06 juin 2016

Et puis...

Et puis, même le Grand, l'immense, le Si Puissant Mohamed Ali est mort.
Mes douze ans, une partie de mon enfance toute en noir et blanc avec lui. J'aurais bien aimé qu'il débarque et colle une bonne raclée aux grands qui nous tapaient dessus dans la cour de l'école Carnot. Je ne dis pas que je l'ai appelé secrètement,  mais pas loin...
Ainsi donc, la boxe c’était aussi ça : Danser sa colère autour de ses adversaires et de temps en temps leur balancer dans le nez une ou deux briques de plomb avec parcimonie, élégance  et précision. Alors, l’autre saoulé de parpaings, tombait, vide. Généralement, il ne s’en remettait pas. Et Ali dansait encore autour du type sonné.
Il lui arrivait de parler, aussi. Zlatan est un petit garçon sage à côté. Je préférais quand il boxait et fichait une trempe à ses adversaires.
Cette fois, c’est lui qui y est resté. Et mes douze ans avec.
La mort plus forte que Cassius Clay... La vache. Le temps prend son temps mais il bosse, il avance, lui, il traîne vaguement en route, il flemmasse, musarde, buissonnise mais avance,  et fauche, fauche, encore et toujours.
Il allonge même les plus solides, les plus forts, les plus puissants. Il met KO les mammouths, les bisons, les boxeurs de génie qui dansent et les enfances des petits garçons qui écoutaient à la radio la nuit les commentaires excités de combats se déroulant à l’autre bout du monde.
S’il ne s’occupait que d’eux ! Tout le monde y a droit, les musiciens fragiles et sensibles ont leur compte aussi. Les peintres torturés dont certains n’ont pas la patience d’attendre, pareil, les salauds patentés, avec.  Les misérables et les puissants dans le même panier. Tous y passent, tous plient les genoux, tous sont cueillis au menton. Indifféremment. Chacun son tour.
Voilà trente ans que Parkinson faisait trembler ces mains qui avaient fait trembler le monde. Ça me rappelle cette main gauche maniant fleuret, à qui je dois mon prénom, qui s’était mise à trembler après avoir été si fulgurante. Si on a des ennemis, on n’a qu’a attendre. Leur tour viendra. Malheureusement, il se charge aussi de nos amis. Hey Parkinson, vous auriez dû rester une chanson, la vie n'aurait pas eu le même goût. Quand j'y pense, le Graduate, le bachelier, le Lauréat, celui qui l'incarnait va avoir 79 ans cet été. Soixante dix neuf! Si ça n'est pas un bel uppercut...

En patientant, en cochant au fur et à mesure qu'ils tombent... des noms sur des listes, des visages connus, des histoires vécues, des personnes rencontrées il nous faut vraiment profiter de ce qui nous est donné : Entre autres, une odeur de chèvrefeuille, une marche dans la campagne, le décollage d'un geai surpris dans le touffus d'une haie, un sourire croisé, deux mots échangés,  un verre de bon vin blanc frais, un bouquet de piboines blanches, une pensée amie, un réveil ensoleillé, le chant enjoué d'une merlette amoureuse au jour naissant, une phrase lue qui fait mouche, un nuage entêtant de parfum du seringat, le rouge d'un champ de lin sous un ciel de traîne…
Bref, tout ce qui, ici bas, nous laisse ko debout d'émerveillement...


17 commentaires:

M a dit…

Cassius, je frolais les 4 ans alors en plus d'être une fille j'ai pas bien connu ! Par contre en ce moment je me délecte des chroniques de François Morel et c'est un peu comme un upercut de ressentir ici le meme souffle de sensibilité... c'est amusant comme lire ce qui est d'habitude entendu prend une autre dimension et le parallèle m'a sauté aux yeux (en général, pas que sur ce post)
Parkinson c'est vilain et ça ne porte pas un joli nom

chri a dit…

@ M ............................

odile b. a dit…

Superbe, la photo. Tout ce rouge et la barrière verte en fond de tableau.
En marchant vite, j'ai cru, un moment, qu'il s'agissait de coquelicots, et j'étais déjà bien jalouse de voir des étendues pareilles... Et puis non, pas possible : les coquelicots ça ne pousse pas en sillons... Et puis, deux fois non : en y regardant de plus près, j'ai pensé à des œillets à delta, impressionnée, quand même, par l'étendue de ces cultures... Et puis j'ai lu... et suis restée scotchée de lire que c'était "du lin rouge". 
Du lin rouge ??? Ne connaissant personnellement que le lin bleu - ce bleu à nul autre pareil - j'ai toujours cru qu'il n'existait QUE du lin bleu. Alors, je me suis pen'sé que Chriscot avait sans doute pris un coup d'chaud :)... Me suis précipitée chez Gougueul, Wiki and Co, pour découvrir que... eh ben oui, le lin rouge existe bien ! Me voilà aujourd'hui plus savante qu'hier. En tout cas, merci pour la découverte. Intriguée, quand même, de savoir comment a été prise cette photo qui ne permet pas de distinguer les tiges fines du lin ; photo prise, sans doute, d'assez loin et assez haut ? Cultures dans votre secteur : Velleron / Pernes-les-Fontaines ? Pour quelle utilisation : les fibres, les graines comestibles, l'huile, la semence, les jardins ? 

Pardon d'avoir débité d'abord mes impressions sur la photo, avant de dire que cette page cogne très fort et reconnaître que, oui, la faucheuse est implacable et ne prévient pas forcément. Parkinson-Le-Glas a fait aussi du ravage du côté de chez moi. C'est dur, et il faut de la force et du courage pour conserver l'envie de trouver des fenêtres de lumière et continuer, avec le grand Jacques, à regarder encore "ce qu'il y a de beau". 
Le grand Dostoïevski avait aussi écrit quelque part : "La beauté sauvera le monde." 
---------
PS
Je me demande si j'ai la berlue ou quoi, mais il me semblait avoir vu, ces dernières semaines, passer un titre : "La dernière fois", un post que je n'avais eu ni le temps de bien lire, ni de commenter... J'y suis revenue il y a quelques jours pour écrire une nouvelle fois l'histoire de "la marchande de foie qui vendait du foie dans la ville de Foix"... et là : plus rien... Je me suis mise à penser à un sale coup : Chriscot qui n'écrit plus. Une visite chez les Impromptus, m'a rassurée et laissé voir que le souffle, le rythme sont toujours  AU TOP :-). 
Bravo ! Celle-là vous allez nous la chanter, hein ? l'éditer ? 

chri a dit…

@ Odile Merci Odile!
Les champs entiers de fleurs qu'on voit par chez nous sont semés pour récolter les graines et ça fait de jolies taches. :-)

Anonyme a dit…

même Pardaillan est mort... alors plus rien ne m'étonne.
Marie.

chri a dit…

@ Marie Quoi? Pardaillan est mort?

Véronique a dit…



" Un jour nous allons tous mourir Snoopy !
- oui, mais tous les autres jours, nous allons vivre ! "

chri a dit…

@ Véronique Oui, savons ce qui reste à faire!

chri a dit…

Et sur FB ça:
Catherine Ceretti Christian , la poésie dont tu soupoudres tes ecrits concernant le décès d'un immense champion ,les reflexions sur le temps qui passe et la mort m'a enchantée.
Merci pour ton texte magnifique, sensible et sage
Je t'embrasse

Merci Catherine!


Xavier Oustalniol Et un brin d'espoir. En anglais il disait: "dance like a butterfly, sting like a bee". Tous des éphémères on est.
Joli texte.

Merci Xavier !

Tilia a dit…

Comme Odile, j'ai été étonnée par le lin rouge. En vérifiant, j'ai appris dans cette page que non seulement il existe bel bien du lin rouge, mais aussi qu'il y en a du du blanc et du jaune !

Pour ce qui est des "ko debout d'émerveillement" je recopie ci-dessous mon récent commentaire chez Claude.
Hier (le 2 juin) j'ai été émue aux larmes (va savoir pourquoi) par une grande escadrille de martinets (entre 150 et 200 voltigeurs) qui venaient d'arriver au-dessus de chez nous. Je les ai regardé tournoyer pendant un bon quart d'heure, puis ils sont allés continuer leur repas ailleurs.
En fait, les martinets sont un de mes souvenir d'enfance. Le printemps venu ils égayaient de leurs cris le ciel d’Avignon. Dans certains anciens enregistrements du festival, ont entend nettement leur concert en musique de fond !


Ces fabuleux martinets, qui ne se posent jamais (même pas pour dormir, seulement pour se reproduire) vous les avez certainement vus et entendus sur Avignon. Et sans doute aussi dans votre coin, non ?...

chri a dit…

@ Tilia Oui, on les voit et surtout on les entend et ce qui m'émeut le plus d'eux c'est quand ils viennent boire sur une surface d'eau comme au paratge des eaux à L'Isle sur la sorgue mais qui peut-être une piscine, comme des rotations de canadairs infatigables...

odile b. a dit…

Et le Petit Prince, qui ne renonçait jamais à une question, redemanda :
Graines destinées à la rėcolte des semences, avec quel le but principal :
- la production de plantes ornementales au jardin ?
- la consommation dans le domaine alimentaire ?
- la récolte des fibres pour le tissage ?

chri a dit…

@ Odile Oui, oui, Odile pour les plantes de jardin. Semences Klause.

Catherine LC a dit…

Je passais sur la pointe des pieds... Et je me prends un direct dans le coeur ! C'est toujours du bonheur de vous lire Chri.

chri a dit…

@ Oh Merci Catherine LC...

Brigitte a dit…

Je n'aime pas la boxe !
Par contre j'aime ta photo

chri a dit…

@ Brigitte Je préfère ça que l'inverse!

Publications les plus consultées