16 juillet 2017

Fulgurances.

Le dimanche matin, dans le coin, c’est marché.
On y vient d’Australie et moi d’à côté. Avant de rentrer, le plein fait de promiscuité, de courgettes et de dos de cabillaud, on peut s’installer en terrasse pour, selon l’heure, y prendre un café ou bien un verre de blanc et, ainsi, passer quelques minutes à regarder la folle foule défiler ou bien écrire quelques phrases sur un bout de carnet toujours à portée.
Parfois, il survient qu’on soit gâté. Que certains voisins parlent assez fort, qu’on entende ce qui se dit et, surtout, que ce soit gratiné. Ce matin, c’est ce qui m’est arrivé. Un cadeau du ciel, un bonheur gratuit, un plaisir sans limite, une grâce. J’étais assis à côté d’un possible philosophe, mais de haut vol, qui m’a offert quelques fulgurances mémorables que je n’ai pas hésité à noter pour  les partager. La première, je l'ai saisie vite, à la volée. En l'attrapant je me suis juste dit: La vache! Elle faisait: "La vraie vérité de la vie, c'est la mort." Paf comme ça! Sur la première gorgée de café, presque au réveil, croyez moi sur paroles, ça décoiffe. Derrière ça laisse un vague silence. Que répondre? Avec pas faux vous pouvez vous en sortir mais ce n'est pas certain...
La deuxième entendue, celle qui m’a mis la puce à l’oreille s’est de suite révélée imparable, il y était question de l'incendie qui, toute la nuit, avait ravagé quelques hectares un peu plus au sud. Mon Platon de marché a dit sans rire: "Le feu, c'est comme l'amour, si tu l’éteins au tout début, il brûle pas grand chose..." Définitif. 
Là, je me suis dit j’en tiens un bon. J’ai sorti mon crayon à papier, je n’ai pas été déçu. Ensuite, comme ils se sont mis à parler de la Corse, mon Socrate de terrasse en a profité pour envoyer : "Ce qui me gène, en Corse, c’est que ce soit une île… Ils construiraient un pont entre Nice et le continent j’irai volontiers mais là, prendre le bateau ou l’avion, non merci…" Après celle là, j’étais certain de tenir un bon client, ça n’a pas manqué, quelques phrases plus tard, ils échangeaient à propos de bébés et c’est là que mon Kierkegaard de dimanche a eu cette brillance :
"Plus on vieillit moins on est jeune." Et comme ça ne suffisait pas, pour enfoncer le clou, pour préciser la pensée, pour faire le tour de la question, il ne s’est pas gêné pour ajouter : "Au fond, pour rester jeune, il ne faudrait pas vieillir." La boucle était bouclée. Ensuite, on a balayé la petite enfance d’un trait magistral : "Aujourd’hui, les bébés, quand ils ne dorment pas, ils sont bien plus éveillés qu’avant."
Notre Diogène de marché a, un temps, survolé d'un trait le monde du sport en nous gratifiant d'un surprenant: " Le sport c'est dur: Si tu ne gagnes pas, tu perds très vite!" qui nous a laissés bouches bées. Puis, dans la foulée, celui de la photo en balançant: "La photo c'est un passe temps agréable pour celui qui les prends, pas pour celui qui les rate"...  Etions à deux doigts de l'AVC...
Juste avant que je me lève pour me rentrer, vite rendre compte de ce déballage de fusées d’artifices, j’ai eu droit à une dernière, comme un ultime présent, comme un bouquet étincelant, pour la route. Il était question de finances et j’ai saisi : "De nos jours avec un euro tu peux acheter beaucoup moins qu’avec dix."

Scié.
Quant à moi, je me disais qu'en venant au marché ce matin, je n'avais pas perdu mon temps puisque j'en revenais avec une histoire à partager.



4 commentaires:

Anonyme a dit…

Finalement, les grands penseurs sont les mêmes au bistro et à la télé...
Marie. (pardonne mes lectures plus irrégulières, j'ai un boulot de ouf avec ces putains de traductions, et je suis tellement gavée le soir que j'ai plus le courage de lire).

chri a dit…

@ Marie Bizarrement, je suis content pour toi! Pour le boulot de ouf et les traductions scélérates!

Brigitte a dit…

Des vérités vraies ,pas vrai?
Bonne semaine à venir

chri a dit…

@ Brigitte Vraies de vraies! Merci pour les voeux!

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