25 mai 2013

La brute.



J’en pleurais. 
De douleur et de rage. L’enfant de salaud à califourchon sur mon dos martyr, avec ses mains en godets de pelleteuse venait d'écraser entre ses paumes, une à une, toutes les fibres de mon Grand Oblique Dorsal gauche et pour faire bonne mesure, il allait s’attaquer au droit et là... 

___ Là, fini de rire, on allait voir ce qu’on allait voir, ça  va saigner m’a-t-il prévenu... 
J’ai eu droit à une vingtaine de secondes de répit et il a remis ça en ahanant comme un bûcheron vosgien. J’avais la tête enfoncée dans le trou, exprès pour, de sa table de massage. J'avais du mal à respirer et lui me froissait comme une A4 en soie. Je commençais à voir clair dans sa stratégie: J’allais sortir de chez lui sans cette pointe dans le dos qui me pourrissait la vie depuis plusieurs jours mais le pendant c’est que j’allais être également laminé dans les grandes largeurs, en vrac, en boule, en cendres?. Je me suis demandé s’il ne valait mieux pas en rester là et arrêter toute manipulation supplémentaire. Mais là où je me trouvais, à plat ventre, une brute en blouse blanche d’au moins cent dix kilos sur le dos, la tête rougie enfoncée dans les replis d’une table en acier, je n’étais pas en position de force. Je sentais des gouttes de sa sueur me perler sur le dos et en plus d’être chaud, c’était dégueulasse.
En voilà un qui n’épargnait pas sa peine, pas comme l’autre là, Fleur de Nuage, la gentille squaw qui m’avait à peine touché mais délesté de cent euros. Certes, j’étais sorti droit de chez elle mais dès la première nuit c’était revenu de plus belle. Un tomahawk entre L3 et L4 pile entre les deux qui me faisait hurler à chaque mouvement.
Alors, je m’étais rappelé de l’adresse de celui-ci que j’avais gardé sous le coude pour le jour où...

___ Ça c’est fait ! Il avait gueulé. 

Il m’avait ramené dans son cabinet. En regardant sur les murs, je pouvais comprendre qu’il avait fait du karaté en compétition ce qui ne m’a pas étonné  mais aussi qu'il manipulait les chevaux ce qui pouvait d’une certaine manière expliquer son engagement physique que je qualifierais tout de go d’extrêmement musclé…
___ J’ai fini par l’avoir, le gauche, a-t-il commenté fier de lui. Maintenant on va travailler plus fin, je vais aller chercher votre Petit Dentelé et lui régler son compte…
___ Est-ce-bien nécessaire ?
___ Et comment que c'est nécessaire! Vous n'êtes pas venu pour faire joli n'est-ce-pas? Il va s'en souvenir, croyez-moi!

Va pour le Petit Dentelé, enfin pour LES Petits dentelés puisque malheureusement on en a un de chaque côté… Je me demande si avant de s'y remettre il n'a pas craché dans ses mains comme un cantonnier avant de saisir sa bêche...
Ça pour aller les chercher, il est allé les chercher. L’un après l’autre lentement, méthodiquement, précisément. Quand ils les a eus entre ses doigts, il les a fait rouler (ce sont de petits muscles courts…) comme une cigarière cubaine façonne un Partagas 5. J’en aurais vendu ma mère.
Je me suis dit que je n’aurais pas aimé vivre pendant une guerre mondiale, j’aurais été tenté de parler à la seule évocation de la torture, à la vue de la moindre baignoire d’eau froide, de la moindre petite pince qu’on m’aurait mis sous le nez. Oui, j’aurais balancé tout le réseau avant même qu’on me touche. Ce n’était pas très glorieux de me faire cet aveu mais j’avais si mal. Et si peur d’avoir mal. Et si mal d'avoir tant peur!
Il a fini par rouler les dentelés, il les a allongés d’au moins dix centimètres et en prenant appui sur mes épaules, je vous rappelle qu’il était à cheval sur mon dos, il est descendu. Il a chopé une serviette blanche avec laquelle il s’est essuyé le front qui perlait de gouttes de sueurs grosses comme des pamplemousses. Il a gardé la serviette autour du coup et il a envoyé :

___ Encore un petit effort, jeune homme, c’est bientôt fini.
Puis, en se foutant ouvertement de ma poire il m’a distribué un bon point :
___ Vous tenez plutôt bien le choc, finalement.
J’étais exsangue, pâle comme une blouse d'infirmière. Je suis resté à plat ventre et je crois bien que je me suis endormi quelques secondes. Ou évanoui. Enfin j'étais inconscient. J’ai fermé les deux yeux et je me suis absenté. Il m’a plié dans tous les sens m’a demandé de souffler puis de ne plus souffler, puis il m’a replié encore et déplié, puis il m’a tordu, retordu et détordu et enfin, enfin j’ai entendu :

Voilà, pour moi, j’ai fini mon boulot. Vous risquez d’avoir mal encore pendant trois bons jours. Buvez beaucoup d’eau, ne restez pas immobile… Marchez. Je vous fais une facture pour votre mutuelle ?

Puis, il m'avait montré la sortie. Il m'avait précédé, il avait ouvert la porte en grand et quand j'étais passé à sa hauteur, il m'avait envoyé une petite tape amicale sur les fesses comme on flatte le col d'un pur sang en souriant. Il avait ajouté:

___ C'est du solide ça, ça va tenir!

Un peu plus, j'en hennissais... Je me suis retrouvé sur le trottoir avec, sur les reins, une bétonnière sauvage et pleine, là où, une heure avant, j'appuyais sur une sonnette avec juste une gentille petite pointe dans le dos…


16 commentaires:

Tilia a dit…

Pas encore expérimenté la bétonnière sur le dos, et franchement je n'y tiens pas. Par contre, il va falloir que je pense à suivre son conseil en buvant et bougeant davantage :)
Le tomahawk, chez moi il se plante entre D11 et D12 quand je suis allongée (discarthrose et pincements). Du coup, les ordonnances pour des séances de kiné finissent en lettres mortes. Je préfère m'asseoir dessus plutôt que de grimper sur une table de kiné, où le simple fait de m'allonger est déjà une torture !

chri a dit…

@ Tilia C'est une option possible: Renoncer. Renoncer à être soignée et éventuellement soulagée...

amichel a dit…

peut être une crise d'acné "sénile" ?? mais c'est pas drôle !!

"Le mal de dos pourrait être soigné avec des antibiotiques..
SANTE - Un germe, semblable à celui de l'acné, serait à l'origine de 40% des cas...

Un espoir pour les nombreuses personnes victimes de mal de dos. Deux études danoise et britannique ont démontré qu’un germe, semblable à celui de l’acné, est à l’origine de 40% des cas et qu’il pourrait être traité avec des antibiotiques, a rapporté l’European Spine Journal qui les publient.

Le germe mis en cause s’appelle le Propionibacterium acnes (P. acnes), soit une bactérie «très courante sur la peau humaine, notamment dans l’acné», indique Le Figaro. Elle a été décelée, grâce à des biopsies vertébrales, chez des patients atteints de lombalgies chroniques avec hernie discale. Or, si ce germe, logée aussi dans la moelle osseuse, est bien à l’origine des douleurs dorsales, «un traitement antibiotique est envisageable» afin de les soulager, ajoute le quotidien."

chri a dit…

@ Amichel Vous illuminez ma soirée!!!
Des antibios, des antibios moi je suis plutôt pour comme dirait l'autre!

M a dit…

De janvier à avril, la pointe de feu qui fouraille de L4-L5 jusqu'au bout du pied...
Le chirurgien, il y a deux ans m'avait dit : pas d'opération de la hernie tant que vous n'avez pas de signes plus probants de début de paralysie(OUF !) par contre, sanglez les abdos, ça vous aidera.
Merci Monsieur !
Une infiltration plus tard (une horreur : meuhhh non ce n'est pas douloureux, tout au plus désagréable... Quelle c... la peau de vache !)la douleur avait disparu et les abdos je n'y ai plus vraiment pensé. ERREUR ! Depuis je fais du "pilates", un petit massage de temps à autre, histoire de détendre la bête, et ostéo deux fois par an (même si tout va bien).
Le problème avec l'épée de Damoclès à visée lombaire, c'est qu'on l'a toujours dans le dos, même si on la regarde en face !
... Dis, après la "brute" d'aujourd'hui et le (la) "truand" de la semaine passée, tu nous racontera le bon ?

chri a dit…

@ M Sanglez vous les abdos, sanglez les abdos Avec une ceinture?... Ils en ont de bonnes, eux... Le bon c'est celui qui apaise...

Brigitte a dit…

Et je rajouterai: chez lequel tu n'as plus besoin d'aller !!!

Brigitte a dit…

Ou encore qu'est ce qui te pèse comme ça sur le dos pour te faire si mal ???

chri a dit…

@ Brigitte Ca s'en va et ça revient c'est fait de tout petits riens...

Slevtar a dit…

Comme manchot thérapie, il n'a pas joué petit bras le kiniais . Je mesure ma chance quand un peu de voltarène suffit ...

chri a dit…

@ Slev Pour y être allé fort il y est allé fort! Je dénoue vos tensions qu'il disait alors qu'il les puréisait!

Anonyme a dit…

Et fleur de nuage alors ? Ca n'a rien donné au final à ce que je lis ...

merci pour ce moment de bonne humeur !!!

Laurence a dit…

Zut, j'ai oublié de mettre mon nom ... L'anonyme, c'est moi ... Laurence

chri a dit…

@ Laurence En vri ni l'un ni l'autre n'existent! Des portraits venus de mon... expérience!

Anonyme a dit…

Tout compte fait je vais essayer Mouctar...
Papi

chri a dit…

@ PapiTu fais bien surtout que tu paies après le résultat qui intervient sous trois jours et don de naissance de père en fils 20 ans d'expérience ça fait tout de suite plus sérieux!

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