainement pas prêt. Ni à recevoir la nouvelle, ni à l’accepter, ni à s’en accommoder. Et pourtant, il faudra faire avec, quelle qu’en soit la violence. Ce peut également être un accident, soudain, brutal, sauvage, il ou elle était là hier soir, ce matin il est sorti de chez lui et en chemin, la mort l’a pris. Il n’est plus. D’un coup sans avoir dit au revoir, sans que personne y soit préparé, sans signe avant coureur, sans prévenir. Cela peut aussi, elle a ses ressources pour s’y prendre, une maladie qui emporte mais pas de suite, pas immédiatement, elle tergiverse, joue avec l’espoir, laisse des indices, les reprend, en donne d’autres remets à plus tard, accélère, ralentit… Bref, se joue de nous, jusqu’au moment où elle prend sa décision finale que toi tu ressens comme un train qui ne s’arrêterait pas au terminus. Un train de tristesse de plein fouet...
C’est ce qui est arrivé à Bernard. La seule fois où il a fait de la peine aux gens que nous sommes. Sans le vouloir, il aurait eu le choix, il est certain qu’il aurait fait différemment, pour nous épargner... Aussi, Bernard, permets nous d'être triste, un temps. Je te promets que nous ferons notre possible pour que ça ne dure pas trop, pour éviter de te gêner...
Désormais, il va nous falloir trouver d’autres manières d’être avec toi. Compte sur nous, Ber, pour faire autrement.

En me servant de deux grands que tu aimais : Oui, pour toi, on arrosera les fleurs une fois par semaine et: Six pieds sous terre, tu n'es pas mort, six pieds sous terre, Bernard, tu frères encore »…




5 commentaires:

Tilia a dit…

Beau texte à la mémoire d'un ami, qui déclenche toute mon empathie.
Au début de l'an dernier, c'est le Bernard de Danielle, ma meilleure amie, qui est parti. À cause d'une saloperie qui a joué quelque temps avec lui, comme un chat avec sa proie, et qui a fatalement fini par l'emporter.
Concernant nos proches, des deux manières de disparaître c'est la rapide que je préfère, plutôt que celle qui nous torture lentement en alternant espoir et désespoir.
Sincère condoléance

chri a dit…

@ Tilia Merci, Tilia... Je ne saurai pas dire s'il y en a une que je préfère, je ne suis pas favorable à l'idée même de mourir...

Brigitte a dit…

Il me semble que l'on ne s'y fait jamais à la disparition d'un aime que l'on aime ...Comme Tilia je"préfère" une disparition rapide ...Et pour moi ,je voudrais pouvoir choisir le moment ...
Bon courage ,ce Bernard t'accompagnera toujours

Brigitte a dit…

Un être

chri a dit…

@ Brigitte Tant qu'on les aime, les gens restent vivants...
Merci, Brigitte...

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