Nous avions décidé de nous y offrir une soirée et une nuit mémorables.
C'était une crique en U, comme elles l'étaient toutes par ici. Bien abritée, protégée des vents dominants, comme dessinée au crayon par un paysagiste de génie, bref, un rêve de crique...
Elle n'était accessible qu'en bateau ou bien par un sentier tortueux qui descendait de la route et qui traversait le maquis en contorsions alambiquées. Comme nous n'avions pas de bateau, il ne nous restait que peu de solutions, mais n'en avoir qu'une évite le choix. Et, ça peut aider dans une décision à prendre. Nous nous étions chargés de tout le nécessaire pour que ce soit le moins inconfortable possible.
Nous n'avions pas regardé la météo, nous nous en foutions un peu. Et si jamais, il venait à pleuvoir, ici, en cette saison, ce serait un miracle tant tout était sec dans le coin. Même les pierres avaient soif. A la vue du ciel, tout s'annonçait pour le mieux. L'ambiance était à la robinsonnade enfantine. Nous allions dormir dehors, sur une plage, comme seule cette île et quelques milliers d'autres peuvent en proposer. Une eau limpide, transparente... un cauchemar de narcisse. Un sable doux, fin... le rêve absolu des dos malmenés. Au menu du soir ce serait grillades et blanc frais et fruits, enfin de quoi voir la nuit venir un peu apaisé et étoiles filantes. Il nous a fallu une belle heure de marche, en descente douce, plongés dans les parfums des cistes, de la myrte, des lentisques et des arbousiers, griffés aux mollets par les ronces, mais des griffures qui valaient le coup, pour une fois. Arrivés en bas, nous avons installé le campement comme des princes définitifs.
La nuit était déjà là. Nous allions nous offrir des souvenirs inachetables.
Avant d'allumer le feu, nous nous sommes trempés dans le vert de l'eau, puis nous avons mangé et bu. La nuit, maintenant était noire comme une encre de poulpe. L'un de nous a proposé encore un bain. Il n'était que dix heures du soir, nous avions deux heures d'avance mais nous nous en foutions. Nous nous sommes déshabillés et nous avons plongé et éclaboussé la plage de nos rires.
Le ciel s'était illuminé d'étoiles. En revenant du bain, sur la plage silencieuse, nous avons levé les têtes vers la coupole de diamants. C'est Paul, les pieds souillés, qui nous a fait remarquer que, sur la toute merveilleuse langue de sable phosphorescent, des vaches, aussi, venaient se vautrer… Le rosé l'avait rendu grandiloquent. Il déclama comme un shakespearien déjanté:
___ Alors, nous voilà, nus, humbles, humides, dans l'obscure clarté, la tête dans les étoiles et... les pieds dans la merde...
Un assez joli raccourci de la vie, au fond.
___ La vache, j’en ai partout entre les phalanges! C'est dégueulasse!
Nous autres, en chœur:
___ Paul chéri, tu te fais du mal! Viens donc finir ton verre...
3 commentaires:
et rude fut la chute....mais c'est un bon résumé de la vie d'un idéaliste...la tête dans les étoiles ....et les ....
on connait tous la suite...
une bonne soirée mr criscot....:)
@Clo:D'un idéaliste ou d'un lucide! Merci à vous Miss Clo.
difficile d'ouvrir mes pages quotidiennes ... ici sous votre ciel
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