12 septembre 2011

Un automne à Paris...


En vrai, ça débute bien avant la date officielle. 
Ça démarre au coeur de l'été, sans que personne s’en aperçoive vraiment ou alors, c'est le ciel, seul qui s’en saisit. C’est même, sans doute, lui qui en est à l’origine, qui le porte en lui, comme un virus. Au tout début, c’est à dire pendant les chaudes journées d’Aout seules quelques unes en sont victimes, elles finissent, en général, bêtement dans les caniveaux balayées par le vent chaud de ces  interminables soirées. Quand on en aperçoit une, par hasard, on ne la plaint pas, on l’incrimine presque : Ah tu as voulu faire ta maline, toi, hé bien regarde ce qui t’arrive… Que n’est tu restée comme tes sœur si vertes… Te voilà perdue, abandonnée, piétinée, balayée désormais. Nous t’oublierons. Et puis, on l’oublie. En fait, à cet instant on ne veut appréhender aucun signe, aucune trace de LUI. On ne veut pas en entendre parler. On n’en est pas là, on n’a ni le coeur, ni la tête à ça. On souhaite, simplement, continuer à jouir des douceurs vécues.
Quelques jours se passent encore, quelques jours qui, du reste, diminuent, enfin ce n’est pas exactement ce qu’on dit. On dit que le soir vient de plus en plus tôt, on remarque qu’on quitte les terrasses des cafés plus avant dans la soirée. Là où le temps semblait  s’éterniser, il arrive maintenant qu’il accélère pour vider un verre, finir une assiette. On se lève, poussé par une fraîcheur nouvelle descendue sur la terre… 




               Le long des quais, les amoureux tricoteurs de phalanges, mélangeurs d'avant-bras, serreurs de tailles, fabricants de promesses, incendiaires de regards, pressent le pas. Là où ils restaient des heures à s'éblouir au passage des bateaux mouches, ils s'arrêtent puis repartent... Vite, au chaud...
Pendant ces journées, on commence à les pousser du pied dans la rue. Elles deviennent des tas.  En levant les yeux, on se rend compte que cette fois on y est. Pour de bon. Les arbres sont en train de changer de couleurs, ils passent, tous, du vert au brun. Et surtout pour ceux qui sont le plus proches des bouches de métro ou des sources de chaleur comme les immenses aérateurs de Beaubourg, là, les marronniers changent de saison avant les autres, en précurseurs…
Alors ces jours là, si l’on peut, il faut aller passer de longues heures dans les squares, les jardins cachés, les endroits magiques de cette ville parce que c’est là que le spectacle va se concentrer. Trouver les jardins du Palais Royal, la Place des Vosges, Les Tuileries… Au dessus de ces rectangles policés, le ciel va, lui aussi, changer de nature. Les dépressions vont se succéder en chaînes, les unes derrière les autres avec leurs nuages annonciateurs puis les quelques jours de pluie et, enfin, les merveilleux ciels de traine, prophètes de fin de perturbation… Ces longues avenues de nuages, sagement rangés comme des oreillers blancs sur la table d'un tapissier… Et puis, un soir, au beau milieu d'un boulevard, tu verras ta première écharpe. Tu remarqueras que les femmes ont sorti leurs manteaux, que les jupes ont rallongé, que les jambes se sont couvertes... Si tu es en veine tu croiseras aussi ton premier chapeau...
Maintenant, sous les effets des pluies d’Octobre et des lumières devenues horizontales, tranchantes, cinglantes, les rues vont se faire luisantes, les gris des bâtiments vont se mettre à briller, les toits à étinceler et des pluies de perles fines vont tomber des toits sur le sombre des avenues… Une mauvaise haleine va sortir des bouches de métro, les cerveaux vont s'enrhumer.  Dessous, dans les longs couloirs, ça va sentir l'imper gaugé, la gabardine humide, le cheveu d'homme mouillé, le cuir trempé, le vaporub et l'anti tussif...
La ville va changer de ministère. Nous serons en Automne!
Maintenant, les arbres auront presque tous ces teintes fantastiques qui vont du caramel au brun profond en passant parfois par le rouge des érables si les nuits sont assez fraîches. Le long des quais où le fleuve noir gigote ce seront des symphonies d’ocre et les balades deviennent des enchantements… Les  immenses parcs comme Bagatelle, les bois comme celui de Vincennes ou de Meudon n’en resteront pas là, ils voudront eux aussi être de la fête et c’est à celui qui proposera les plus incroyables accords… 
Alors, il faudra monter sur les hauteurs, pour s’enivrer du spectacle vu d’en haut. Le Sacré Cœur, la Sainte Geneviève, les Tours de Notre Dame, la colline de Chaillot, le Mont Valérien. Toute la ville sera brassée, repeinte dans les tons de bruns rouges. Alors, au coin de quelques rues, on se noircira les doigts de marrons grillés dans de larges gamelles, on s'y réchauffera les paumes, on rentrera dans les bars en tapant des pieds , en se frottant les mains... Il arrivera, même certaines fois que des nuages plus audacieux, toréadors de Bastille, emportés par la fougue qui les emmène, les entraine... tentent de passer des véronique d'école au génie de la place...
Puis les pluies se feront plus fréquentes, les cieux gris plus épais, plus longtemps, il se mettra à faire froid plus souvent, les feuilles se mettront à, toutes, dégringoler…
Bientôt, on les chantera, bientôt, elles seront, à la pelle, ramassées.
Un fringant hiver, bientôt, percera.


15 commentaires:

Brigetoun a dit…

si je pouvais les re-coller

chri a dit…

@Brigetoun Ah oui, moi aussi, si je pouvais...

Lautreje a dit…

ah que j'aime les saisons ! et puis là j'entends Be de Neil Diamond, j'aime le vent, la pluie, le tonnerre pourvu que Be !
merci pour ces couleurs à venir !

clo a dit…

"Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres..
Adieu vives clartés de nos étés trop courts.."
comme c'est douloureux cette transition...le temps passe si vite.. et même si les feux de l'automne réchaufferont encore nos coeurs,on sait que nos pas nous mènent vers l'inexorable hiver..
Il faut garder au creux de soi suffisamment de lumière pour survivre jusqu'au printemps prochain...:)
Un très joli texte merveilleusement illustré..merci Mr Chri..:)

Tilia a dit…

L'automne à Paris.
Merci pour l'idée.
Ancrée dans ma routine champignonesque, forêt de Marly, forêt de Saint-Germain, je n'y avais pas pensé !

Belle évocation, mais il manque les marrons. Chauds de préférence, les marrons. Pas sur le ciboulot, aïe !

chri a dit…

@Tilia C'est réparé!
@Clo: Chaque saison est en soi magnifique... Il faudrait pouvoir les vivre bien, toutes!
Merci à vous.

chri a dit…

@Lautreje: Je suis d'accord même si je ne suis pas très "froid, froid"!

amichel a dit…

pour Véronique aussi sur les pas de chriscot :

dans l'été qui s'en va
aux jardins de septembre
dans Paris couleur d'ambre
l'automne vient pas à pas

dans l'été qui s'en va
aux cafés où l'on se réfugie
dans Paris nostalgie
l'automne assise est là

dans l'été qui s'en va
sont miroirs sous la pluie
les trottoirs de Paris
où l'automne se voit

dans l'été qui s'en va
en robe d'organdi
passe le ciel de Paris
avec l'automne au bras

dans l'été qui s'en va
un cornet de châtaignes
et c'est déjà l'enseigne
d'un Paris de frimas

chri a dit…

@Amichel: Bravo pour cet automne à Paris...

véronique a dit…

oh ! MERCI, MERCI .... Chriscot ! je crois que c'est la première fois que quelqu'un écrit un texte un peu pour moi !

Comme chaque année, mais un peu plus aujourd'hui, j'ai hâte de voir cet automne arriver pour ne rien rater, pour apprécier mieux encore tout ce que vous écrivez aujourd'hui, en savourer chaque instant ... j'irai partout, de la place des Vosges à Bagatelle en passant par le Mont Valérien, j'étrennerai ma nouvelle écharpe à la terrasse d'un café en regardant les dépressions venues de l'ouest.. je me goinfrerai de marrons chauds... j'aime l'automne et la description que vous en faites me donne raison !

Chriscot, je me le garde précieusement cet automne là ! je vous envoie déjà des brassées de feuilles mortes de toutes les couleurs !
(et puis vous avez fait drôlement vite ! )

véronique a dit…

@ pour Amichel de Véronique
Décidément quelle journée ! mais je sais que vous aimez décliner les saisons Amichel .....

jeandler a dit…

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Les souvenirs et les regrets aussi
Mais mon amour silencieux et fidèle
Sourit toujours et remercie la vie
Je t'aimais tant, tu étais si jolie,
Comment veux-tu que je t'oublie?
En ce temps-là, la vie était plus belle
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui
Tu étais ma plus douce amie
Mais je n'ai que faire des regrets
Et la chanson que tu chantais
Toujours, toujours je l'entendrai!

chri a dit…

@Véronique Ah mais ce n'était pas un peu pour vous! C'était pour vous!!!
Oui, j'ai fait assez vite, je trouve!!! Merci pour la brassée!

@Jeandler Bravo pour vos mortes feuilles à vous!!!

monique a dit…

Belle promenade ce soir parmi vous tous, un peu en dehors du temps à regarder tomber les premières feuilles qui ne verront pas même l'automne avec du chagrin pour elles...à écouter à voix basse ce merveilleux poème pour Véronique découvert ce soir sur son bureau et qui m'a ainsi conduit jusqu'à vous avec grand plaisir.

chri a dit…

@Monique Content de vous avoir... contentée.

Publications les plus consultées