18 septembre 2010

Ah! Te voilà déjà, toi...

Ainsi donc, te voilà, déjà, revenant.
Tu sais nous nous étions assez bien habitués à ton absence, ce serait mentir que te clamer notre impatience à te revoir, à vivre à nouveau sous ton régime de despote, à supporter tes colères, tes diktats et tes emportements, à devoir faire avec tes journées grises et tes  pleurs de nuages. Pour tout dire, et le dire le plus franchement du monde, sans  prendre de détours, sans volutes inutiles, sans non plus vouloir t'offenser, nous t'avions bel et bien oublié.
Cela dit, il faut noter que tu ne nous reviens pas en fanfare, tu ne fais pas ton mariole, tu donnes plutôt  dans la discrétion, dans le retour feutré, tu ne balances pas de grands coups de pieds dans les portes, tu y insinues juste une main… La mémoire encore vive de tes anciennes casseroles? Pour voir? Pour te réhabituer? Pour te la refaire? Tu ne nous prends pas non plus à rebrousse peau, ainsi, tu nous gardes encore le plus clair du jour au chaud, ce n’est que le soir que tu ressors tes fraîcheurs, ce n’est que le soir, en attendant plus, que tu nous recouvres les épaules d’un châle ou d’une, comme nous disons, petite laine, tu nous réhabitues gentiment aux courants d’air, aux humidités, tu nous laisses encore prendre des verres en terrasse mais moins longtemps, il nous faut rentrer plus vite, puisque tu as sacrément raccourci les jours… Il est vrai qu'à cette affaire,  tu t'y est mis depuis quelques mois... En compensation, sans doute, tes lumières du soir ou du matin sont plus tranchantes, plus électriques, plus photogéniques... Nous devrions t'en remercier, je suppose?
Ce qui est assez remarquable c’est que tu te montres de partout… jusqu'au Ventoux, là-bas, dans le fond! Le voilà qu'il recommence à laisser paître des troupeaux de nuages gris sur les pierres du sommet… Voilà que certains matins, il cache le haut de son crâne dans le coton  sali. Autour, certains arbres de certains bois jaunissent quelques feuilles, de ci de là, comme un peintre commencerait à chercher ses couleurs, en loucedé, un qui n’y toucherait pas encore vraiment, mais qui s’y intéresserait comme ça, pour voir ce que ça pourrait donner… On s’en aperçoit, à condition de regarder d’un peu plus près ou bien d’avoir, au contraire une vue d’ensemble sur un paysage. Il a changé, en quelques nuits, guère, mais il a changé. Après avoir été coupés, les champs ont tous ou presque été labourés, préparés à de nouvelles semailles. La terre a repris le dessus, l'horizon s'est à nouveau dégagé. Pour les arbres, ça a commencé par les cerisiers, puis les platanes, puis les vignes, bientôt, dans plusieurs semaines tout ici aura été bousculé, on ne reconnaîtra plus rien. Les rouges étincelants auront débarqué, en attendant ce ne sont que de petits jaunes timides qui s’y collent comme les toutes premières couleurs d'une roséole…
Ah! Tu fais bien aussi tomber quelques feuilles de quelques arbres en profitant d’un coup de vent que tu as toi-même provoqué, mais pas une bourrasque, non, un souffle un peu plus fort que les autres pour te rendre compte, te donner une idée... Te le refaire, le souffle?

Tu sais, tu as beau t’amener avec ton chargement de fruits, maintenant, mûrs et colorés de  frais pommes, poires,  figues, olives,  amandes, noisettes,  noix, comme un explorateur colonial  se pointe avec la bimbeloterie pour amadouer les indigènes, tu as beau tenter de nous persuader que les vendanges sont des fêtes, nous ne sommes pas dupes…
Tu arrives, espèce d'automne... On te voit venir. On te sent poindre avec tes mines gercées, tes nez qui coulent et tes chairs de poules... Déjà, nous rentrons  la tête dans les épaules, nous marchons vaguement courbés, bien loin de  l'allure altière du plein été... Déjà, tu nous enlèves de notre superbe, déjà, il nous arrive de tenir notre col à une main, nous ajoutons des manches à nos chemises, nous nous protégeons les nuques, nous nous couvrons les jambes...
Déjà, nous sommes un peu moins fiers...

Peupliers Mazan

10 commentaires:

Brigetoun a dit…

oh que oui - et je ne veux pas - puisque tu le connais, demande lui de s'en aller, il y a plein d'endroits pour lui

chri a dit…

@Brigetoun: Le commentaire le plus rapide à l'est du Rhône! Je crois que c'est râpé, il n'en fait qu'à sa tête!

Lautreje a dit…

oui, il est en chemin !! je sais que je ne fais pas l'unanimité, mais je l'aime l'automne, moi !

chri a dit…

@Lautreje: Nous aussi, on l'aime... mais pas de suite...

nathalie in avignon a dit…

Comme tu l'as bien observé, lui!
Moi aussi j'ai vu les signes, je le sens rôder, surtout aux petites heures mais même en plein jour quand il s'accompagne de mistral pour déguiser son passage.
Je m'en inquiète comme la poule qui se doute que le renard va bien finir par trouver la faille dans le grillage de son poulailler.

On est cuits, Chri, on est cuits.
La petite laine laisse présager l'épais manteau que je déteste déja.

Tu le dis remarquablement, bravo !

chri a dit…

@Nathalie: Cuits peut-être pas encore tout à fait mais bien... assaisonné c'est sur!

Anonyme a dit…

Joliment rendu, que ça en fait froid dans le dos. Ce qui, ici, est plutôt rafraîchissant.

Slev

chri a dit…

@Slev Mais vous, vous avez l'œil!

véronique a dit…

que c'est joliment écrit Chriscot ... profitez, profitez l'hiver sera trop vite là

chri a dit…

@V. On va essayer surtout que nous sommes assez gâtés ces derniers jours... Douceurs et compagnie...

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