10 mai 2012

Duo d'ombres.

Pour les Impromptus littéraires, le thème de la semaine est Duo d’ombres.
Paris, tout le monde le sait, est plein des fantômes de ceux qui y ont vécu ou y sont passés. Comme le temps leur parait long, bien qu'il soit pour eux aboli, ils se rencontrent ça et là pour deviser, ou encore ils s'écrivent, sans que l'époque qu'ils ont investie de leur vivant soit un obstacle. Le vent parfois porte un de ces chuchotements ... J'ai écrit un premier texte qui a été refusé. (Pas de politique). Alors, j'en ai envoyé un second! Voilà le refusé.


Duo d'ombres.1.
En fin de semaine dernière, à l’heure où le pays tout entier et moi, avec, attendait les résultats d’une élection nationale, un de ces soirs maudits de discorde nationale, ma sensibilité disons progressiste a guidé mes pas vers la place de la Concorde, du côté où il semblait acquis dès le début de l’après midi que les perdants se trouveraient. Par sympathie ! Par amour de l’autre, en effet, il y aurait là davantage de réconfort à apporter qu’à la Bastille, que je me suis dit, naturellement. Puisque leur chef semblait battu, puisqu’ils avaient ainsi comme perdu leur tête, c’est là qu’on serait utile.
Bien entendu, avant l’annonce des résultats, la place était déserte, forcement déserte. Seules quelques ombres en pleurs rodaient en long et en large sur les trottoirs, comme des âmes en peine, perdues. J’en ai serré quelques unes dans mes bras, j’ai tenté des mots d’apaisement : un de perdu dix de retrouvés, cinq ans passent vite, nous… Enfin, VOUS pouvez  encore gagner les deux prochaines batailles, il nous... il vous  reste la vie allons...  Même si cela n’était pas une tâche facile, tant la tristesse semblait grande, j’ai fait du mieux que j’ai pu. Je ne suis quand même pas allé jusqu'à éponger leurs larmes d'une serviette de soie...
J’allais me rentrer, presque heureux de la « mission »accomplie, j’allais m’engouffrer dans une bouche de métro quand j’ai entendu nettement quelques phrases. Je me suis tourné vers l’endroit d’où elles venaient mais, j’ai eu beau chercher, je n’ai vu personne. Et pourtant, je les entendais distinctement. Très distinctement, même. Elles disaient avec un ton somme toute ampoulé, voire aristocratique :
« Mais enfin, nous cherchons, nous cherchons mon Bon. Mettez-y davantage d’ardeur mon ami… Depuis le temps que nous cherchons…
Mais Sire, il y en a eu tellement ici que ce serait miracle que nous réussissions…
Un corps de Roi, ça devrait se reconnaître tout de même… »
En se prononçant, ces mots s’éloignaient de moi. J’ai décidé de retarder d’un moment mon retour, j’étais intrigué, je voulais comprendre ce qui se passait, en présence de quel phénomène j’étais.
En vrai, quand on se concentrait, ce que je me suis obligé à faire, les voix, c’est par centaines qu’elles conversaient sur cet endroit. Et toutes cherchaient à comment dire… Recoller les morceaux. C’est ce que j’ai fini par comprendre…
J’ai marché sur la place presque vide en suivant les phrases entendues prononcées ici ou là et chacune ne cherchait que ce qui lui manquait.
Aussi étrange que cela paraisse, et sans doute depuis plus de deux siècles, toutes les têtes tombées là lors des épisodes sanglants de la Terreur ne cherchaient simplement, seulement qu’à retrouver leurs corps   épars afin de se réunir pour l’éternité…
L’œuvre était immense, il leur fallait faire concorder chacune de ces têtes avec chacun de tous ces corps…
La place de la Concorde portait définitivement bien son nom…





12 commentaires:

Michel Benoit a dit…

Même sans tête, il est parfois payant de s'entêter. :)

M a dit…

Sévérité impromptue... je trouve ! Un peu d'histoire, un peu d'humour spiritite moi ça me fait sourire. A mon avis c'est "cinq ans passent vite, vous...Nous, vous pouvez encore gagner..." Un petit pronom personnel de trop peut-être !

chri a dit…

@ M J'en ai envoyé un second où il y a moins de politique... Je verrais bien! Merci, je corrige les pronoms...

M a dit…

Ben non ! c'est savoureux ce lapsus que je pensais volontaire...

chri a dit…

@ M oui, c'était volontaire mais on peut faire avec un de moins quand même!

M a dit…

Le n°2 aborde la chose avec plus de finesse et j'y reconnais davantage votre griffe... Bravos donc !

chri a dit…

@ M C'est fin, je pense à: C'est fin, ça se mange sans fin...

Tilia a dit…

Les fantômes de la Concorde vont-ils emboîter le pas à celui de l'Opéra ?

odile b. a dit…

Recoller une tête, c'est sans doute pas facile... encore faudrait-il, d'abord, effectivement, retrouver le corps où la replacer... surtout quand c'est une tête couronnée !

Oyez, oyez, braves gens, le récit d'une simple couronne dentaire d'un mien ami !
LA couronne céramique d'une incisive bien en vue de la mâchoire supérieure, là, juste devant, est tombée en arrachant précipitamment l'emballage luxueux d'un chocolat enveloppé... Un week-end de 8 mai sans dentiste - et donc sans dent devant - c'est embêtant ! (ça vous ramène à vos sept ans : la p'tite dent sous l'oreiller, la p'tite souris... Mouais... ça fait pas très sérieux, quand on n'a plus sept ans...) et surtout, ça n'est pas drôle du tout, quand ça tombe le jour de votre anniversaire alors qu'on vous réclame de tous côtés : "Souriez, souriez, pour la photo" !!!... :)
Le week-end terminé, ça rigole plus du tout : il faut trouver une solution... :(
L'inspection des lieux et des restes ayant confirmé que la racine de base avait cédé, nécessité, donc, d'envisager un pivot pour un ancrage plus solide, avec pose d'une nouvelle couronne (à l'identique, en céramique, pour l'esthétique)... ou d'un implant, (financièrement plus conséquent)...
En attendant l'évaluation du budget d'un tel changement, un point de colle fera provisoirement l'affaire pour retenir l'ancienne couronne. Une mise en garde, cependant : rester vigilant, en mangeant, pour ne pas la décoller, ni, surtout... l'avaler...
De concorde en discorde, d'opéra en opérette, d'anaphore en métaphore... l'essentiel, avant de placer une couronne, reste bien, surtout et avant tout, de savoir ne pas perdre la tête ! A quoi bon une couronne sans tête ?

PS
Cette chimère grimaçante et dominante qui scrute la ville a toute sa place dans ce duo d'ombres... Le diable en rit encore !

chri a dit…

@ Odile Comme à chaque fois merci de votre commentaire qui prouve votre aristocratie: Vous n'avez aucune dent contre les couronnes!

odile b. a dit…

@ Chriscot
Quoi ??? Aristo, moi ???... !!!... Vous plaisantez, Monsieur !!!
Vous croyez que cette histoire de couronne ne nous en a pas fait assez baver ?
Quand on n'a pas de sous pour se payer un implant, faut bien s'accommoder d'une couronne rafistolée à la super-glu...
Va falloir serrer les dents pour s'en accommoder :(

chri a dit…

@ Odile On peut avoir de la hauteur de vue sans être de la haute...

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