30 mars 2011

Jour de chagrin.

Depuis la veille le ciel était encombré. Encombré comme on le dit de bronches malades. 
La veille, il avait plu tout le jour. Du matin au soir. Et notre humeur en avait pris un sacré coup. Ca tombait assez mal, on n'avait pas besoin de ça pour être triste.
On a enquillé l'autoroute en fin de matinée. On était cinq dans la voiture. On n'était pas serré, elle était grande. Pourtant on aurait eu besoin de se serrer un peu. Comme les manchots pour se protéger du froid. Nous, on devait se protéger du chagrin. Alors, pour ça, on a profité du trajet pour jeter en l'air quelques bêtises, envoyer deux trois trucs légers pour sourire un peu, pour se dérider, pour s'empêcher de pleurer.
Un de nos amis proche allait, désormais, se retrouver seul. Une crise cardiaque brutale, définitive, sans appel avait frappé sa compagne au coeur. Un évènement d'une violence inouïe. A dix heures tu es vivant, tu as des projets, des désirs, des ennuis, des choses à faire que tu remets à plus tard, une idée qui te vient, un disque à acheter parce que tu l'as l'entendu à la radio et que la chanson t'a plu, un jean à changer dont la fermeture éclair a sauté, une machine à faire, une autre à étendre, un reproche à adresser au vendeur de pizza de la veille qui t'avait sans doute prise pour une touriste, une reine n'est pas une royale, deux mots à dire au maçon sur sa façon de laisser le chantier en plan et sa conception de l'horizontale, un appel à passer au vendeur de ce magnifique buffet en merisier vu à la salle des ventes de Fréjus et sur le prix qu'il en exige, un mot à mettre sur le carnet à propos des absences du prof d'anglais en cette année cruciale, appeler M. pour lui préciser ce que tu as pensé du  film que vous avez vu ensemble, la veille, cette commande de bois que tu n'as pas encore faite, le printemps n'est pas encore vraiment là, cette année, il y aura des soirées fraîches, le poêle ronronnera, rappeler à J.M. qu'il commande du champagne, puisqu'il monte à Reims, autant que ça serve, cette petite gène dans la gorge quand tu avales depuis hier midi... 


D'un coup cette douleur violente qui s'agrippe à ta poitrine, t'arrache le coeur et à dix heures trente deux, c'est fini pour toujours, tu es morte...
Plus vivante, mais morte. Et, avec cette mort, tu viens, sans le vouloir, d'éclabousser de chagrin tous ceux qui te connaissaient, tous ceux dont tu t'étais faite aimer. Tous ceux qui t'avaient côtoyé, une heure ou deux, un jour ou deux, une fois ou deux. Tu ne les reverras plus, jamais et eux non plus. Rien n'a été dit, rien n'a été prononcé. Si ça se trouve, vous êtes restés, toi et eux, sur des mots durs, sur des reproches, sur des doutes ou bien même, sur des questions. Qui n'auront aucune réponse. Jamais. Pour une éternité. Entière.
      C'est insensé! Tous ces départs violents, toutes ces morts brutales sont insensées. Il ne faut même pas essayer de leur en trouver un, de sens, parce que c'est à devenir fou. 
Juste contempler le désastre, mesurer l'étendue des dégats et une fois passé un délai décent, tenter d'essayer de s'en remettre. En plus, il ne faut pas qu'il soit trop long, le délai, il ne faut pas qu'il fasse peser un poids trop lourd sur les épaules de la, maintenant, absente. Ce doit être déjà si difficile pour elle d'être partie si vite, comme ça, d'un claquement de coeur, comme une voleuse qu'il n'est pas nécessaire de lui en ajouter.
Qu'elle se sente vite pardonnée, un peu, de tous ces jours de chagrin que sa mort va faire vivre à ceux qui l'aiment... 
A partir de maintenant, comment faire pour continuer à vivre dans cette maison qui a, comme été soufflée par l'explosion de ton départ? Comment continuer à habiter cet endroit qui n'a plus de toi?
Que continuer sans toi? 
Voilà les questions qui se posent désormais.
Alors, lui, on s'est contenté de le serrer. Pour le serrer.  Il nous arrive, parfois, de ne pas craindre le ridicule: nos seules paires de bras aimantes contre un immense chagrin?
Bien entendu c'était dérisoire, mais on n'avait que ça, sous la main, comme outil...


Le soir, sur le chemin du retour, sans doute parce qu'il n'était pas très fier de lui, le ciel, par dessus l'autoroute, nous a proposé un couchant d'une rare splendeur.






28 mars 2011

Le malheur, le vrai.

Swans vient de sortir tout chaud. Dedans, il y a une nouvelle... Le malheur, le vrai.

http://www.swans.com/library/art17/cottard08.htmlhttp://www.swans.com/library/art17/cottard08.html

Bonne lecture...

25 mars 2011

Une bien bonne.

Dix neuf heures trente, dans un village maintenant gagné par la nuit. 
Il revient de la ville d'à côté où il est aller poser sa motocyclette pour une révision. En partant, il a laissé la lumière du salon allumée, il revient de suite. Il n'a pas rangé les courses qu'il vient de faire pour le repas du soir. Il le fera à son retour du garage puisqu'il revient de suite. Il est parti en moto, il l'a laissée là-bas et c'est un mécanicien qui le dépose en rentrant chez lui. Pendant le trajet, ils ont parlé de la cigarette et du fait d'arrêter, l'autre aimerait bien, lui l'a fait. Ils conviennent tous les deux que ce n'est pas une chose facile, qu'il arrive qu'on en ait encore, trois ans après, des envies très fortes, des bouffées d'envie devrait-il dire. Ce court trajet a été agréable. Le jeune homme a gentiment pris soin de lui dès le départ. Le jeune homme avait allumé son lecteur CD et comme du rap s'en est échappé, il a seulement dit: Je change de musique...
Vous pouvez laisser celle là, ça ne me dérange pas. Mais le gars avait quand même changé. Tant de prévenance, j'ai l'air si vieux que ça? Avait-il pensé. Et puis malgré tout... ce n'était pas mal qu'il change. Il l'avait déposé à quelques mètres de chez lui. Ils s'étaient dits au-revoir et c'est un type plutôt gai qui s'était avancé vers sa maison.
Devant sa porte, il avait sorti les clés. Le verrou du haut n'avait rien voulu savoir. Mais alors rien. Pas question d'entrer par le garage, les clés étaient sur celles de... la moto. Il avait fait le tour de sa baraque pour voir si par hasard une fenêtre n'était pas restée ouverte. Fermées. Il avait essayé de pousser toutes les portes fenêtres. Toutes fermées.
Il avait réessayé une bonne heure avant de se résoudre. Il avait ouvert, grand ouvert tous ses chakras, il avait invoqué le dieu des serrures, il avait menacé mais rien. Il était allé jusqu'à la caserne des pompiers  pour voir s'ils n'avaient pas de double ou de passe des garages, mais il vivait dans un village si petit qu'il n'y avait pas de permanence. Il était revenu la clé basse. Il avait un peu pesté, intérieurement puis extérieurement, puis davantage qu'un peu. Mais rien n'y avait fait. Il avait un peu forcé sur la clé qui, bien entendu avait fini par casser dans la serrure. Cette fois,  à moins de briser quelque chose, une porte, une fenêtre, un volet, une porte de garage, il était à la porte de chez lui. Il faisait nuit maintenant et il était enfermé dehors. Il lui restait sa voiture, les clés, son porte feuille.
C'est avec une rage contenue qu'il avait repris le chemin de la ville d'à côté. Il s'était arrêté dans une pizzeria où il avait mangé. Autant pour se nourrir que pour réfléchir. 
Si possible. Qu'avait-il devant lui comme solutions?
Dormir dans la voiture en attendant le lendemain que le garage des motos ouvre? Les nuits étaient encore fraîches et il ne voulait pas fâcher sa vieille pote, Hernie. Il se voyait déjà le lendemain froissé comme un costume de lin, hagard du manque de sommeil, hébété, tremblant de froid. Non merci. Appeler des amis à cette heure pour leur tomber dessus? Leur tomber dessus, comme tu y vas, et alors ce sont des amis, non? Oui, mais moi je n'oserais pas. Oui, mais toi tu es un peu con. Et quand je dis, un peu, c'est un euphémisme... C'est ce qu'ils vont sans doute me dire s'ils lisent ça et qu'ils pensent que c'est vrai. Oui, oui, mais non. L'idée lumineuse, pour s'en sortir avec un peu de dignité, il l'a eue, il était temps, au moment du café: Un hôtel, voilà la solution. Il passera une nuit confortable, il se glissera sous  une douche agréable le lendemain, il engloutira un petit déjeuner acceptable en attendant l'heure de  l'ouverture du garage.
Il avait pris une chambre dans un hôtel pour VRP. A quelques kilomètres de sa maison. Il y avait mieux comme dépaysement.
Et c'est un type fatigué qui s'était endormi vers dix heures du soir dans une chambre d'hôtel pour représentants de passage, en se disant, j'en ai fait encore une bien bonne aujourd'hui et en regardant, avec bienveillance, ce qu'on était, parfois, amené à faire pour approvisionner un blog en histoires...


Mais au regard du poids qu'il avait sur le coeur, comme une mauvaise nouvelle, cet épisode là n'était rien. 
Rien du tout.







23 mars 2011

Pour nettoyer des alluvions de la vague.

Parce que le mistral voyou a remisé ses blousons noirs,
Parce que les merles se sont inscrits à la chorale,
Parce qu'on a donné un coup de blanc aux branches des amandiers,
Parce que la nuit n’arrive maintenant qu'après la dix neuvième heure,
Parce que l’estragon, le persil, la ciboulette étoffent leurs silhouettes,
Parce que les canards énervés volent dans les plumes des canes conquises, yes they can,
Parce que les forsythia (l'écrire, celui-là...) se sont mis sur leur trente et un,

Parce que  des soupes de doigts vont se remitonner sur les bancs publics des villes,
Parce que sur beaucoup de visages les fronts se déplissent, les sourires réapparaissent,
Parce que les têtes ressortent des cous enfouis sous les écharpes,

Parce que la douceur est une chose plus fragile que la force et qu'il faut la ménager,
Parce que les ours vont aérer les tanières et inviter les marmottes à boire un verre,
Parce que les odeurs reviennent aguicher nos narines,
Parce que les fauteuils des terrasses sont à nouveau fréquentables,
Parce que les chiens remettent leurs truffes dans le derrière des copines,
Parce qu’on a attendu obstinément pendant quatre mois que ces jours là arrivent,
Parce que les anoraks sont repartis vers les pôles nord des armoires,
Parce que les colombes et les  tourterelles se la roucoulent douce,
Parce qu’en moto on recommence à fermer la bouche,
Parce que le jour se lève, maintenant, avant qu’on nous réveille,
Parce qu’enfin, le soleil sert à autre chose qu’à éclairer les ruelles,
Parce que le linge et les draps sèchent, désormais dehors, sur les fils,
Parce qu'au fond nous sommes, aussi, une bande de mammifères sensibles,
Parce que les pies ont repris le chemin des cours de jacassage,
Parce qu’on va ressortir les vases des placards et les fleurs des serres,
Parce que les chats chahutent à nouveau sous les balcons des juliettes,
Parce qu'on remonte du rouge de la cave et qu'on remet du blanc au frais,
Parce que les courses énervées des lézards sur les murs à nouveau réchauffés,
Parce que ça bourge au bout des branches des figuiers,
Parce que temps clair, ensoleillé en fin de journée,

Parce qu’on peut, à nouveau, reposer un peu nos fesses dans le vert de l’herbe,
Parce qu'on va se remettre à chanter "Le temps des cerises" à plusieurs et à tue-tête,
Parce que ça ne change rien à rien mais que ça adoucit, la vie, un peu quand même,
Parce qu’on est le vingt de Mars et qu’on va s’en servir un verre,

Parce que je vais vivre mon cinquante huitième et toi ton... premier,

Parce que demain c’est le vingt quatre et que, si tout va bien, on devrait le voir arriver...












20 mars 2011

Marinade.

En allant au marché, mon oeil moqueur a été attiré par ça:



Alors, je me suis dit que même en ce moment, on pouvait lui préférer celle... d'Hokusaï...



Je sais qu'on ne doit pas se faire une vague idée sur les gens à l'avenance de leur visage, parce que c'est... moche et que ça ne se fait pas. Mais il se trouve que ce Monsieur Cavasino, non content d'être de son parti et de le représenter, dirige une entreprise de... pompes funèbres pas loin de l'endroit où j'habite. Ca ne s'invente pas...
Alors, je le dis ici de manière un peu solennelle, au cas, où je mourirais, ce qui m'étonnerait vraiment beaucoup, tellement je suis contre... Dans ce cas fort peu probable, donc, je refuse que ce soit lui qui s'occupe de moi... Je ne veux pas que ce gars là s'approche de moi.
Débrouillez vous comme vous pouvez!

PS: Lâche comme je suis devant elle, autorisez-le, cependant, à me poser les mains dessus, si par hasard je bougeais encore,  s'il avait son diplôme de secouriste dans une main et un défibrillateur dans l'autre... 
Ce serait trop bête de calancher à cause d'a-prioris trop vite énoncés...

PPS: S'il y avait toute extrême urgence, permettez lui également le... bouche à bouche mais négociez, vite fait, le rasage de moustache... Une vie, la mienne, contre une moustache, la sienne...

PPPS: Finalement non pour le bouche à bouche! Qu'il fasse un massage cardiaque! Vite!

Faut-il l'aimer, la vie...

18 mars 2011

Les ombres pesantes.

Elles sont présentes les ombres pesantes
Surtout quand elles se font absentes

Elles se tiennent droites, pales, rigides
Et leur mutisme est assourdissant.

Elles nous laissent nus, froids, livides,
Leur sombre nous  aveuglant.

Les disparus c’est en nous qu’ils vivent,
Ce sont nos nuits qu’ils hantent,

Et si les  sourires qu’ils ravivent
Quelques fois, nous aimantent,

C’est à ceux là, qu’il faut qu’on pense,
Bien plus qu’au vide, qu’à l’absence.

Où êtes vous, Paul, Jeanne, Marie,
Tony, Pierre, Aimée, Anne, Henri ?


Et toutes ces morts latentes,
Recouvertes de neige lente...

Dans quels recoins de nos corps?
Dites nous, dites nous encore,

Où vous trouver pour vous serrer
Contre nous, contre nos cœurs lacérés?

Et que revienne l’envie, de nos vies,
Perdue, sans nouvelle neuve de vous.


Comme vous êtes présentes,
Nos milliers, sombres passantes...







14 mars 2011

12 mars 2011

Sa peur, mon pied.

Il y a eu une époque dans ma vie où, sans me vanter, je n'y étais pour pas grand chose, je prenais l'avion comme on attrappe le RER A et pourtant, j'en mets ma main à couper et même le bras qui suit que, malgré cela, toutes ces années, ce n'est seulement qu'UNE fois que le merveilleux hasard s'est dépatouillé pour que je me retrouve assis à côté d'une jolie femme sans compagnon ou compagne, enfin sans quelqu'un avec. Une personne qui illumine la durée du vol, qui élargisse le confinement, qui aère la cabine...
C'était lors d'un Paris-Bogota avec escale à Pointe à Pître. Un vol de nuit de huit heures du temps où l'on pouvait, encore, écarter un peu les coudes surtout si l'avion n'était pas tout à fait plein. Elle était brune avec de longs cheveux qui flottaient au ralenti comme dans les pubs pour shampoings gonflants. Tout en elle la désignait voyageuse habituée du mois... Son jogging haute couture, le masque pour les yeux, personnel brodé à ses initiales, prêt à servir, pour l'instant posé sur son front, la polaire dont elle s'est couverte peu après le décollage, les sourires qu'elle distribuait généreusement à tous ceux qui croisaient son regard noir profond comme une fosse atlantique. Je me souviens, encore aujourd'hui de son odeur. Un parfum de classe pas trop capiteux, frais, fruité, presque qu'elle avait dû choisir pour qu'il tienne la durée du vol. Mon nez à changer que c'était un Kenzi quelconque... Je me souviens aussi du sourire qu'elle m'a envoyé en me souhaitant bonne nuit et ce qu'elle m'a dit en espagnol en se couvrant les yeux de son masque de soie et en s'enfonçant deux écouteurs dans les oreilles: qu'elle n'avait pas faim, que l'hôtesse ne la dérange pas avec le plateau, elle comptait sur moi pour veiller sur sa tranquillité. Oui, c'était du temps où dans les avions, on vous apportait un plateau fumant avec des mets de choix dans des assiettes, avec des couteaux qui coupent et des fourchettes qui fourchent. J'étais désigné LE chevalier veillant sur elle. Elle ne s'était même pas dévoilée à l'escale de Pointe à Pître et c'était sans un signe de sa part que j'étais descendu, comme un escort boy vaguement frippé et nettement dépité.
Puis, je n'ai plus pris l'avion que pour de bonnes raisons. Parce que c'était bien plus rapide que le bateau, parce que le train n'allait pas où j'allais, parce que je n'avais que quatre ou cinq jours devant moi. C'est surtout qu'à partir d'un certain moment, je me suis mis à payer mes billets et que rien que ça change tout à la manière d'envisager les voyages. Je suis persuadé que les gens partiraient davantage si les billets étaient gratuits...
Dans l'avant dernière carlingue que j'avais fréquentée, j'étais coincé comme des grains de riz dans un sushi, entre deux hollandais qui avaient dû faire une école de sumo. Mauvais souvenir.
La deuxième fois où j'ai été assis dans le siège voisin d'une femme séduisante a largement récompensé ma sainte patience. Du moins, je l'ai longtemps cru. Après la colombienne d'il y a quinze ans, une magnifique et toute pimpante jeune femme, très gaie est venue se poser à mes côtés pour un vol moyen courrier. On lui avait attribué le siège 26 b, j'avais le 26a. Je n'en croyais pas mes yeux. Je n'ai pas cru mes oreilles quand elle m'a parlé en français. Elle m'a tout déballé. Une sacrée bavarde. Et qu'elle était si heureuse de partir pour retrouver ses deux soeurs qu'elle n'avait pas vu depuis des années et qu'elle se faisait une joie immense de les revoir mais qu'elle ne savait pas si elle allait avoir quelque chose à leur dire et qu'elle ne le prenait que très rarement simplement parce qu'elle avait une peur bleue et qu'elle en était, depuis ce matin, à trois lexomil plus quelques verres de blanc, qu'elle se demandait si ça n'était pas tout ce mélange qui la rendait si volubile, il fait si chaud ici, non, vous ne trouvez pas? Qu'elle allait peut-être finir par être malade, que je pouvais déjà lui passer, en prévention, mon petit sac à moi et que si ça ne m'embêtait pas, elle prendrait ma main pour la durée du décollage de façon à apaiser un peu ses craintes, qu'elle s'excusait par avance de la serrer un peu fort... Dès qu'on a roulé, elle a collé ses doigts dans les miens et m'a serré. J'étais aux anges. Sa peur était mon pied... A peine l'avion en l'air, quelques perles de sueur à son front, vite estompées d'un passage d'un mouchoir en papier, elle a lâché ma main, elle a descendu deux trois mini bouteilles de Chablis qu'elle avait demandé à l'hôtesse, en urgence. Ensuite, elle a posé sa tête sur le siège et s'est mise à ronfler comme une forge. J'en ai profité un peu pour la regarder. Belle, elle était belle. Qu'elle ronfle ne lui a rien enlevé de sa joliesse, qu'elle bavouille un gentil petit filet comme un fil de toile d'araignée de sa bouche entre ouverte, non plus. Elle était si tellement mignonne. En vrai, elle était tout ce que j'aime. Mince, l'ai malin, le regard vif... Mais là, elle dormait, à poings plus que fermés comme des Alcatraz de poche. Notre conversation était bien interrompue... 
Puis, l'avion a entamé sa descente. Ma belle endormie l'est restée. Qu'on soit en approche ne lui a fait ni chaud, ni froid. 
Je regardais par le hublot le sol s'amener et comme on allait bientôt se poser, j'ai pris sa main d'un geste ferme, doux et apaisant, enfin c'est comme ça que je l'ai voulu.
Là, elle s'est réveillée, elle a vivement retiré ses doigts des miens comme mordue par un aspic et elle m'a lancé, l'oeil noir: 
__ Ah non! C'est juste du décollage dont j'ai peur, l'atterrissage, ça va!
Misérable peureuse, effrayante trouillarde... pauvre fille, j'ai pensé. 
Vexé comme une armée de poux. 
Mauvais.
Blessé.





10 mars 2011

Avion de lignes

De retour du Nord de la Hollande pour de domestiques raisons (clin d'oeil appuyé, en vrai un grand bonheur tout neuf à accueillir...), j'ai eu le privilège de monter dans un Boeing de la compagnie Transavia. Un pur bonheur de promiscuité extrême avec ses voisins immédiats, des néerlandais charmants MAIS volumineux (comme le sont à peu près tous les néerlandais, enfin pour ce qui est du volumineux. Leur amour de l'étranger étant en ce moment un poil en berne...).
Deux heures de vol, les bras le long du corps à pouvoir à peine respirer et l'idée même de s'évader vers les toilettes enfuie dès l'endormissement brusque après le décollage d'un de mes deux compagnons, celui qui gardait le couloir bloqué... Un cadeau du ciel.
J'avais dans une main un stylo et dans l'autre un carnet. La notion de Sudoku m'étant aussi étrangère que celle de la luxure à Jean-Paul 2, quoique pour ce dernier, on ne sait pas, une aversion rédhibitoire pour les chiffres, tous les chiffres, j'ai donc joué avec mon carnet et mon crayon.
Je me suis amusé à chercher des titres de roman.
Les voilà. Pour les lire si vous avez besoin de deux géants blonds vous comprimant en parlant fort, j'ai des adresses.

Dans la hauteur des herbes molles.
Le silence des amers.
Des méchancetés insondables.
Par peur du jour.
La pluie, incertaine.
L'oblique des sentiments.
L'étrange aventure du nain Sielbermann.
Une aube au coin des doutes.
Les catastrophes sereines.
A ne plus pouvoir te dire.
Ton nom dans ma main.
Un soir, allongé.
Une camisole de farce.
La raideur des oublis.
Tes manques à gagner.
Quand, par hasard.
Les temps d'un crime.
Des verticales nues.
Sous des cieux nubileux.
Les rêves de Samuel, l'incroyable.
Des silences étincelants.
Il est grand temps de vivre.
Une maladie convaincante.
Remets ton sourire!
Une mélancolie printanière.
Les rires de Léo.
Les fracas du renouveau.
Des lunes à revendre.
Boulevard des rhums arrangés.
Des températures prometteuses.
Auprès des grands tremblements.
Le lundi à huit heures.
Une caravane au dessert.
Un désir de sable fin.
Du soleil dans nos matins transis.
Nos mots d'amour éperdus.
Une tendresse carnassière....


Ouf,  deux heures de vol! Respirez, soufflez!

03 mars 2011

Sur le banc.

Un  joli petit poisson tout neuf, frétillant comme un gardon, gigoteur comme une ablette nouvelle, vient de prendre place dans le grand ban...
Il va s'appeler Samuel et Léo. Enfin, c'est surtout nous qui allons l'appeler comme ça. Un malin mélange entre Beckett et Eto'o, Delibes et Ferré.
A l'heure où j'écris, il vient tout juste de fêter sa toute première semaine... UNE semaine! Seulement et déjà...
Ce ventre recroquevillé a, heureusement, tout ce qu'il faut, au bon endroit, en parfait état de marche et, pour l'instant, on est encore très heureux de l'entendre, on ne souhaite pas qu'il s'arrête. Un vrai joli petit poisson tout neuf...
Surtout quand il pleure de faim. Alors, bien sur, il n'a pas encore une immense conversation, ni un avis très tranché sur les choses et le monde mais cela ne l'empêche nullement de s'exprimer...
Il en est à: Encore! Trop chaud! Trop froid! Mal au ventre! Pas seul! Les bras! Chui mouillé!
Mais il va sans doute affiner les demandes, les exigences et les reproches....

En vrai, ce petit Bouddha là n'est pas très beau... il est magnifique...

Ah, il se les caille quand on le déshabille, ce qui pour un poisson n'est pas surprenant, mais contrairement à eux, il se remplit quand il se vide...
Pour l'instant, comme il vient à peine d'être inscrit sur la feuille de match, il reste encore sur le banc, il va étoffer un peu son physique, se préparer, travailler son endurance, mais il ne devrait pas tarder à entrer en jeu... Et, nous, ne devrions pas tarder à en entendre parler...












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