Ils étaient deux, côte à côte, enfoncés, effondrés, répandus, même, au plus profond du creux profond des sièges, leurs converses délabrées, délacées, délavées, alanguies, avachies, sur la banquette qui faisait face. Ils étaient deux. Leurs quatre interminables jambes vêtues dans des jeans bien trop grands mais bien trop courts, cigarettes en étuis. Leurs maigres bustes couverts de chemises trop petites mais bien trop boutonnées. Ils étaient deux, côte à côte, avec chacun un casque à musique sur les oreilles, leurs yeux invisibles derrière des lunettes de soleil, mâchant et remâchant des gommes à la vieille chlorophylle, leurs cheveux en batailles dérangées, comme coiffés avec des pinces anglaises, leurs juvéniles barbes naissantes et éparpillées. Ils lisaient, les deux, insupportables pour une vieillesse dans leurs jeunesses nonchalantes et débraillées. Chacun un livre. Enfin, ils en avaient chacun un ouvert devant le noir de leurs lunettes. Ils étaient deux et je m’amusais à les examiner. De leurs sacs éventrés, jetés là, à même le sol tremblant, dépassaient des convocations pour l’épreuve du baccalauréat de philosophie du matin. Celle qui les attendait sans doute au Lycée de la ville où ils se rendaient.
J'étais
presque certain qu'ils lisaient puisque, de temps à autre, ils tournaient les
pages de leurs bouquins. Ce geste insensé, ils l'accompagnaient d’un souffle,
comme un de ceux de la blanche baleine qui, ainsi, accélérait le geste,
le poussant, l’expulsant. C’était un souffle d’encouragement à un effort
exigeant visiblement une énergie folle. Et puis, le silence revenait jusqu’à la
page suivante. Un moment, suspendant sa lecture, l’un a dit :
___
C’est râpé pour moi, je renonce, cette fois, je sais que... je ne sais rien!
___
C’t’un bon début, ça, pour la philo à dit l’autre… Un début, Senèque?
Puis dans un souffle épuisé en désignant son livre : J’en ai marre de çui là.
Puis dans un souffle épuisé en désignant son livre : J’en ai marre de çui là.
Comme
son acolyte ne réagissait pas, il a répété en détachant chaque syllabe :
___
Me fait chi er ce li vre…
Alors,
l’autre lui tendant le sien :
___
Tiens donne ton Spinoza, je te passe l’Epicure…
___
Ah non ! Pas ça, steuplait ! J’en ai trop peur, des piqures...
Alors, les deux dans le wagon se sont regardés et se sont mis à
rire, mais ils ont ri…
5 commentaires:
C'est dans quel film ???
:)))
J'ai choisi la forme "Magazine"...
@ Michel Oui, pas mal le modèle magazine, Mais là je n'ai plus la musique... Et pourquoi donc?
PS: Gnafron national c'est pour le jeu de mot!
D'un capillotractage à l'autre : Worms, l'égaré trouva qu'il ferait beau voir qu'on poussa des cris d'orfraie à le découvrir !
Z'êtes sûr, je reste ?
Ce que vous ferez sera
@ M
Oui, oui, restez.
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