Comme,
malgré la crise, il était encore en paix, ce pays, en cette fin d’Octobre…
Comme elle
était paisible, l’ambiance de cette petite ville de la côte normande à l’heure
où l’on remonte de la plage…
Comme ils
étaient aimables, les trois jeunes gens qui dévalaient en bicyclette l’Avenue
des mouettes dans la lumière rasante de l’été indien dans cette fin d’après
midi d’insouciance…
Comme ils
riaient à jeunesses déployées, leurs blondes chevelures en queues de comètes, poussières
dans l’air du soir, décoiffées en vagues par la vitesse et le vent de terre…
Comme ils
glissaient dans la tiédeur, ces trois là, de la musique plein les oreilles,
seulement suivis de leurs sourires éclatants et de leurs chants joyeux…
Comme ils
étaient minces et beaux dans leurs pulls marins rayés bleu et blanc, dans leurs
pantalons de lin blanc, dans leurs espadrilles de cordes, dans leurs peaux de
jeunes gens, leurs vingtaines splendidement tartinées de vitamine D…
Comme il
est tapageur, le bonheur quand on veut l’imposer aux autres…
Comme à
côté d’eux, sur le trottoir d’en face, nous paraissions vieux, flasques et
fourbus dans nos shorts pendants, avec nos peaux pelées, nos nez brillants, nos
tongs hors d'âge…
Comme il
semblait lui aussi, fatigué l’écrivain assis en terrasse, attendant, un carnet
devant lui, un stylo à sa main, au carrefour de l’avenue de la plage et de la
rue des Marées…
Comme
rougis ils étaient, par l’effort et la chaleur qui régnaient, les deux ouvriers
qui ahanaient en déménageant les piles de livres de l’ex Bibliothèque Arthur
Rimbaud, tout en haut de la rue des Marées. Dire qu’ils devaient encore descendre
le tout, en bord de mer, dans la Médiacothèque Nadine Morano (on a les héros qu’on
mérite !), inaugurée lors du dernier quinquennat, clinquant neuve, bâtie le
long de la plage, juste à côté du casino flamboyant (on en croyait
pas si bien dire !) neuf...
Comme ils
pestaient, les deux, après ces écrivains qui noircissent des pages et des pages
et produisant des volumes et des volumes alors que, hurlaient-ils, leur dernier
colis dans les bras, dix livres pour tout dire suffiraient ! Dix !
Pas un de plus ! Tu as raison mais heureusement pour nous qu’ils s’y sont
mis, qu’ils se sont attelés à la tâche, qu’ils y ont perdu la vue quand ce
n’était pas la raison, sinon à côté de quels grands moments serions nous
passés…
Comme ils
ont refermé les portes avec soulagement, ils n’aimaient pas bien travailler
pendant que les autres se tournaient les pouces en se la coulant douce…
Comme,
d’un coup, sous l’effet de la fermeture de la porte arrière, il s’est mis à
avancer, droit vers la mer, le camion rempli de livres…
Comme il
était horrible, le rictus du chauffeur qui venait de comprendre que le frein à
main avait salement lâché…
Comme les
jeunes gens en bicyclettes, plus bas, là-bas, tout occupés d’eux-mêmes, qui
venaient à sa rencontre, eux ne voyaient rien venir…
Comme
elles dévalaient maintenant à très grande vitesse les six tonnes de tous les
tomes du camion rouge…
Comme le
bruit allait être effroyable…
Comme
l’écrivain allait, lui, enfin, avoir du grain à moudre… Il y aura bien une saleté
dans une maison d’édition qui dira partout que la lecture de cet accident est d’un
ennui mortel, pensa-t-il, cyniquement...
Comme le
choc fut rude…
Comme
notre honte fut passagère après le «bien fait » qui nous est venu, quand
on a vu qu’ils avaient, les trois jolis, fini leur course, à peine décoiffés
par le camion, quand même un peu éparpillés, les fesses rosies par la fraise et
la framboise des bacs de sorbets et de glaces italiennes…
C’est peu
après que l’ambulance les ait emportés vers l’hôpital le plus proche, pour
vérifier, qu’à l’intérieur du camion, allumés par on ne sait quoi, sans doute
de l’essence échappée du réservoir éclaté, que
les livres ont commencé à brûler…
Et c’est
ensuite que tout a dégénéré… Le feu s’est propagé à la vitesse d’un compte qui se vide, d'un ministre qui gaspille…
C’est par l’église en bois nouvellement réhabilitée en supérette que tout le reste de la ville paisible s’est embrasé…
C’est par l’église en bois nouvellement réhabilitée en supérette que tout le reste de la ville paisible s’est embrasé…
Elle fut
réduite en un sale tas de vraies cendres en moins de temps qu’il n’en faut pour
l’écrire.
5 commentaires:
Pourquoi le sursis du casino ne m'etonne-t-il pas ?
Pourquoi s'étonner que la saleté qui s'ennuie applique le principe de Peter ?
Pourquoi ne pas lever le sourcil à l'annonce que la bibliothèque devienne une ploutocothèque ?
Fatigue...
Oh ben ça alors !
L’histoire, je la lis… M’enfin… le phare et LA Crêperie Rose, c'est Sauzon, à Belle-Ile-Mer, dans le Morbihan, en Bretagne… En Bre-ta-gne, Chri ! pas en Normandie ! Toute rose, la crêperie bretonne donnant sur le port de Sauzon, avec ses crêpes au salidou (caramel au beurre salé) même si on peut vous y proposer, en dessert, une... "Normande" :D …
=> "Crêpe au sucre biologique avec des pommes cuites dans du beurre demi-sel, flambée au Calvados, accompagnée d’un petit pot de crème fraîche" => Hummm !!!...
(pas chauvine, moi !)
NB - "La cassonade, le rapodura et le sucre de nos crêpes sont issus de l’agriculture biologique ainsi que les pommes, les oranges et les citrons. La crème de pruneaux et le sirop d’érable le sont également. Nous utilisons du chocolat extra-bitter Valrhona. Le lait est produit à Belle-Isle."
C'est ici :
Crêperie - Bar - Salon de Thé- Glaces "Les Embruns"
Quai Joseph Naudin
56360 SAUZON
Tél : 02.97.31.64.78
http://les-embruns.pagesperso-orange.fr/Crepes.htm
@ Odile Je sais bien que Sauzon est en Bretagne mais je voulais un illustration Ouest et Océane et c'est bien l'Ouest, là!!!
Ah ah ! elle est bien bonne !!!
Tiens donc... vous croyez vous en tirer comme ça, en changeant de photo et d'orientation du banc !!!
La Normandie (où vous situez la scène) c’est pas à l’Ouest : c’est au Nord... et c’est pas l’Océan : c’est la Manche !!!
Mais je vous vois venir : Sauzon (et La Crêperie Rose) ça donne vers le continent, donc Est... et pas direct sur l’Océan, mais sur la Baie de Quiberon...
>>> Têtus, ces bretons !!!
Bonne semaine (petite) à venir !
@ Odile Le banc est à Houlgate où se passe (dans ma tête) la scène, mais vous avez raison, Sauzon est plus jolie!
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