11 décembre 2017

Dans son île...



Quand elle a appris la nouvelle, (tout fini par se savoir, toujours et partout) là où elle était, elle s’est retournée. Deux fois. C’est que ça lui a fait un choc, elle qui n’avait guère bougé depuis une dizaine d’années. 
Et puis une petite colère en elle, s’est allumée :
Je m’appelle Marie-Héloïse Montabord. Allée trois, rang neuf. J’étais si tranquille. J'y suis depuis dix ans. Je suis partie, j'en avais quatre vingt trois et j'avais eu une belle vie. Je suis entourée de mes amies. Nous étions tous tellement au calme, à deux pas du bleu étincelant, couchés dans le sable blond, sous nos jolies tombes blanches, au coeur de l'Anse. Ceux de l’Île nous saluaient en passant, les autres venaient nous voir quand ils pouvaient. Il faut dire qu’ils débarquaient surtout après le passage d’un cyclone pour voir si rien n’avait bougé. Ils débarrassaient les allées des débris accumulés, ils ratissaient le sable blanc, ils taillaient les bougainvillées, ils retapaient ce qui avait besoin de l’être et tout redevenait comme avant calme, paisible, fleuri du rouge pétant de ces grandes fleurs exotiques et pas avec ces chrysanthèmes minables. Le reste du temps que voulez vous qu’il nous arrive, ici ? Alors, pourquoi ont-ils fait ce choix là ? À cause du burger pas loin? J'ai du mal à y croire. Tous ce chemin pour ça? Je dois avouer que j’ai un peu peur en imaginant tous ces métros qui vont débarquer avec leurs blousons noirs, leurs lunettes noires, leurs fringues noires, leurs souvenirs noirs, leurs âmes noires parce qu’ici la couleur du deuil c’est le blanc… Et puis, la nuit, s’il se met à crier oui parce que pour moi, il crie même si vous, vous dites qu’il chante. Enfin qu’il chantait. Je suis désolée mais ma musique à moi ce n’est pas la sienne. Sur la mienne, on DANSE, à deux,  enlacés avec volupté alors que sur la sienne on se trémousse, on gigote, on s’agite seul. À plein, mais seuls. Il va falloir que je me bouche les oreilles. Je viens de voir qu’ils allaient le mettre tout près de chez moi, la tombe à côté. Ils ont commencé à creuser ce matin, il arrive, en avion.
Je sens, je sais, je devine que je vais être piétinée par des va-et-vient incessants des visiteurs futurs et je n’ai pas envie de ça, je veux juste continuer à me reposer en paix. À mon âge on aspire plus qu’à ça, le calme et là j’y étais dans ce petit cimetière de l'anse Lorient à Saint Barthélémy.
Quand il sera là il faudra que je lui fasse promettre de ne plus chanter ou alors seulement des bossas douces ou  des biguines lentes.
Il saura faire ça, lui ? S'il ne sait pas on aura le temps de lui apprendre... On va commencer par celle là s'est-elle mise à chanter:




Une vue du cimetière d'Anse Lorient de Saint Barthélémy prise sur internet.

2 commentaires:

Brigitte a dit…

Tu sais à mon avis là il sera beaucoup, beaucoup plus calme ... Il te chantera même des berceuses pour ne pas perturber le calme ambiant ! Par contre tu auras davantage de visites !

chri a dit…

@ Brigitte J'espère qu'elles respecteront l'endroit.

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