12 août 2009

Refuge, tu parles…

J’étais passé la prendre, façon de parler, chez elle. Je l’avais attendue dans la rue. Elle était arrivée un peu après-moi. J’avais donc eu matériellement le temps de faire deux ou trois fois demi-tour. Je n’avais pas bougé. J’avais laissé les choses arriver. Respectueux scrupuleux de la maxime qui veut que: Quand tu ne sais pas quoi faire, le mieux est de ne rien faire. Oui, mais voilà, j’étais au pied de son appartement.
Quand elle est montée dans la voiture c’est un souffle qui est entré avec elle. Un souffle de vie. Nous avions vingt quatre heures devant nous. Autant dire une éternité. Jusque là nous n’avions réussi qu’à grappiller une heure ou deux, de ci, de là, toujours entre deux portes, deux arrivées, deux départs à chaque fois. Cette fois, l’avenir (jusqu’au lendemain soir) était entre nos mains. Qu’allaient elles en faire ? Allaient elles seulement savoir s’en dépatouiller ?
Sauraient elles faire avec ça ?
Pour la première étape, nous ne sommes pas allés bien loin. Le Bois voisin, pour y marcher un peu et nous poser les deux ou trois questions qui se bousculaient: Est-on bien certain que ces heures nous allons les vivre ensemble ? Le souhaites-tu ? Vraiment, je veux dire ? Est ce que ça ne risque pas de tout compliquer ? Oui, je suis d’accord, nous avions du mal à faire simple… Mais est ce que ce n’est pas, justement le plus délicat qui soit ? Et puis ce n’était pas le genre de la boutique. N’y revenons pas. Quand il y avait deux options, il nous en fallait toujours une quatrième. Alors, sans avoir rien résolu, si ce n’est le fait qu’après la balade au bois, il y aurait un restaurant, puis une chambre à trouver pour y passer la nuit (nous avions écarté l’idée de dormir dans la voiture, pour une première nuit, nous voulions du confort et de la douceur), nous avons roulé. J’avais fait le plein en prévision. Nous avons choisi de nous éloigner un peu du coin où nous vivions. Plus d’une centaine de kilomètres plus tard, la nuit tombée, quelques endroits qui ne nous disaient pas grand-chose, visités, certains éliminés d’office après avoir vu le hall d’entrée, des fous rires étouffés après un regard qui signifiait : « Ah ben non quand même, nous n’en sommes pas là ! » ou bien : « Ah ! Ben là ça va pas être possible, nous méritons mieux » des courses sous la pluie pour regagner la voiture, nous étions sur le point de rompre face à l’adversaire, de battre retraite en pleine campagne et de rentrer. Chacun chez nous. Et puis nous avons fini par trouver. Vue, l’heure, pour le repas, il nous faudra attendre le petit déjeuner mais ce n’était pas grave, ce n’est pas de nourriture dont nous avions faim, c’est de nous-mêmes. La chambre ressemblait à une bonbonnière rose, touffue de taffetas pour un tarif étouffant mais peu importe. Il suffisait d’éteindre les lumières. Nous nous sommes allongés sur le lit, têtes bêches à l’image de ce qu’était nos vies à cet instant. Nous ne nous sommes débarrassés que de nos chaussures pour ne pas salir le couvre lit et nous avons parlé. Jusqu’au lever du jour. Je ne crois pas que nous nous soyons touchés. Je ne me souviens pas qu’un millimètre carré de ma peau ait frôlé un millimètre carré de la sienne. Quand il y a trop de désir, il lui arrive de rester coi. La peur? Ce sont nos mots et nos mots seuls qui se sont entremêlés dans le milieu du lit. Du coucher au lever. Nous n’avons pas dormi. C’est défaits, les visages froissés, mais pas pour ce que les sourires en coin des serveurs laissaient supposer, que nous avons dévoré tout ce qui était sur la table, du jus d'orange à tous les croissants. Puis, une fois repus, nous avons repris route pour rentrer et nous séparer. Il pleuvait sur les champs balayés par un vent glacial. La plaine était d'un morne effarant. J’ai allumé le poste. Pendant les trois minutes et quelques de la chanson de Cocciante " Il mio refugio " nous n’avons pas prononcé un seul mot, mais un subtil mélange de larmes, à la fois peinées et joyeuses, s’est écoulé de tous nos yeux. Refuge, tu parles!
Est-ce que se sentir amoureux c’est être amoureux? Qu'est ce que c'est aimer? Quand sait-on qu'on aime? Qui aime-t-on quand on dit qu'on aime?
Chacun pour soi, enfermés dans nos silences, nous nous posions ces questions en ne voulant pas connaître nos réponses. Ni, surtout, nous les dire...
Tout était en place, nous n'avions plus qu'à croiser, à pleine vitesse, la trajectoire d'une bétaillère à cochon échouée, en panne, au plein milieu d'un carrefour à venir...
Et ce sera parfait.
A 080

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