05 mai 2015

Un tiens.

Pour les impromptus littéraires de la semaine. Le texte devait comporter cette phrase: Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. M'est venu ça:


Il s’est levé vers les huit heures trente. Il était beaucoup moins pressé qu’avant maintenant qu’il avait perdu son boulot. Ce sentiment de solitude alors qu’il savait qu’il n’était pas le seul. Et de loin. Surtout dans cette partie du centre de la France. Tulles en Corrèze où  l’emploi était depuis quelques années une denrée rare. Un sentiment doublé de celui terrible d’être abandonné. De tous. Ou presque.
Il a écouté les infos sur son poste déglingué acheté chez Emmaüs. Elles étaient comme les autres jours. Mauvaises.
Du temps où il avait une famille, ils vivait dans un petit pavillon d’écart de ville, acheté à crédit. Bien sûr les fins de mois étaient difficiles mais au moins, il y en avait.
Maintenant c’est dur dès la première semaine. Et puis ce foyer. Pardon. Pour le confort et l’intimité, pardon. Ce n’était pas l’endroit idéal. Sale et bruyant. Un endroit pour les pauvres, en fait. Depuis qu'il l'était devenu il avait fini par remarquer qu'ils sont toujours, ou presque, partout ou presque installés dans des endroits sales et bruyants. Cette étrangeté était quasiment universelle.
Ce qui l’énervait le plus, ce qu’il n’arrivait pas à comprendre c’est comment cette situation insupportable,  était, dans tout le pays, si banalement acceptée. Comment tous et chacun s’accommodaient de cette misère latente qui peu à peu gagnait le pays, comment l’ensemble de la société restait  paisible malgré les annonces sans cesse répétées des licenciements, des fermetures d’usine, des plans de restructuration, de ces foules entières mises au chômage, autant dire balancées à la trappe, jetées en pleine mer, sans grand espoir de retrouver un boulot un jour, comment tout le monde se satisfaisait de ça. Comment aucune révolte ne semblait sourdre. Ça oui, le choquait profondément.
Mais aujourd’hui était un jour un peu spécial. Il allait à un entretien d’embauche. Le premier depuis six ans.
Aussi, quand on lui a proposé de porter une pancarte et se balader en ville quatre heures par jours pendant une semaine pour célébrer l’ouverture d’un restau indien en centre ville, entre parenthèses s'il a trouvé quelque peu ironique de devenir homme sandwich pour ne plus avoir faim, il n’a pas hésité bien longtemps. Il n’a pas pensé humiliation, il a juste calculé que cette modeste paie, lui permettrait, ce mois-ci, d’au moins payer son loyer, à peu près, en temps voulu. Et puis, dans sa situation refuse-t-on deux repas au restaurant ? Fût-il indien? Le salaire, (en était-ce un vraiment ? Une aumône?) n’était pas merveilleux, mais en attendant un miracle…
En signant le contrat il a souri en pensant :


Indien vaut mieux que Dieu... Tulles l’aura.



7 commentaires:

odile b. a dit…

"devenir homme sandwich pour ne plus avoir faim".
Ventre creux et plein le dos : ouble et triple ironie de faire la pub pour un restau indien... Dur à avaler, pour un crève-la-faim ! De quoi devenir boit-sans-soif...

odile b. a dit…

Double ironie

chri a dit…

@ Merci Odile! Double ironie pour une histoire malheureusement si simple!

M a dit…

"Ce qui l’énervait le plus, ce qu’il n’arrivait pas à comprendre c’est comment cette situation insupportable, était, dans tout le pays, si banalement acceptée."
Qu'ajouter ?
Pour la forme, en voilà une consigne qui n'a jamais aussi bien été blackboulée !

chri a dit…

@ M Merci M! Oui, je lui ai mis une petite claque à la consigne mais c'est affectueux!

Anonyme a dit…

on dit pas Un claque ? mettre son claque à la consigne ?
bon retour au boulot.
Marie.

chri a dit…

@ Marie Un claque c'est un haut de forme... Un chapeau claque. C'est aussi un bordel il me semble...
Merci pour tes voeux, ce sera pour demain.

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