Lui, plutôt menaçant, d'un ton sec, haché:
Ma main! Dis, ma main, petit morveux, tu la veux, ma main? Ça voulait dire dans ta gueule mais il l'a pas dit.
J’avais pas vraiment envie de répondre à cette question, je ne voulais pas lui faire plaisir, voilà tout. Et y répondre c’était lui offrir cette joie. Par dessus tout, j'étais perdant d'avance, comme d'habitude. Soit je disais non et il était conforté, donc, j’y avais droit... Soit oui et je me la prenais, direct. J’ai choisi de me taire. Evidemment, il n’a pas aimé mon silence. Il y a entendu du mépris. Bien sur, que j’en avais mis et une sacrée dose, même, mais je pensais l’avoir caché putain bien! Il l’a débusqué ce teigneux et sblam, une beigne. Une seule. Aucune autre n’a suivi, pour l'instant, pour cette fois. Parce qu’il avait frappé trop fort? Qu'il s'en était rendu compte? Qu'il s'était fait peur? Non, non, c’était comme les autres, mais après elle, d'un coup, il s’était reculé. Une preuve qu’il n’était pas encore entré en colère. Il ne fallait pas qu’il y arrive. Ne pas pleurer, ça ça le fâchait de suite, ne pas pleurer. Je savais par habitude de quoi il était capable quand il atteignait cette marche là, celle de la rougne. Et la, la dégelée qui se pointait, j'aimais pas bien. A cause des traces. Et des questions qu'on pouvait me poser.
C'était sa façon à lui de parler, il faut dire que des mots en réserve, il en avait pas trop. Il se servait toujours des mêmes qui revenaient dans sa bouche. Les plus grossiers, les plus raides, mais ça voulait pas dire qu'il l'était, lui, grossier. Seulement, avec les nuances, il n'y arrivait pas. Surtout quand il avait sa dose. Je l'ai jamais vu pas saoul. Du plus loin que je me souvienne il avait bu. Je crois qu'il était pas saoul quand il avait pas picolé et comme il éclusait tout le temps...
C'était sa façon à lui de parler, il faut dire que des mots en réserve, il en avait pas trop. Il se servait toujours des mêmes qui revenaient dans sa bouche. Les plus grossiers, les plus raides, mais ça voulait pas dire qu'il l'était, lui, grossier. Seulement, avec les nuances, il n'y arrivait pas. Surtout quand il avait sa dose. Je l'ai jamais vu pas saoul. Du plus loin que je me souvienne il avait bu. Je crois qu'il était pas saoul quand il avait pas picolé et comme il éclusait tout le temps...
Et voilà, on risquait ça souvent. Et souvent c'est pour pas dire à chaque fois. Ce qui s’était annoncé comme une gentille après-midi tranquille, entre nous, on ne peut guère faire plus peinard, allait se transformer, comme souvent en tumultueuse tornade. Les éléments, enfin ce qu'il avait au bout de ses deux bras, allaient se déchaîner. Eviter ça, à tout prix, le faire redescendre. Je me suis approché de lui et je lui ai pris une main, une des deux, celle qui pendait, celle qui n’avait pas frappé. Et je l’ai serrée. Il a bien essayé de l’enlever, mais il n’a pas pu. Je la tenais trop fermement. Alors, j’ai pu m’approcher de lui. Il s’est tourné vite fait mais j’ai vu une larme couler d’un de ses yeux. Je l’ai vue.
On y retourne? J’ai dit, mine de rien.
Il a grogné un truc que j’ai pas très compris mais ça voulait dire: Brandon, on rentre, t'as des trucs à faire pour ces cons de l'école...
J’ai fait: Oui, on rentre, d’accord. J’ai un peu froid. Je savais, en vrai, qu'il avait soif à nouveau, mais j'ai pas voulu lui parler de ça. Pas maintenant. Ne pas en prendre.
Ce que je me demandais en roulant c’est s’il avait vu que je l’avais vue, sa larme. Je préférais que non. C’est pour ça que j’ai été si vite d’accord pour rentrer. Ne pas le fâcher. Faire que l’armistice dure un peu. Toute la soirée? Pas non plus exagérer. Sans qu’on sache vraiment d’où, ça revient vite chez ces gens là, et moi, lui, je le connaissais depuis douze ans. Faut dire, à sa décharge que je suis pas facile, que j'en fais des conneries, à longueur de journée, même, mais douze ans de gifles, ça commence à faire un bail même quand t'en as que treize.
Si un jour j'ai un môme, sur que je me les fais couper, les mains, les deux, je me suis dit souvent. Ou alors je touche pas à l'alcool.
Si un jour j'ai un môme, sur que je me les fais couper, les mains, les deux, je me suis dit souvent. Ou alors je touche pas à l'alcool.
Je suis remonté sur mon biclou et j’ai foncé devant lui, comme si je lui ouvrais la voie.
En pédalant comme un forcené, une rage dans chaque mollet, en serrant les dents, je me disais: Bien sur, qu’il m’aime, mon père! Bien sûr que c'est plus fort que lui....
À sa façon, mais il m’aime, je le sais, j’en mettrais... ses mains au feu.
3 commentaires:
Le môme qui dit la vérité se prend un aller-retour
moi aussi je ne répondais pas à la question "tu la veux celle-là ?" mais pour avoir tourné et retourné la question dans ma petite tête, je suis pas sûr qu'elle m'aimait la mère. Une petite larme de temps en temps suffit pas à irriguer le désert.
J'ai beaucoup aimé surtout quand ses mains vont au feu !
Paraît qu'il y a des gens capables de pardonner ça. L'alcool et les baffes. Moi j'ai jamais pu.
M.
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